Congés payés et maladie : les dispositions législatives
auteurs
David Brivois Avocat Associé
Euphrasie Lupi Avocate
Actualité
18 février 2025

Congés payés et maladie : les dispositions législatives

La récente législation sur les congés payés en cas de maladie clarifie l'acquisition des congés durant un arrêt de travail, instaure un délai de report, et impose un devoir d'information aux employeurs.

La douce musique des arrêts du 13 septembre 2023 n’a pas manqué de se rappeler au bon souvenir des employeurs de France de manière continue, qu’il soit question d’être sollicités par leurs salariés, leurs représentants du personnel, leurs anciens salariés, leurs conseils ou encore leurs experts pour la fixation des provisions de fin d’exercice.
En pratique, l’action a majoritairement consisté à appliquer l’adage selon lequel il était urgent… d’attendre.
Des pistes pouvaient pourtant être envisagées, mais il faut reconnaitre que l’issue offerte par la loi va plus loin que ce qui aurait pu être construit avant sa parution.
Ainsi s’il est incontestable que le législateur a pris son temps pour intervenir, il est constant que la nouvelle loi exploite tout ce qu’il était possible d’envisager sur le sujet des congés payés en respectant le droit de l’Union.
La rétroactivité, qui permet de limiter l’impact pour le passé de la jurisprudence du 13 septembre 2023, s’avère salvatrice.

Comment s’acquièrent désormais les congés payés pendant la maladie ?
La loi intègre le principe d’une acquisition de congés payés pendant les arrêts maladie, sans limitation de durée, qu’ils soient d’origine professionnelle ou non.
Le rythme d’acquisition des congés payés est en revanche différent puisque :

  • La maladie simple permet d’acquérir les 4 semaines de congés payés envisagées par le droit de l’Union et non la 5ème spécifique au droit français ;
  • Les arrêts d’origine professionnelle permettent, eux, d’acquérir un droit à congés payés complet, c’est-à-dire de 2,5 jours ouvrables par mois ou 5 semaines par an.

La nouvelle formulation du Code devrait conduire à ce que :

  • Les arrêts d’origine non professionnelle n’ouvrent pas droit aux congés conventionnels (sauf à ce que les accords prévoient expressément le contraire) ;
  • Les arrêts d’origine professionnelle ouvrent droit à l’ensemble des congés payés, en ce compris les congés conventionnels (y compris si les accords sont silencieux) ;


L’acquisition est ainsi illimitée dans le temps, mais le délai de report en limite les impacts :

Le droit de l’Union tolère un droit de report, au-delà duquel les législations étatiques peuvent envisager une perte des congés acquis.
Sur ce point, la limite déjà connue de 15 mois a été retranscrite en droit français.

Aux termes du nouvel article L.3141-19-1 al. 1er du Code du travail : « Lorsqu’un salarié est dans l'impossibilité, pour cause de maladie ou d'accident, de prendre au cours de la période de prise de congés tout ou partie des congés qu'il a acquis, il bénéficie d'une période de report de 15 mois afin de pouvoir les utiliser »
Le raisonnement est le suivant : le salarié, même s’il a été malade durant la période de prise des congés, devrait en principe poser ses congés au cours de la période habituelle. Ce n’est que dans le cas d’une impossibilité qu’il doit bénéficier d’un report de 15 mois.
En pratique, excepté pour les longues absences ou pour les reprises se situant à une date très proche de l’expiration de la période de prise des congés, un salarié malade, informé de ses droits et incité à les prendre par son employeur ne devrait pouvoir revendiquer aucun report.
Les congés devraient alors être pris et soldés dans les mêmes conditions que l’ensemble des autres salariés. La pratique délimitera les frontières, à ce stade, encore diffuses.


Le nouveau devoir d’information à la charge de l’employeur et son importance pour la sécurisation des congés payés :
Le nouvel article L.3141-19-3 du Code du travail précise qu’ « Au terme d’une période d’arrêt de travail pour cause de maladie ou d’accident, l’employeur porte à la connaissance du salarié, dans le mois qui suit la reprise du travail, les informations suivantes, par tout moyen conférant date certaine à leur réception, notamment au moyen du bulletin de paie :
« 1° Le nombre de jours de congé dont il dispose ;
« 2° La date jusqu’à laquelle ces jours de congé peuvent être pris ».
Cette information est requise au terme de toute période d’arrêt de travail, y compris les arrêts courts. L’ultime version du texte s’est toutefois assouplie en permettant que l’information intervienne dans le mois de la reprise du travail (et non plus dans les 10 jours) et via le bulletin de paie, notamment.
A ce stade, l’employeur devra s’interroger sur l’ouverture ou non un délai de report.
Ainsi, au moment de la reprise :

  • S’il estime que le salarié peut poser tous ses congés avant la fin de la période de prise, c’est cette date limite qui devra accompagner l’information ;
  • Dans le cas contraire, il indiquera la date d’expiration du délai de report de 15 mois. 

