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LA « SAGA » ALSTOM : CONTROLE DES SENTENCES ARBITRALES EN MATIERE DE CORRUPTION

07 novembre 2022
par
Ioulia Tsoukanova

Récemment, l’Agence française anticorruption (AFA) a publié les résultats de sa deuxième enquête sur le niveau de maturité des dispositifs anticorruption des entreprises françaises. Elle y fait le constat d’une progression, non seulement sur le niveau de connaissance des infractions de corruption et de trafic d’influence mais aussi sur les mesures de détection et de prévention mises en place.

C’est l’occasion de revenir sur l’une des affaires emblématiques de ces dernières années en arbitrage : la « saga » Alstom. Celle-ci met en effet en lumière les principales difficultés liées au contrôle des sentences arbitrales en présence de faits allégués de corruption, lorsque ces dernières sont sur le point d’intégrer l’ordre juridique français par le biais de l’exéquatur.

  • Des faits allégués de corruption

Dans cette affaire, Alstom avait conclu avec une société hongkongaise plusieurs contrats de consultance pour l’assister dans la soumission d'offres de fourniture de matériel ferroviaire en Chine. Invoquant son programme d'éthique et de conformité, elle avait refusé de payer le solde des factures de son prestataire. Condamnée à payer par un tribunal arbitral suisse, Alstom avait fait appel de l’exequatur de la sentence en invoquant notamment la violation de l’ordre public international. Elle avait soutenu qu’il existait des preuves de corruption dans l'exécution des contrats sous-jacents et que les sommes auxquelles elle avait été condamnée, étaient en réalité destinées à financer un schéma de corruption.

La cour d'appel de Paris a rendu sa décision en deux temps. Le 10 avril 2018, estimant ne pas être tenue par les constatations du tribunal arbitral, elle a ordonné la production de pièces et demandé aux parties de conclure sur l’existence d’un contrat de corruption. Elle s’est appuyée pour ce faire sur la technique des red flags (faisceau d’indices) permettant de révéler l’éventuelle existence d’un contrat de corruption.

Puis le 28 mai 2019, la cour a réformé la décision d’exequatur au motif qu'il existait des indices graves, spécifiques et concordants selon lesquels les sommes payées par Alstom avaient financé et rémunéré des activités de corruption d'agents publics.

Le 29 septembre 2021, la première chambre civile de la Cour de cassation cassait et annulait l’arrêt, au motif qu’il avait retenu des faits de corruption en dénaturant les déclarations des parties (Cass.1ère civ, 29 septembre 2021, n°19-19.769).

L’arrêt de la cour d’appel de renvoi (Versailles) est attendu avec beaucoup d’impatience dans l’espoir qu’il apportera la dernière pierre à l’édifice de la méthodologie du contrôle des sentences arbitrales.

Un contrôle des sentences à deux vitesses ?

A l’occasion d’un recours en annulation ou d’un appel contre une ordonnance d’exequatur, les sentences arbitrales font l’objet d’un contrôle minimaliste dans la plupart des cas d’annulation prévus par l’article 1520 du code de procédure civile. Mais, en présence d’allégations de corruption, la cour d’appel de Paris avait procédé à un contrôle étendu de la sentence. Cela s’expliquerait par le consensus international sur la particulière gravité que constitue la corruption, relevant comme telle de l'ordre public international. Malgré tout, la Cour de cassation n’a pas souhaité profiter de cette affaire pour consolider sa jurisprudence en matière de corruption et se prononcer sur l’étendue du contrôle.

  • L’importance des éléments de preuve

La Cour de cassation a reproché sa démarche à la cour d’appel de Paris qui  n’avait pas pris en compte les déclarations faites à l’audience par les témoins et retranscrites

Si la cassation pour un motif disciplinaire est évidente, les conséquences pratiques le sont moins. Rappelons qu’en matière d’arbitrage international, les parties sont libres de recourir aux transcripts. Cela peut faciliter le travail des arbitres. Leur forme est libre et leur contenu est souvent volumineux.

Cela sonne comme un avertissement aux parties qui doivent se faire accompagner par des praticiens capables d’appréhender toute la technicité du contrôle des sentences arbitrales. En effet, les transcripts sont des éléments de preuve qui doivent faire l’objet d’un contrôle attentif dès le stade de l’audience, puis au stade de leur relecture. Car leur contenu, s’il n’est pas pris en compte et s’il est en contradiction avec des pièces portées à la connaissance du tribunal, peut justifier une cassation pour dénaturation.

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