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Application du régime de la contrefaçon en cas de violation d’une clause d’un contrat de licence de logiciel

28 janvier 2020
par Damien Remy

Lorsque le bénéficiaire d’une licence d’exploitation d’un logiciel modifie sans autorisation les codes sources de ce logiciel, sa responsabilité peut-elle être recherchée sur le fondement de la contrefaçon de droit d’auteur, action de nature délictuelle, ou sur le fondement de la responsabilité contractuelle ?

La jurisprudence a longtemps été divisée sur la question.

Ainsi, dans un arrêt du 10 mai 2016 (n°14/25055), la Cour d’appel de Paris avait considéré que le régime de la responsabilité contractuelle devait s’appliquer en cas de violation d’une clause d’un contrat de licence de logiciel portant atteinte aux droits de propriété intellectuelle de l’éditeur du logiciel. Au contraire, dans un arrêt du 1er septembre 2015 (n°13/08074), la Cour d’appel de Versailles avait plutôt retenu l’application du régime délictuel de la contrefaçon de droit d’auteur.

Les enjeux du choix entre responsabilité contractuelle et responsabilité délictuelle sont multiples : En effet, les règles de compétence des Tribunaux, les moyens de preuve (saisies), la durée de la prescription ainsi que le calcul du préjudice ne sont pas les mêmes selon que l’on applique le régime de la contrefaçon ou celui de la responsabilité contractuelle.

Une harmonisation de la jurisprudence était donc souhaitable et nécessaire.

C’est chose faite avec l’arrêt de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) du 18 décembre 2019, rendu sur une question préjudicielle de la Cour d’appel de Paris (C-666/18, IT Development SAS c/ Free Mobile SAS).

Le litige à l’origine de la question préjudicielle était le suivant : IT Development avait conclu avec Free Mobile un contrat de licence sur un progiciel de gestion de projet. Estimant que Free Mobile avait apporté des modifications aux codes sources du logiciel, alors que la licence l’interdisait, IT Development a assigné son cocontractant sur le terrain délictuel de la contrefaçon de droit d’auteur.

Par un jugement du 6 janvier 2017, le Tribunal de Grande Instance de Paris avait déclaré irrecevables les demandes en contrefaçon d’IT Development au motif qu’« il était clairement reproché à Free Mobile des manquements à ses obligations contractuelles, relevant d’une action en responsabilité contractuelle, et non pas des faits délictuels de contrefaçon de logiciel ».

IT Development a interjeté appel devant la Cour d’appel de Paris qui a décidé de surseoir à statuer et de demander à la CJUE si le régime de la contrefaçon doit s’appliquer ou si elle doit privilégier l’application du régime de la responsabilité contractuelle.

Plus précisément, la CJUE était interrogée sur l’interprétation des directives 2004/48 [relative au respect des droits intellectuels] et 2009/24 [concernant la protection juridique des programmes d’ordinateurs] et sur l’inclusion dans la notion d « atteinte aux droits de propriété intellectuelle » au sens de la directive 2004/48 de la question de la violation d’une clause d’un contrat de licence d’un programme d’ordinateur.

Dans son arrêt très attendu du 18 décembre 2019, la CJUE s'est prononcée en faveur de la possibilité d’une action en contrefaçon en cas de manquement à un contrat de licence de logiciel qui porterait atteinte aux droits de propriété intellectuelle de l’éditeur dudit logiciel.

En effet, elle considère que « la violation d’une clause d’un contrat de licence d’un programme d’ordinateur, portant sur des droits de propriété intellectuelle du titulaire des droits d’auteur de ce programme, relève de la notion « d’atteinte aux droits de propriété intellectuelle », au sens de la directive 2004/48 et que, par conséquent, ledit titulaire doit pouvoir bénéficier des garanties prévues par cette dernière directive, indépendamment du régime de responsabilité applicable selon le droit national » (point 49).

La réponse à cette question préjudicielle pourrait également être transposable au droit des brevets et au droit des marques, pour lesquels la même interrogation subsiste lorsque le litige intervient entre deux parties à un contrat de licence.

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