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Mobilité internationale : Ayez les bons réflexes

08 octobre 2019
par
Matthieu Chapin

Avec près de deux millions de salariés français travaillant à l’étranger et de nombreux groupes étrangers présents en France, l’expatriation, le détachement ou l’impatriation constituent désormais un élément incontournable de la stratégie des entreprises pour trouver des relais de croissance à l’étranger.

 

La mobilité internationale est également très recherchée par les salariés souhaitant booster leur carrière.

 

Il est donc fondamental de pouvoir en maîtriser les enjeux et les risques, à la fois au regard du droit social, des problématiques d’immigration et de la situation familiale du salarié.

 

Sur le plan fiscal, la politique de mobilité internationale d’une entreprise implique d’anticiper et d’analyser les points suivants :

 

  • Fiscalité des différents éléments de rémunération versées au salarié

 

Les salariés envoyés à l’étranger sont imposables en France sur leur rémunération de source étrangère lorsqu’ils restent résidents fiscaux de France.

 

Ces salariés (et mandataires sociaux titulaires d’un contrat de travail à raison de fonctions techniques) sont néanmoins susceptibles de bénéficier de deux types d’exonération – notamment en l’absence de convention fiscale permettant d’éviter une double imposition -  lorsque les conditions générales suivantes sont remplies :

 

- les salariés doivent être envoyés dans un État autre que la France et que celui du lieu d'établissement de cet employeur ;

- l'employeur doit être établi en France, dans un autre État membre de l'Union européenne, en Islande, en Norvège ou au Liechtenstein.

 

Cette condition suppose, selon l’administration fiscale, que le salarié signe un contrat de travail avec une entité établie dans l’un des Etats cités par le CGI.

 

Ceci n’est pas toujours le cas dans les groupes multinationaux au sein desquels la filiale dédiée à la gestion du personnel est fréquemment établie dans un Etat tiers disposant, le plus souvent, d’une législation favorable.

 

Dans ces situations, toutes les interactions des salariés avec leur employeur ont lieu avec des équipes situées dans un Etat visé par le CGI qu’il s’agisse du recrutement, des visites médicales, des ordres de mission, des directives de réalisation de la prestation de travail, des entretiens annuels d’évaluation et des réunions d’équipe.

 

Seul leur contrat est en pratique préparé par la structure off-shore qui ne dispose par ailleurs pas, la plupart du temps, des moyens matériels et humains suffisants pour gérer et diriger le personnel de groupes aussi importants.

 

Dans cette situation néanmoins, l’administration refuse de reconnaître la notion d’employeur effectif (ce dernier étant situé dans l’un des Etats visés par le CGI) et remet en cause systématiquement l’exonération chez les salariés concernés.

 

Lorsque l’ensemble des conditions générales sont remplies, le salarié peut bénéficier, au titre de la rémunération de son activité à l'étranger, d’une exonération totale dans certains cas, ou, à défaut, d’une exonération partielle.

 

L’exonération de la rémunération est totale lorsque :

 

- la rémunération est soumise, dans l'État où s'exerce l'activité, à un impôt sur le revenu au moins égal aux 2/3 de celui qu'elle supporterait en France,

- la rémunération est versée en contrepartie de l'exercice à l'étranger, pendant une durée supérieure à 183 jours au cours d'une période de douze mois consécutifs, d'une activité dans certains secteurs (chantiers de constructions, recherche ou d’extraction de ressources naturelles, etc.). Les personnels administratifs peuvent également bénéficier de l’exonération totale de même que les salariés d'une entreprise sous-traitante,

- le salarié exerce à l'étranger, pendant une durée supérieure à 120 jours au cours d'une période de douze mois consécutifs, des activités de prospection commerciale.

 

La durée de l'activité exercée à l'étranger s'apprécie de manière favorable aux salariés puisque, notamment, les temps de transport et les jours de repos hebdomadaire sont considérés comme passés à l’étranger.

 

A défaut d’exonération totale, une exonération partielle peut s’appliquer aux suppléments de rémunération directement liés à l'exercice de la profession à l'étranger.

 

Pour cela, les suppléments de rémunérations doivent :

 

- être versés en contrepartie de séjours effectués dans l'intérêt direct et exclusif de l'employeur,

- être justifiés par un déplacement nécessitant une résidence d'une durée effective d'au moins 24 heures dans un autre État,

- être déterminés dans leur montant préalablement aux séjours dans un autre État et être en rapport, d'une part, avec le nombre, la durée et le lieu de ces séjours et d'autre part, avec la rémunération (hors suppléments de salaires susvisés) versée au salarié, sans excéder 40 % de cette rémunération.

 

Que l’exonération soit totale ou partielle, les revenus exonérés restent retenus pour le calcul du « taux effectif » auquel sont soumis les autres revenus imposables du contribuable.

 

Dans l’hypothèse inverse où des salariés domiciliés à l’étranger rejoignent la France pour des raisons professionnelles, ils peuvent bénéficier d’un régime d’imposition spécifique au titre de leur période d’activité en France.

 

Ce régime dit des « impatriés » s’adresse aux personnes qui étaient domiciliées fiscalement hors de France au cours des 5 années précédant celle de leur prise de fonctions en France (par exemple en raison d’une mobilité intra-groupe) et qui fixent leur domicile fiscal en France.

 

Il permet d’exonérer d’impôt sur le revenu sous certaines conditions :

 

- le supplément de rémunération (prime d’impatriation) directement lié à l’exercice d’une activité professionnelle en France ;

- la part de la rémunération se rapportant à l’activité exercée à l’étranger effectuée dans l’intérêt de l’employeur ;

- 50 % des revenus de capitaux mobiliers, de certains produits de la propriété intellectuelle et des gains de cession de valeurs mobilières de source étrangère.