L’expiration des droits à congés pourrait ainsi devenir complexe et l’incitation à les prendre centrale.

 

Le point de départ du délai de report : deux situations doivent être distinguées :
Si la période de maladie ne couvre que partiellement la période normale de prise des congés payés, alors l’éventuel délai de report ne commencera à courir qu’à compter du jour où le salarié aura été destinataire de l’information spécifique prévue à l’article L.3141-19-3 (C. trav., art. L.3141-19-1 al. 2). Nous sommes ici dans l’hypothèse où le salarié, à son retour de maladie, est dans l’impossibilité de poser le solde de ses congés avant la fin de la période de prise des congés. 
Pour le cas spécifique des salariés en longue maladie, dans l’hypothèse où l’absence est d’une durée d’au moins un an et couvre toute la période d’acquisition des congés (généralement 1er juin N-1 à mai N+1) : alors le délai de report de 15 mois commence à courir à la fin de la période d’acquisition, sans besoin ni d’une reprise du salarié, ni d’une information spécifique de la part de l’employeur. Les congés seront définitivement perdus à l’expiration de ce délai de 15 mois si le salarié n’a pas repris le travail dans l’intervalle.
Notons que si l’arrêt de travail cesse avant l’expiration de ce délai de report de 15 mois (cas extrêmement probable…), la période de report restant à courir sera suspendue jusqu’à ce que l’employeur délivre l’information spécifique du premier alinéa. Seule cette information fera courir le délai de report non encore consommé en totalité.


Possibilité d’adapter la durée du délai de report :
Il est possible d’adapter le délai de report par accord collectif mais uniquement dans le sens d’un allongement (Article L.3141-21-1 du Code du travail). Si cette démarche peut apparaitre contraignante au premier abord, elle n’est pas dénuée de sens lorsqu’il est question, pour l’entreprise, de purger un nombre important de congés au compteur de ses salariés de retour d’arrêt maladie.
Tel pourra être le cas lorsque l’application rétroactive de la loi conduira à inscrire un nombre important de congés au compteur du salarié.
Il pourra ainsi être utile de négocier un accord collectif sur le sujet, y compris d’ailleurs à durée déterminée, pour faciliter le traitement de la période rétroactive.


Le caractère rétroactif de certaines dispositions de la loi :
Le législateur a pris soin de préciser que, sauf à ce que des décisions de justice définitives soient déjà intervenues, les dispositions relatives :

  • A l’acquisition des congés payés pendant les arrêts maladie ;
  • Au droit de report de 15 mois ;
  • Et à la valorisation des indemnités compensatrices de congés payés ;


Ont un caractère rétroactif au 1er décembre 2009 (c’est-à-dire la date à laquelle le droit de l’Union relatif aux congés payés est devenu directement applicable en France).
Les nouvelles règles vont ainsi devoir être parfaitement maitrisées par les employeurs afin qu’ils procèdent à l’information requise de leur personnel et, le cas échéant, qu’un délai spécifique de report soit négocié pour les compteurs trop importants et difficilement conciliables avec la bonne organisation de l’entreprise.


Les délais de prescription applicables en la matière :
La loi instaure un délai de purge au-delà duquel les périodes antérieures à la date d’entrée en vigueur de la loi (c’est-à-dire le 24 avril 2024) devront avoir donné lieu à contestation dans un délai de 2 ans, à peine de forclusion.
Ainsi, y compris si un employeur n’opère aucune information spécifique pour le passé, les salariés ne pourront plus solliciter aucun droit à congés acquis durant un arrêt maladie au titre de la période antérieure à l’entrée en vigueur de la loi, s’ils n’ont pas saisi la juridiction compétente dans un délai de deux ans.
Il s’agit ici des seuls droits antérieurs à l’entrée en vigueur de la loi. Ceux acquis postérieurement ne sont pas soumis au délai de forclusion de 2 ans. 
Notons enfin que ce délai de forclusion n’est opposable qu’aux salariés encore en activité dans l’entreprise.
Les anciens salariés se verront quant à eux appliquer les règles habituelles de prescription et notamment, de l’aveux des rédacteurs de l’amendement n°44, des « règles de droit commun, qui impliquent la prescription triennale des actions en matière de paiement de salaire ».

Les employeurs se doivent de parfaitement maîtriser le « nouveau » droit des congés payés avant d’informer officiellement leurs salariés de l’état de leur compteur.