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Marketing d’influence, regards croisés sur l’encadrement en France et en Belgique

27 mai 2024
A quelques mois de l’adoption en France de la loi dédiée à l’encadrement de l’influence commerciale, notre cabinet a été sollicité par le Secrétariat de la commission de l’Économie, de la Protection des Consommateurs et de l’Agenda numérique Belge.

En effet, saisi notamment de la proposition de loi visant à encadrer l'influence commerciale numérique, n° 3567, les membres de la Commission ont fait part de leur intérêt à connaître différents avis sur ces propositions, dont celui de Nadège Riederer-Lemarchand, avocate française ayant suivi le processus législatif national.

En effet dans le cadre de nos activités de conseil en droit des affaires et plus particulièrement en propriété intellectuelle, nous travaillons pour des annonceurs, marques et agences de communication sur les problématiques juridiques du marketing d’influence.

C’est dans ce cadre que nous pouvons apporter un éclairage sur l’adoption de la proposition de loi Belge dédiée à ces enjeux.

I – En préambule, sur l’opportunité de légiférer sur le marketing d’influence

Si le marketing d’influence existe depuis une dizaine d’années, les acteurs de cet écosystème étaient avant la loi française assez peu professionnalisés et avaient difficilement conscience de la prestation commerciale rendue, du cadre législatif existant et des dispositifs fiscaux applicables. La situation est identique en Belgique comme dans de nombreux pays.

Une telle proposition de loi dédiée est donc l’occasion de communiquer auprès de l’ensemble des parties prenantes de ce secteur : entreprises annonceuses, influenceurs, agences de communication et d’influence, et d’harmoniser les dispositions qui leur sont applicables avec les autres familles du marketing et de la publicité.

Une telle législation est aussi nécessaire pour répondre aux attentes des consommateurs qui suivent ces campagnes d’influence, subissent des pratiques commerciales trompeuses ou escroqueries issues des réseaux sociaux, et sont particulièrement attentifs à l’exploitation de l’image des enfants sur les réseaux sociaux.

Pour cet article, nous allons porter notre réflexion sur certaines des dispositions de la proposition de loi visant à encadrer l'influence commerciale numérique, n° 3567, avec quelques digressions en lien avec les deux autres propositions de lois, selon le plan suivant :

II - Influence, influenceurs et notoriété

III – L’agent d’influenceur

IV – Un contrat écrit obligatoire

V – Collaboration commerciale et territoire

VI – Les mineurs influenceurs

II - Influence, influenceurs et notoriété

Notoriété versus taux d’engagement

Un des atouts de la proposition de loi belge visant à encadrer l'influence commerciale numérique, n°3567, est de définir à la fois l’activité d’influence commerciale et  celle d’influenceur.

Cependant, le choix de reprendre le terme de « notoriété » issu de la loi française sans le définir pose plusieurs questions en pratique et au plan juridique, à l’instar de celles posées par la loi française. En effet, les influenceurs se répartissent en catégories selon la taille de leur communauté, dont les nano et les micro influenceurs qui représentent un nombre important d’entre eux et non professionnalisés, susceptible de considérer que les contraintes de cette proposition de loi, trop nombreuses, ne leur seraient pas applicables.

Il est donc important de communiquer sur le fait que quelle que soit la notoriété, c’est-à-dire selon le dictionnaire français le fait d'être connu avantageusement, les dispositions de cette loi s’appliquent à tous.

Ajoutons que si la notoriété est difficile à définir, elle ne fait pas l’économie d’être distinguée de l’engagement et plus particulièrement du taux d’engagement, qui est la propension à réagir d'une audience à une publication sociale d'un influenceur, c’est-à-dire le critère pour apprécier la valeur d’un contenu, sa portée et sa conversion en achats.

Ainsi, le risque est que comme en France ce terme apporte un certain flou à la définition,  alors que l’activité économique de certains nano ou micro influenceurs peut avoir un taux d’engagement non négligeable. Cela représente un atout précieux souvent recherché par les annonceurs qui multiplient les collaborations avec ces typologies d’influenceurs.

Le récent rapport d’information parlementaire dédié à mesurer l’impact de la loi considère cependant en pratique que ce terme est approprié et ne souhaite pas proposer une définition plus précise de la notoriété.

La communication électronique

Les supports de ces communications posent aussi de nombreuses questions à la lecture des définitions françaises et belges de l’activité d’influence commerciale par voie électronique.

En effet, les plateformes de diffusion de contenus telles que les réseaux sociaux ne posent pas de difficulté à entrer dans cette définition, dès lors qu’elles sont le support naturel du marketing d’influence.

En revanche, sur d’autres plateformes, sur des marketplaces comme sur des sites commerciaux, les influenceurs peuvent aussi s’exprimer par d’autres moyens de communication électronique sans que ceux-ci soient clairement inclus dans cette définition.

