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S’extraire du règlement d’une succession sans perdre son héritage

16 mars 2018

Il existe plusieurs possibilités, plus ou moins radicales, pour un héritier qui voudrait se protéger des passions trop vives que fait souvent surgir le règlement d’une succession.

La première, la plus extrême, consiste à renoncer à la succession et donc à son héritage. Cette renonciation, nécessairement expresse, peut être faite par acte sous seing privé ou par acte notarié et doit, pour être opposable aux tiers, être inscrite sur un registre tenu par le greffe du tribunal dans le ressort duquel la succession s’est ouverte.

Mais l’héritier peut ne pas vouloir perdre son héritage : simplement, il ne veut pas s’embarrasser des tracas du règlement d’une succession.

Deux voies s’offrent alors à lui.

Une première voie a été mise récemment en lumière par la Cour de cassation (Cass. civ.1ère, 25 octobre 2017, n°16-20156) : il s’agit pour l’héritier de céder ses droits dans la succession. Moyennant une décote, l’héritier réalise, par anticipation, sa part d’héritage.

Dans cet arrêt, dont l’importance est signalée par sa publication au bulletin des arrêts de la Cour de cassation, la Haute juridiction affirme, pour la première fois expressément semble t-il, que le cessionnaire de droits successifs peut, sur le fondement de l’article 921 du Code civil, en qualité d’ « ayant cause » de l’héritier réservataire-cédant, exercer l’action en réduction qui appartenait à ce dernier, action permettant de récupérer ce que des donataires ou des légataires ont reçu en dépassement de la quotité disponible. Cette application littérale de l’article 921 du Code civil est bienvenue car une certaine doctrine contestait cette possibilité au cessionnaire de droits successifs au motif que la qualité d’héritier est incessible et que l’action en réduction étant attachée à cette qualité, seul l’héritier cédant aurait pu exercer l’action en réduction.

Précisons que cet arrêt a été rendu dans une succession qui présentait une dimension internationale et qui mettait donc en jeu les règles de droit international privé, puisque le défunt était de nationalité espagnole et le conjoint survivant, de nationalité argentine, tandis que le couple marié en Argentine semblait vivre séparément depuis très longtemps.  C’est le conjoint survivant qui a cédé ses droits successifs ;  et s’il était question d’action en réduction pouvant être exercée par le cessionnaire en qualité d’ « ayant cause » du conjoint survivant, c’est certainement parce que le couple n’avait pas d’enfants ou de descendants. En effet, c’est à cette condition que, selon la loi française des successions qui était ici applicable au moins à une partie de la succession, un conjoint survivant non divorcé est un héritier réservataire et donc, à ce titre, est titulaire d’une action en réduction lui permettant de récupérer le montant en valeur de sa réserve dans la succession, soit un quart en pleine propriété.

Une deuxième voie s’offre à l’héritier qui voudrait s’extraire du règlement successoral sans pour autant céder, moyennant une décote, ses droits dans la succession : le transfert dans un patrimoine fiduciaire de ses droits successifs. Le fiduciaire serait chargé, ès qualités, de mener toutes les actions dont l’héritier dispose pour défendre ses droits dans la succession ; et notamment, en qualité d’ « ayant cause » d’un héritier réservataire, il pourrait exercer l’action en réduction dont dispose ce dernier. Une fois la succession réglée, il restituerait sa part à l’héritier qui lui avait transféré ses droits successifs.

Interposer une propriété fiduciaire, donc un professionnel,  dans un règlement successoral donne l’assurance que les passions humaines ne viendront pas troubler et rendre aléatoire l’issue rapide dudit règlement. Rappelons, à ce propos, que le fiduciaire ne peut être qu’un avocat ou une structure d’avocats, à défaut d’être l’un des organismes financiers expressément habilités par la loi à remplir une telle mission.

Pour conclure, précisons que si l’héritier souhaite se protéger non pas des passions entourant le règlement d’une succession mais plutôt des dettes que le défunt aurait pu contracter de son vivant, il existe, à côté de l’acceptation pure et simple de l’héritage qui engage l’héritier sur la totalité de son patrimoine à l’égard des créanciers du défunt, une autre forme d’acceptation beaucoup plus protectrice. Il s’agit de l’acceptation à concurrence de l’actif net : l’héritier s’engageant dans cette voie a l’assurance qu’il ne pourra être poursuivi par les créanciers du défunt que sur les biens dont il a hérité. La fiducie pourrait, d’ailleurs, ici encore, être utilisée comme moyen de confier à un fiduciaire le règlement du passif et l’administration de l’actif dans le respect  des règles légales qui encadrent strictement cette forme d’acceptation.

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