Astreinte et temps de travail effectif : attention aux contraintes imposées au salarié !
Il résulte du premier alinéa de l’article L. 3121-9 du code du travail, qu’une période d'astreinte s'entend comme une période pendant laquelle le salarié « sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, doit être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service de l'entreprise ». Ce temps doit être distingué du temps de travail effectif défini à l’article L. 3121-1, pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations
personnelles.
Dans un arrêt du 14 mai 2025 (n°24-14319), la Cour de cassation se prononce sur la qualification d’une « période d’astreinte » de nuit effectuée par un salarié gardien d’hôtel. Ce dernier assurait en moyenne quatre nuits d'astreinte hebdomadaires, du vendredi soir au mardi matin, au sein de l'hôtel où il travaillait et logeait dans une chambre de fonction réservée à cet effet. Il estimait que ce temps d’astreinte était du temps de travail effectif et réclamait un rappel de salaires au titre des heures supplémentaires. La Cour d’appel n’avait fait droit que partiellement à ses demandes. Le salarié avait donc formé un pourvoi en cassation.
La Cour de cassation casse la décision de la Cour d’appel. En effet, cette dernière avait constaté que le salarié était amené à intervenir régulièrement pendant les périodes d'astreinte. Elle aurait donc dû vérifier si l'intéressé, avait été soumis, au cours de ces périodes, à des contraintes d'une intensité telle qu'elles avaient affecté, objectivement et très significativement, sa faculté de gérer librement le temps pendant lequel ses services professionnels n'étaient pas sollicités et de vaquer à des occupations personnelles.
La Cour de cassation s’appuie à cet égard sur l’analyse de la CJUE concernant la qualification des temps d’astreintes ou de temps de travail effectif (CJUE 9 mars 2021, C-344/19, D.J. c/Radiotelevizija Slovenija, points 37 et 38).
Prudence en conséquence lorsque les contraintes imposées durant le temps d’astreinte affectent la faculté du salarié de vaquer à des occupations personnelles. Le risque de requalification en TTE n’est alors pas négligeable !
Sommaire
Un salarié est licencié pour faute grave après avoir supprimé environ 4000 fichiers et dossiers de l’agence dont il était le responsable. En outre, une centaine de mails, avec les pièces jointes, avaient été envoyés sur sa boite personnelle.
A titre de preuve, l’employeur se prévalait d’un procès-verbal de constat d’huissier faisant état d’informations provenant des fichiers de journalisation et de leur recoupement avec l’adresse IP attribuée au salarié.
Le salarié considérait que la preuve reposait sur un dispositif de traçabilité informatique illicite (l’adresse IP de l’ordinateur du salarié) en l’absence de déclaration à la CNIL. A l’inverse, la Cour d’appel d’Agen avait retenu dans un arrêt du 10 janvier 2023 (RG 21/00755) qu’aucune déclaration à la CNIL n'était exigée. Dès lors, selon elle, l'intervention de l'huissier de justice était régulière et son constat constituait une preuve licite.
Mais la Cour de cassation casse l’arrêt rendu par la Cour d’appel dans un arrêt du 9 avril 2025 (n°23-13159). Selon elle, les adresses IP, qui permettent d'identifier indirectement une personne physique, sont des données à caractère personnel, au sens de l'article 4 du RGPD. Ainsi, leur collecte par l'exploitation du fichier de journalisation constitue un traitement de données à caractère personnel qui n'est licite que si la personne concernée y a consenti. Dès lors, en l’espèce, la preuve était illicite.
Cette solution suscite diverses observations et appelle à la prudence.
Selon l’article L. 1232-6 du code du travail, lorsque l'employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception.
Cette lettre comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur. Il est admis que la lettre de licenciement doit mentionner un motif suffisamment précis ; le motif doit être matériellement vérifiable (Cass. soc. 4 mai 1996, n°94-45499).
Mais la lettre de licenciement doit-elle pour autant comporter la date des faits invoqués ?
Dans un arrêt en date du 6 mai 2025 (n°23-19214), la Cour de cassation retient que si la lettre de licenciement doit énoncer des motifs précis et matériellement vérifiables, la datation des faits invoqués n'est pas nécessaire et l'employeur est en droit, en cas de contestation, d'invoquer toutes les circonstances de fait qui permettent de justifier ces motifs.
Ainsi, en l’espèce, la Cour d’appel aurait dû vérifier le caractère réel et sérieux du licenciement.
Dans deux arrêts, l’un du 9 avril 2025 (23-16.503) et l’autre du 6 mai 2025 (24-11.167), la chambre sociale de la Cour de cassation a précisé le régime applicable aux expertises du CSE.
Le premier porte sur le périmètre de l’expertise et plus spécialement sur la question de savoir si la mission de l’expert-comptable peut porter sur la situation de l’entreprise dans le groupe auquel elle appartient et si l’expert peut ainsi avoir accès aux informations relatives à ce dernier.
Le second traite de la nécessité de l’expertise en présence d’un projet de transfert de salariés n’entraînant aucune modification des conditions de santé, de sécurité et de travail de ceux-ci.
