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Les perspectives du marché de l’automédication

20 février 2018
par Béatrice Espesson-Vergeat

L’automédication, ou self care, recouvre un secteur très large de produits, qui comprend les médicaments dits de médication familiale, les dispositifs médicaux, les compléments alimentaires. Entendue dans un sens large, l’automédication, qui consiste pour le patient consommateur à se soigner lui-même pour les petits «  bobos » du quotidien, comprend aussi les plantes, huiles essentielles, homéopathie, et produits dermocosmétiques.

Pour 2017, le marché officinal global a représenté 36,2 milliards d'euros (+0,02 %). Sur ce marché, les produits d’automédication (compléments alimentaires, dispositifs médicaux et médicaments non prescrits) ont pesé pour environ 11 %. Ce pourcentage étant composé par les médicaments pour environ 60 %, et par les compléments alimentaires et des dispositifs médicaux pour environ 21 % chacun. Les analyses économiques démontrent un ralentissement de la vente de médicaments alors que les produits autres se développent, et notamment les produits d’aromathérapie, huiles essentielles qui entrent dans la composition des produits alimentaires aromatisés, boissons, cosmétiques et produits de beauté parfumés. Une forte croissance sur le marché mondial est prévue pour les années à venir pour ce type de produits (Selon Market Research Reports, le marché mondial devrait croître de 9,60% entre 2017 et 2022 et atteindre une valeur de 27,49 milliards de dollars US d’ici la fin de 2022).

Cette photographie du secteur de l’automédication s’inscrit dans contexte de tensions très fortes, ayant pour cause d’une part la question de l’ouverture du monopole pharmaceutique (I) et d’autre part celle des risques liés à l’utilisation des substances à l’état nanoparticulaire(II) ou encore perturbateurs endocriniens. Dans cet environnement économique tendu, les problématiques juridiques se multiplient pour les fabricants et distributeurs.

  • I- Le débat concernant l’ouverture du monopole pharmaceutique et la vente en GMS des produits d’automédication.

La France, à la différence d’autres Etats de l’Union européenne , a fait le choix d’un monopole pharmaceutique fort, et d’un contrôle étroit dans la prescription et la délivrance des médicaments par le pharmacien au sein de son officine en dur ou virtuelle. Jusqu’alors toutes les tentatives pour obtenir l’ouverture du monopole et la vente en GMS des médicaments de médication familiale ont échoué. Toutefois, aujourd’hui la question se pose à nouveau. En France, une large offensive est lancée par les syndicats de pharmaciens pour contrer une potentielle levée du monopole officinal, actuellement étudiée par l’Autorité de la concurrence. Une campagne d’information du patient sur les risques des médicaments est en préparation. En Autriche, où la pression est aussi très forte, une étude menée dans six pays ayant dérégulé leur marché démontre que la libéralisation du marché de l’OTC n’apporte aucun bénéfice réel à la population en termes de prix, d’accessibilité, et encore moins de conseils. Le médicament n’est pas un produit comme les autres. Il dispose d’une AMM (Autorisation de mise sur le marché) fondée sur un rapport bénéfice-risque positif, ce qui signifie qu’il comporte des risques, mentionnés dans le résumé des caractéristiques du produit. L’information du patient consommateur est le fondement premier permettant de garantir l’utilisation conforme du produit et d’éviter les risques de surdosage, mésusage, contre-indication, surconsommation. La nécessité de contrôler la consommation des médicaments présentant un risque a conduit la ministre de la Santé, en France, à rendre, par arrêté[1], tous les médicaments contenant de la codéine, du dextrométhorphane, de l'éthylmorphine ou de la noscapine disponibles uniquement sur ordonnance. Le contrôle de la consommation, la procédure de vigilance, l’information renforcée du patient, institutionnelle et par le pharmacien, viendront donc dans les débats s’opposer à l’argumentation concurrentielle fondée sur la liberté de distribuer les produits d’automédication, conformément à l’ouverture du marché européen.

  • II- L’information sur la composition des produits de médication familiale

Aux risques associés aux produits médicamenteux, liés aux substances actives composant le médicament, s’ajoutent les risques portant sur les substances incorporées dans tous les produits de médications familiales et qui pourraient avoir un effet négatif, voire dangereux sur la santé. Sont visés tout particulièrement les perturbateurs endocriniens et les substances à l’état nanoparticulaire. Pour ces dernières tout particulièrement, il convient de rappeler que les produits doivent mentionner le caractère nano entre crochets, sur l’emballage du produit, lorsque les conditions sont réunies au regard de la règlementation européenne[2]. Cette obligation vise les produits alimentaires[3], compléments alimentaires[4], cosmétiques et notamment ceux vendus dans le cadre de la médication familiale. L’obligation de transparence et d’information du consommateur donne lieu à des contrôles et vérifications par la DGCCRF, qui mène des enquêtes en vue de s’assurer que les professionnels respectent leurs obligations de fournir au consommateur une information loyale. En cas de manquement, la DGCCRF met en œuvre une action coercitive qui commence par l’injonction de mise en conformité des étiquetages et peut aller jusqu’à l’engagement de sanctions pénales.

La surveillance de la composition des matières premières de tous les produits entrant dans l’automédication s’impose. Ces substances à l’état nanoparticulaire sont utilisées dans tous les produits médicaments, dispositifs médicaux, cosmétiques, compléments alimentaires, aliments etc. La difficulté provient de la multiplicité des textes, de l’absence d’uniformité dans la définition des nanoparticules, de la complexité dans l’analyse de ces substances et de leurs effets sur la santé, qui doivent conduire les fabricants à la plus grande précaution envers les fournisseurs de matières afin de s’assurer du respect des procédures de transparence et de la plus stricte information envers le patient consommateur par l’étiquetage sur l’emballage du produit.

Le renforcement des enquêtes de la DGCCRF visant à s’assurer de la sécurité et du respect de l’information du patient, la multiplication des cas de mésusage de produits en automédication relevés dans les procédures de pharmacovigilance, doivent inciter les fabricants, distributeurs et professionnels de santé à la plus grande prudence.

Le bras de fer entre libéralisation et sécurité va se jouer au cours de cette année, au terme de laquelle le rapport sera déposé à l’Autorité de la concurrence concernant l’ouverture du monopole pharmaceutique. La précaution et l’information renforcées sont plus que jamais de mise.

[1] Arrêté du 12 Juillet 2017 portant modification des exonérations à la réglementation des substances vénéneuses.
[2] Règlement (CE) n°1123/2009 relatif aux produits cosmétiques
[3] Règlement (UE) n°1169/2011 concernant l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires
[4] Directive n°2002/46/CE rapprochant les législations des États membres concernant les compléments alimentaires

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