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Les méthodes de recrutement à l’épreuve de l’obligation de non-discrimination

16 novembre 2017
par Rodolphe Courtois,
Serge Cordival,
Stéphane Vocelle

Plusieurs études récentes montrent que les pratiques discriminatoires à l’embauche fondées sur un ou plusieurs des 24 critères illicites visés à l’article L1132-1 du Code du travail restent une réalité en France et sont loin d’avoir disparues.

En dépit d’un durcissement de la réglementation, d’une sévérité croissante de la jurisprudence en la matière et de la multiplication des campagnes publiques de sensibilisation, les entreprises et cabinets de recrutement sur le territoire national peinent à modifier leurs pratiques.

Pourtant, les risques juridiques encourus sont majeurs[1]. et ces pratiques pénalisent grandement les résultats économiques[2].

La France : mauvaise élève en matière de pratiques discriminatoires

Les études récentes montrent que la France est en retard en matière de lutte contre les discriminations.

A l’échelle nationale, le Testing réalisée en 2015 par l’Institut MONTAIGNE met en lumière qu’à compétences et parcours équivalents, un candidat « pratiquant musulman » doit envoyer 4 fois plus de candidatures qu’un candidat « pratiquant catholique » pour obtenir un entretien d’embauche.

Dans le même ordre d’idées, le Testing réalisé par la DARES et ISM CORUM à la demande du Ministère du travail en 2016 auprès de 40 grandes entreprises françaises, montre qu’un candidat « hexagonal » se voit proposer 30% d’entretiens d’embauche en plus comparé à un candidat « maghrébin », toutes choses égales par ailleurs.

Ces études sont confirmées à l’échelle Européenne, la France est placée en tête du peloton des discriminations à l’embauche à l’égard du candidat « d’origine Etrangère » vs le candidat « d’origine Nationale »[3].

L’évolution de la réglementation et de la jurisprudence : vers une sévérité accrue

La réglementation n’envisage plus seulement la lutte contre les discriminations à l’embauche sous l’angle individuel, elle l’appréhende dorénavant et également sous l’angle collectif organisationnel.

Ainsi, les discriminations illicites recherchées englobent désormais les discriminations indirectes systémiques « qui relèvent […] d’un ordre établi provenant de pratiques, volontaires ou non, neutres en apparence, mais qui donne lieu à des pratiques discriminatoires entre une catégorie de personne et une autre » sur la base d’un motif prohibé[4].

A cette extension notionnelle, vient notamment s’ajouter la mise en place et l’élargissement d’instruments performants facilitant leur révélation (ex : testing admis au civil), la création d’un statut de lanceur d’alerte ou encore l’accroissement des prérogatives dévolues aux acteurs de lutte contre les discriminations rendant plus aisé les poursuites en justice et leur condamnation.

La jurisprudence, quant à elle, a condamné les mauvaises pratiques de recrutement dès lors que l’entreprise n’a pas été en capacité de démontrer à posteriori l’existence préalable d’un critère de sélection portant sur le diplôme pour justifier le rejet d’un candidat au motif d’une qualification non adaptée au poste.

La révision nécessaire des process de recrutement

A l’aune de ces évolutions, le recruteur doit revisiter ces process de recrutement suivant trois principes essentiels.

  1. Premier principe : identifier clairement les critères objectifs pertinents de sélection en amont et en lien direct avec la réalité du poste lors de l’analyse du besoin interne, de la définition du poste et de l’identification des critères requis. Ce socle objectif de l’enchaînement des évaluations est essentiel à la réussite du futur salarié idéal en fournissant notamment un matériel pertinent pour le sourcing, pour la rédaction de l’annonce et pour la sélection des candidatures reçues.
  2. Deuxième principe : définir les outils d’évaluation des candidats (évaluation : entretiens, tests, mises en situation etc.) en veillant notamment à la mise en œuvre, après information du candidat, de méthodes et techniques présentant un degré raisonnable de fiabilité, et à la collecte d’informations en rapport direct avec la réussite au poste.
  3. Troisième principe : assurer une traçabilité sans faille de toute la procédure afin d’être en mesure de justifier a posteriori toutes ses décisions (finalisation, retour au candidat et conservation des informations recueillies).

L’enjeu : une approche globale et complémentaire nécessairement juridico-RH

La réalité mesurée de la discrimination à l’embauche est le résultat complexe de faits sociaux, économiques et politiques ancrés dans notre culture (stéréotypes) et dans nos pratiques (préjugés) à l’égard de certaines catégories de population.

Cette réalité, qui s’inscrit dans une conjoncture de chômage systémique favorable à l’augmentation des demandes d’explications adressées aux recruteurs, doit achever de nous persuader de l’utilité de revoir les pratiques de recrutement.

Elle ne peut être ainsi efficacement traitée qu’au travers d’une double approche juridico-Rh traitant de manière ordonnée et pertinente les problématiques modernes de la Gestion des Ressources Humaines (Innovation, performance, image de l’entreprise, etc.) tout en plaçant la diversité au cœur de la Responsabilité Sociale de l’Entreprise.

[1] Notamment sur le pan pénal, délit puni de 3 ans d’emprisonnement et 45.000€ d’amende
[2] Voir Rapport France Stratégie de 2016 – la fin des discriminations à l’embauche et dans l’emploi, sur les seuls critères de genre et d’origine, serait en mesure de générer 150 milliards d’euros supplémentaires en 20 ans
[3] Annexe 2 du rapport de Marie-Anne VALFORT pour l’Institut MONTAIGNE
[4] Rapport sur les discriminations collectives en entreprise de Madame Laurence Pécaut-Rivolier, 2013

 

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