FILTRER
Réinitialiser

Travail dissimulé par un sous-traitant: quelles voies de recours pour le donneur d’ordre en cas de mise en œuvre de la solidarité financière ?

12 juillet 2022
par Cécile Terrenoire

Le donneur d’ordre doit s’assurer que son sous-traitant ne recourt pas au travail dissimulé. A défaut, notamment, lorsque des sanctions administratives sont prononcés contre un sous-traitant qui fait l’objet d’un PV travail dissimulé, la solidarité financière du donneur d’ordre peut être mise en œuvre. Un arrêt de la Cour de cassation du 23 juin 2022 précise les voies de recours du donneur d’ordre dans ce contexte.

Le code du travail met à la charge du donneur d’ordre une obligation de vigilance en matière de recours au travail dissimulé par chacun de ses sous-traitants, dès lors que le montant de l’opération en cause est au moins égal à 5 000 euros HT. L’obligation consiste à exiger la remise, par le sous-traitant, d’un document attestant de son immatriculation auprès du répertoire des métiers, au registre des entreprises ou au registre du commerce et des sociétés, et d’une attestation de vigilance, délivrée par l’Urssaf, qui atteste notamment du respect des obligations de déclaration et de paiement des charges sociales, et mentionne le nombre de salariés et le total des rémunérations déclaré lors de la dernière échéance. Cette remise doit être sollicitée lors de la conclusion du contrat de sous-traitance, puis tous les 6 mois ensuite.

En cas de manquement à l’obligation de vigilance, lorsqu’un PV pour délit de travail dissimulé est établi à l’encontre du sous-traitant, l’article L. 8222-2 du code du travail énonce que le donneur d’ordre est solidairement tenu du paiement des sanctions financières appliquées par l’administration fiscale ou l’URSSAF.

Plusieurs griefs ont été formulés à l’encontre de ce mécanisme, en particulier ceux tirés de la méconnaissance de la garantie des droits et du principe d’égalité devant la justice. En effet, les dispositions de l’article L. 8222-2 précitées ne prévoient pas la possibilité, pour le donneur d’ordre, de contester la régularité de la procédure et le bien-fondé des impôts, taxes et cotisations obligatoires ainsi que les pénalités et majorations y afférentes mises à la charge du sous-traitant.

Le Conseil constitutionnel a écarté ces griefs sous la réserve « que les dispositions contestées ne sauraient (…)  interdire au donneur d’ordre de contester la régularité de la procédure, le bien-fondé et l’exigibilité des impôts, taxes et cotisations obligatoires ainsi que des pénalités et majorations y afférentes au paiement solidaire desquels il est tenu » (Déc. n°2015-479 QPC, 31 juillet 2015).

La Deuxième chambre civile de la Cour de cassation a tiré les conséquences de cette réserve en énonçant, dans un arrêt du 8 avril 2021,  que « si la mise en œuvre de la solidarité financière du donneur d'ordre n'est pas subordonnée à la communication préalable à ce dernier du procès-verbal pour délit de travail dissimulé, établi à l'encontre du cocontractant, l'organisme de recouvrement est tenu de produire ce procès-verbal devant la juridiction de sécurité sociale en cas de contestation par le donneur d'ordre de l'existence ou du contenu de ce document. ». En l’espèce, l’Urssaf n’ayant pas été en mesure de produire le PV de constat de travail dissimulé devant la juridiction de sécurité sociale, l’arrêt de la cour d’appel qui déclarait infondée la mise en œuvre de la solidarité financière du donneur d’ordre avait été confirmé.

Dans un arrêt du 23 juin 2022 (n°20-11.128), la deuxième chambre civile poursuit sa construction jurisprudentielle. En l’espèce, la cour d’appel avait rejeté le recours du donneur d’ordre en contestation du bien-fondé de la mise en œuvre de sa solidarité financière au motif que le redressement à l'origine de la mise en œuvre de la solidarité financière n'avait pas été contesté par la société sous-traitante, débitrice des cotisations dues au titre du travail dissimulé. Cette décision est cassée. La Cour de cassation reprend mot pour mot le principe énoncé dans l’arrêt du 8 avril 2021, et y ajoute que « le donneur d’ordre peut invoquer, à l’appui de sa contestation de la solidarité financière, les irrégularités entachant le redressement opéré à l’encontre de son cocontractant du chef de travail dissimulé ».

Cet arrêt confirme ainsi que le droit, pour le donneur d’ordre, de contester le bien-fondé des sommes au titre desquelles sa solidarité a été mise en œuvre, d’une part, n’est pas subordonné à l’existence de contestations de même nature par le sous-traitant poursuivi, et d’autre part, qu’il peut invoquer les irrégularités commises lors du redressement opéré à l’encontre du sous-traitant.

Sur la même thématique

Je souhaite être recontacté
close
*Champs obligatoires

This question is for testing whether or not you are a human visitor and to prevent automated spam submissions.

close
*Champs obligatoires

This question is for testing whether or not you are a human visitor and to prevent automated spam submissions.