Par exemple :

  • Les avis en ligne sur les marketplaces ou une boutique en ligne, y compris en cas de boutique propre à l’influenceur,
  • Les communications électroniques des journaux et magazines du type publi-informations,
  • Les liens d’affiliation dans une newsletter.

Aussi, les contenus diffusés par les journalistes peuvent être basés sur des produits ou invitations offerts afin qu’ils exercent leurs activités de journalistes. Cependant, dès lors que cela leur permettrait à titre individuel de générer des contenus sur leurs réseaux sociaux propres, le cadre juridique du marketing d’influence pourrait s’appliquer.

Enfin, nous notons que les influenceurs mènent plusieurs carrières, plusieurs activités professionnelles. Ainsi, les partenariats qu’ils concluent peuvent relever de contrats d’artistes interprètes, de mannequinats, d’égéries, d’ambassadeurs, ou encore de placement de produits, etc … Cependant, dans certains cas, il s’agit à l’instar d’autres dirigeants d’incarner leur entreprises, leurs marques propres ou leurs produits.

Cette possibilité est reprise par les développements introductifs à la proposition de loi Belge qui considèrent que le branded content, l’autopromotion, le placement de produits, le rôle d’ambassadeur ou de parrainage sont concernés par les dispositions de la loi influenceurs.

Pour autant, à la lecture de la définition légale proposée, ces derniers types de contenus n’apparaissent pas immédiatement compris par ces dispositions légales dès lors que juridiquement, ils relèvent davantage de contrats d’utilisation de l’image.

En effet, dès lors que ceux-ci ne seraient pas en tant que tels produits à titre onéreux, ils n’entreraient pas dans ce régime juridique du marketing d’influence.

Par exemple, sur le mur Instagram d’un sportif ou d’un influenceur très connu,  différents types de publications se mêlent :

  • Des contenus éditoriaux propres, spontanés et sans mention,
  • Des contenus d’influence commerciale précisant leur nature grâce aux termes de « publicité » ou d’« influence commerciale »,
  • Des contenus en tant qu’ambassadeur ou égérie d’une marque, qui ne comportent aucune mention,
  • Des contenus relevant du mannequinat dans le cadre d’un shooting, dénués de mentions spécifiques,
  • Des contenus d’autopromotion de leur produits ou marques.

Au contraire, en France, la DGCCRF a clairement exprimé que ces contenus étaient exclus du périmètre de la loi, bien que les obligations en matière de transparence commerciale demeurent.

Ainsi, en France, où la définition est la même, la distinction entre ces contenus ne sera pas aisée pour les consommateurs, comme pour les personnes en charge de les contrôler dès lors qu’il n’existe pas de mention obligatoire pour l’influenceur afin d’informer le consommateurs de ses relations économiques avec la marque concernée dans ces autres cas.

Par ailleurs, dans le cadre des concours, les influenceurs considérant souvent que la contrepartie est versée à leur communauté, ils en déduisent qu’ils n’agissent pas dans une opération de marketing d’influence. 

En effet, de leur point de vue, si la seule contrepartie est versée aux gagnants, ils n’en bénéficient pas financièrement. Or, cette analyse est erronée au plan juridique et fiscal.

Enfin, d’autres pratiques à venir en Europe telles que le Live shopping (format de vente et de communication e-commerce, formule hybride entre le live streaming et le téléachat) interrogent quant aux dispositions qui leur étant applicables.

III – L’agent d’influenceur

L’agent d’influenceur est une définition essentielle du dispositif législatif Français et de la proposition de loi Belge, dès lors que celui-ci est une profession émergente.

En France, jusque l’adoption de la loi dédiée, des professionnels issus de différents horizons pouvaient se revendiquer sous cette qualité, dont par exemple des agences de talents ou de mannequinats, ou encore des agences de communications

Il est intéressant de noter que la loi française appuie sur la notion de conflit d’intérêt associés à cette définition.

Il est en effet opportun de permettre à l’agence de communication qui défend les intérêts des annonceurs, d’être distinguée de l’agent d’influenceur, qui représente les intérêts de ses talents.

Cette définition est aujourd’hui essentielle pour les annonceurs comme pour les talents dans l’écosystème contractuel de ces activités commerciales.

Des déconvenues ont été déjà portées à notre connaissance au titre des comportements anormaux, issus de conflits d’intérêts d’un acteur pivot représentant à la fois les intérêts de l’annonceur et ceux de l’influenceur, préalablement à l’entrée en vigueur de la loi française.

L’ajout de cette notion de conflit d’intérêt à la proposition de loi Belge pourrait dès lors d’avérer opportune.