 

Ce dispositif de faveur est applicable jusqu’au 31 décembre de la huitième année civile suivant la prise de fonctions dans l’entreprise établie en France. Il cesse de s’appliquer si le salarié quitte l’entreprise d’accueil avant ce terme (sauf changement d’employeur au sein du même groupe).

 

En matière d’IFI, le régime d’impatriation permet également pendant 5 ans aux contribuables en cause de n’être imposables en France qu’à raison des seuls biens et droits immobiliers situés en France, et non sur les actifs immobiliers mondiaux.

 

  • Autres impacts de la mobilité internationale sur la situation fiscale du salarié

 

Préalablement à son départ de France, le contribuable doit également analyser l’impact éventuel de son transfert de résidence sur le régime fiscal applicable à ses actifs patrimoniaux.

 

A titre d’exemple, en cas de mise en location de sa résidence en France au cours de sa période d’expatriation, les revenus fonciers correspondants resteront dans la plupart des cas imposables à l’IR en France et devront donc être régulièrement déclarés auprès du service des non résidents (l’IR français ouvrant droit le cas échéant à crédit d’impôt dans l’Etat de résidence en application des conventions fiscales bilatérales).

 

Dans le même sens, les dividendes de source française perçus par l’expatrié resteront généralement imposables en France par voie de retenue à la source. Celle-ci sera libératoire de l’IR en France, ce qui signifie que les revenus correspondants n’auront pas en principe à faire d’objet d’une déclaration en France l’année suivant celle de leur perception.

 

Cette retenue à la source française pourra être réduite par la convention fiscale sous réserve de respecter certaines obligations déclaratives.

 

En cas de détention de droits sociaux dans des sociétés françaises, le contribuable devra également vérifier s’il est concerné par « l’exit tax ». Ce dispositif vise à soumettre à l’IR les plus-values latentes existantes sur les titres à la date du départ de France. Toutefois, l’exit tax n’est applicable que sur certains actifs (titres d’une valeur globale d’au moins 800 000 € ou représentant au moins 50 % du capital d’une société) et fait l’objet dans la plupart des cas d’un sursis d’imposition automatique (seuls les départs dans certains Etats n’ayant pas conclu de convention d’assistance administrative avec la France ne bénéficient pas du sursis automatique).

 

Enfin, post-départ, les expatriés resteront passibles de l’impôt sur la fortune immobilière en France sur la seule valeur de leurs biens et droits immobiliers situés en France (et parts ou actions de sociétés détenant des immeubles en France). En fonction des dispositions de la convention fiscale bilatérale potentiellement applicable, l’IFI dû en France pourra être imputé par le contribuable sur l’éventuelle imposition sur la fortune due dans son Etat de résidence.

 

  • Des obligations spécifiques

 

Les salariés des groupes internationaux peuvent travailler pour des sociétés françaises tout en maintenant leur domicile fiscal à l’étranger.

 

La rémunération qu’ils perçoivent en France (salaires, jetons de présence, avantages liés à des plans de stock-options ou d’attribution d’actions gratuites), feront alors l’objet d’une retenue à la source par la société qui les verse.

 

L’absence de paiement de cette retenue à la source peut entraîner l’application de sanctions fiscales et même pénales dans certaines hypothèses (plans d’actionnariat salariés).

 

Ces obligations peuvent notamment être difficiles à appréhender lorsque l’ancien salarié d’une filiale française s’est vu attribué des options au titre de ses fonctions exercées en France par la société mère du groupe établie hors de France et qu’il lève ses options après son départ de France.

 

Dans ce cas en effet, la société mère qui attribue l’avantage n’est pas toujours informée de ses obligations en France et le salarié n’est plus sur la liste du personnel de la société française. Aucune des deux sociétés ne va donc, en pratique, acquitter de retenue à la source.

 

En cas de transfert de son domicile fiscal hors de France, le salarié devra de son côté informer l’administration fiscale française de ce transfert.

 

L’année de son départ de France, il devra déposer une déclaration spécifique 2042-NR pour les revenus restant imposables en France à compter de cette date.

 

Il devra également s’informer des obligations fiscales lui incombant dans son Etat d’installation. Pour cela, l’appui d’un conseil local - dont l’intervention pourra être prise en charge par l’employeur – lui sera indispensable.

 

Enfin, le salarié devra continuer à déclarer les revenus qui restent imposables dans son Etat de départ en application des dispositions de la convention fiscale applicable. Il devra également continuer à déclarer et acquitter l’IFI s’il est concerné.

 

  • Nécessité de prévoir les incidences fiscales du retour du salarié dans son Etat d’origine

 

Ces obligations sont symétriques à celles existant lors du départ de France.

 

Ainsi, le salarié devra informer l’administration étrangère de son départ, informer l’administration française de son retour et déclarer de nouveau l’intégralité de ses revenus en France.

 

Dans la mesure où le package de départ à l’étranger pouvait comporter les avantages d’une fiscalité attrayante dans l’Etat d’installation, il conviendra pour l’employeur d’anticiper le retour à une fiscalité française peut-être plus dissuasive en prévoyant une rémunération adaptée et tenant compte, en particulier, de l’expérience acquise par le salarié lors de son séjour hors de France.

 

 

Un maitre mot, l’anticipation ! La gestion de ces problématiques imposent de travailler très en amont, et en lien avec un conseil local, pour réaliser par exemple les calculs d’égalisation fiscale, mettre en place un package de rémunération équilibré pour chaque partie, ou encore développer une politique cohérente au niveau de l’entreprise pour tous les salariés concernés.

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