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Nouvelle crise alimentaire : la responsabilité des acteurs tout au long de la chaîne de distribution

18 janvier 2018
par Sabine Desvaux,
Guillaume Pezzali

L’affaire « Lactalis », relative à la contamination par des salmonelles de produits de nutrition infantile, donne chaque jour lieu à de nouveaux rebondissements dont les médias se font largement l’écho. Elle offre l’occasion de faire le point sur les obligations des industriels et des distributeurs en matière de sécurité des produits et d’alerter sur les responsabilités pénales susceptibles d’être retenues à l’encontre de chaque maillon de la chaîne de distribution.

Le système légal prévu par le Code de la consommation (art. L. 423-1 et suivants) renvoie à l’autocontrôle et à la responsabilité des industriels et de l’ensemble des acteurs de la chaîne de distribution. Rappelons qu’en vertu de l’obligation générale de conformité, les produits doivent répondre, dès la première mise sur le marché, aux prescriptions en vigueur relatives à la sécurité et à la santé des personnes et à la protection des consommateurs. Le responsable de la première mise sur le marché d'un produit doit ainsi vérifier que celui-ci est conforme aux prescriptions en vigueur. Le producteur (fabricant ou importateur) qui met le produit sur le marché doit en outre fournir aux consommateurs les informations utiles leur permettant d’évaluer les risques inhérents à un produit. Ensuite, le responsable de la mise sur le marché est tenu d’une obligation de suivi des produits lui imposant de se tenir informé des risques que les produits qu’il commercialise peuvent présenter et d’engager les actions nécessaires si le risque se réalise. En général, les fabricants, conscients des enjeux, informent de manière régulière leurs distributeurs des risques présentés par les produits. Mais il semble que l'obligation des distributeurs aille plus loin et qu'ils doivent eux-mêmes se tenir informés. Enfin, producteurs et distributeurs doivent signaler sans délai aux autorités compétentes les produits qui ne présentent pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre et qui portent atteinte à la santé des personnes. Ils doivent prendre les mesures nécessaires pour prévenir les risques en question. S’ils ne décident pas eux-mêmes et directement du retrait/rappel des produits dangereux, le Ministre de l’économie et des finances peut ordonner la mise en œuvre d’une telle procédure.

Une fois la procédure de retrait/rappel lancée, chaque maillon de la chaîne de distribution est responsable, d’une part, de cesser la commercialisation des produits concernés et, d’autre part, d’informer ses clients de la procédure de retrait/rappel. Le distributeur final a une obligation d’information des consommateurs de l’existence d’une procédure de rappel pour les produits qu’il a déjà commercialisés. Ces différentes obligations sont toutes des obligations de résultat. Rappelons qu’en vertu de l’article L. 452-5 du Code de la consommation, le fait, pour un exploitant, de ne pas mettre en œuvre les procédures de retrait ou de rappel prévues par le Règlement européen n° 178/2002 du 28 janvier 2002 fixant des procédures relatives à la sécurité alimentaire est puni d’une peine d’emprisonnement de 5 ans et d’une amende de 600 000 €, ce montant pouvant être porté de manière proportionnée aux avantages tirés du délit, à 10% du chiffre d’affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d’affaires annuels connus à la date des faits…

En outre, s’il s’avère que des produits rappelés continuent à être commercialisés, le délit pénal de tromperie aggravé est susceptible de s’appliquer à l’encontre des distributeurs. Il est puni des peines prévues à l’article L. 454-3 du Code de la consommation, à savoir : 7 ans de prison et 750 000 € d’amende, la peine d’amende pouvant être portée, de manière proportionnée aux avantages tirés du délit, à 10% du chiffre d’affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d’affaires annuels connus à la date des faits.

Par le biais de ses contrôles, la DGCCRF vérifie que cette procédure est scrupuleusement respectée. La DGCCRF a indiqué qu’elle avait demandé à l’ensemble de ses services départementaux d’intervenir à tous les maillons de la chaîne de distribution afin de vérifier que les produits concernés ne sont plus commercialisés. Des contrôles par sondage dans les différents points de vente (supermarchés, pharmacies…) mais également auprès des sièges des centrales d’achat des grandes enseigne de distribution, chez les grossistes ou encore dans les hôpitaux et les crèches sont ainsi en cours notamment sur la base des listings clients obtenus auprès de Lactalis.

Plus de 2 000 contrôles ont été effectués à ce jour. Au cours de ces contrôles, les agents de la DGCCRF ont ordonné le retrait immédiat des rayons des produits incriminés s’il s’avérait que ces produits continuaient à être commercialisés. Par ailleurs, au-delà de cette mesure d’urgence, la DGCCRF a clairement précisé que des suites appropriées pourront être données en fonction des conditions dans lesquelles ces manquements ont été commis. Le Ministre de l’Economie a d’ailleurs proposé hier devant le Conseil National de la Consommation réuni en session extraordinaire, d’harmoniser et de renforcer les sanctions encourues en cas de commercialisation de produits retirés ou rappelés. Bruno Le Maire a, par ailleurs, demandé à la DGCCRF « d’être particulièrement vigilante aux risques émergents dans les biens de consommation », soulignant que « la protection du consommateur passe à la fois par la sécurité des produits mais aussi par la transparence de l’information ».

Cette nouvelle crise alimentaire est riche en enseignements : d’une part sur l’exposition médiatique des entreprises, dans un contexte où l’administration a de plus en plus recours au name and shame, et d’autre part sur la volonté affichée d’utiliser l’arsenal juridique existant pour sanctionner la commercialisation de produits n’assurant pas une sécurité absolue, dans la droite ligne du deuxième chantier des Etats Généraux de l’Alimentation.

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