IV – Un contrat écrit obligatoire

La proposition de loi Belge reprend l’obligation de contractualiser par écrit toute relation d’influence commerciale, sans distinction selon un seuil de valeur tel que prévu par la loi française et dont le décret d’application n’est pas encore paru à ce jour.

Au vu du nombre très important d'influenceurs et de leurs différentes typologies, les dispositions relatives à une obligation de contrat écrit sont une nécessité face à un secteur d’activité peu professionnalisé.

En effet, ils n’ont pas, pour beaucoup d’entre eux, conscience de leur statut de prestataire et de la nécessité de préciser leur identité, de définir leur rôle et le périmètre de leur prestation, leurs modalités de rémunération et leurs responsabilités notamment.

En France, l'idée d'alléger les obligations pour des nano influenceurs pour les contrats dont les enjeux financiers des contreparties seraient en deçà d’un seuil était louable mais difficile à appréhender en pratique. Ces dispositions visaient les opérations de gifting (stratégie marketing où des personnes sélectionnées reçoivent un produit gratuit) de produits de faibles valeurs.

Plus de sept mois après l’entrée en vigueur de la loi, le décret d’application n’est pas paru.

Nous supposons à ce titre que ses modalités de calcul peuvent être assez difficiles à déterminer, dès lors que si une seule collaboration pourrait ne pas être significative, sa récurrence ou le cumul de différents contrats pourrait permettre à des parties de s’exonérer de ces obligations, rendant ainsi difficiles les contrôles.

En outre, la dimension  fiscale n’est pas à négliger dans ces situations.

Enfin, la contractualisation des droits de propriété intellectuelle est visée expressément par la proposition de loi Belge, ce qui est un point essentiel souvent omis par les professionnels du secteur.

En effet, les parties au contrat confondent souvent les possibilités techniques de partage, de « repost » (opération consistant à repartager un contenu créé par quelqu'un d'autre) avec l'autorisation contractuelle d'utiliser le contenu créé par un tiers et de le partager.

Ces mentions étant essentielles au regard des obligations issues du droit de la propriété intellectuelle, leur rappel s’avère pédagogique.

Au même titre, il pourrait être intéressant d'ajouter l'obligation de contractualiser des droits à l'image sur les contenus créés.

V – Collaboration commerciale et territoire

Au plan territorial, différentes initiatives, en France, en Belgique ou en Italie tentent de légiférer à l'égard des influenceurs et des contrats d'influence marketing.

Cependant, dès lors qu'aujourd'hui un contenu d’un influenceur peut s'adresser à des consommateurs issus d’un ou plusieurs de ces pays, le respect des différentes législations applicables, dès lors que celles-ci seraient différentes dans leurs modalités, pourrait être difficile voire impossible.

C'est pourquoi un travail d'harmonisation au niveau de l’Union Européenne est essentiel à mener afin de permettre aux acteurs du marketing d’influence de respecter leurs obligations réglementaires.

Ainsi, au titre des mentions obligatoires permettant la transparence des contenus diffusés quant à leur caractère commercial, une simplification et une harmonisation sont essentielles entre les territoires.

Les mentions adoptées ne sauraient être différentes entre les Etats, de même que les obligations techniques imposées à ce titre aux plateformes.

Enfin, les retours d’expériences sont aussi importants sur une incompatibilité de certains formats vidéo notamment avec l’ensemble des mentions obligatoires issues du droit de la publicité.

En France, une certaine réticence est exprimée par les communicants et les influenceurs. Au vu du nombre de mentions à faire apparaître de manière claire, lisible et identifiable, celles-ci peuvent difficilement apparaître simultanément sur ces formats.  

VI – Les mineurs influenceurs

Les mineurs influenceurs sont une préoccupation importante des autres proposions de loi Belges examinées, comme ce fut aussi le cas en France.

L’exploitation de leur image appelle en effet la définition et l’application d’un cadre réglementaire.

Le dispositif proposé pour les mineurs âgés de moins de 16 ans apparaît complet, similaire à d’autres dispositifs d’encadrement du travail des mineurs.

Pour autant, si pour des enfants mannequins ou acteurs, les parents ont un rôle de représentant de l’enfant, leur périmètre d’intervention est plus large dans le cas des enfants influenceurs ou des enfants d’influenceurs.

En effet, les parents sont dès lors actifs dans la réalisation de la prestation rendue, à l’image des momstagrams ou des réalisation techniques pour les kidstagrams.

C’est pourquoi les modalités contractuelles autour de la prestation devraient être renforcées à cet égard, notamment quant aux responsabilités, aux services réalisés et à la rémunération versée, distinguant les prérogatives parentales de celles du mineur.

En France, c’est un secteur sur lequel nous n’avons observé que peu d’évolutions suite à l’adoption de la loi, alors que les enfants influenceurs sont très nombreux.

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