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Non-discrimination à l’embauche : enjeux et obligations pour les recruteurs

29 septembre 2017
par Rodolphe Courtois,
Serge Cordival

Si recruter est tout un art, évoquant ici le caractère créatif et intuitif du légendaire chasseur de têtes, cet art devient de plus en plus difficile à exercer face à un principe de non-discrimination qui ne cesse de prendre de l’ampleur et de se fortifier au fil des lois et de la jurisprudence.

Ces dernières s’accordent, en effet, à l’émanciper de ses aspects théoriques pour lui conférer une place et une consistance réelle et effective dans l’organisation juridique, rendant ainsi plus aisément appréhendable et condamnable les comportements répréhensibles sur le plan civil et pénal.

A l’instar des normes internationales et européennes issues de traités, de pactes et de chartes, le Législateur a constamment œuvré depuis la loi « Auroux » (n°82-689) du 4 août 1982, et son « fameux » article L 122-45 du Code du travail (devenu l'article L 1132-1 du Code du travail), au renforcement du régime juridique du principe de non-discrimination. A telle enseigne que cet article unique a laissé place depuis lors à 24 articles figurant sous un Titre III du Code du travail spécifiquement créé et dédié au sujet intitulé « Discriminations ».

A ces articles, le Législateur en a inséré d’autres de façon éparse dans le même code condamnant plus particulièrement certaines discriminations. Avec l’accroissement du nombre d’articles et l’enrichissement de chacun d’entre eux au fil du temps, le Législateur a, en outre :

  • élargi le périmètre du principe de non-discrimination notamment aux procédures de recrutement (loi du 16 novembre 2001) et aux discriminations indirectes (loi du 27 mai 2008) et systémiques (loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle) ;
  • allongé la liste d’origine des 10 motifs discriminatoires prohibés en 24 motifs discriminatoires interdits ;
  • aménagé la charge de la preuve en faveur de la victime tout en lui facilitant l’accès à la preuve via notamment la reconnaissance du testing (Loi 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté), la possibilité d’introduire une action de groupe (loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle) ;
  • renforcé les prérogatives du Défenseur des Droits et de l’Inspecteur du travail (loi du 8 août 2016 dite « Loi Travail »);
  • créé un statut [unifié] de lanceur d’alerte (loi du 9 décembre 2016 dite « Loi Sapin II »).

S’emparant de cet état législatif périodiquement rénové, le juge s’est attelé dans la même veine à rendre au principe de non-discrimination, et à son corolaire la lutte contre les discriminations, un effet utile d’une part, en assouplissant les conditions d’accès à la preuve et, d’autre part, en obligeant l’employeur/recruteur à une définition préalable des exigences requises pour occuper le poste considéré (Cass. Soc. 15 décembre 2011, n°10-15.873).

Aujourd’hui plus que jamais, cette effectivité acquise, recherchée et concertée de lutte contre les discriminations doit conduire, autant les entreprises que les cabinets de recrutement, à revoir systématiquement leurs pratiques et leurs méthodes de sélection de personnel. Ils doivent s’assurer qu’elles ne font pas le lit de discriminations prohibées par le Code du travail et/ou le Code pénal.

Objectiver le choix du candidat sur des bases solides, rationnelles et pertinentes exemptes de toutes discriminations illicites est un exercice plus que délicat pour un recruteur, qui, au-delà des directives qu’il se doit d’observer, est toujours en proie à cette part, fût-elle minime, de subjectif dans l’évaluation du candidat notamment sur sa personnalité et ses attitudes qui conditionnent pour une grande part ses comportements futurs en situation de travail.

En effet, il n’est plus envisageable, pour le recruteur, de départager les candidats présentant des profils de compétences identiques retenus en « shortlist » sur le seul fondement d’un pressentiment ou d’une intuition qui s’accommode mal du raisonnement juridique. Certaines pratiques des recruteurs professionnels, solidement ancrées dans des ficelles de métier depuis que le recrutement existe, peuvent aujourd’hui se révéler incompatibles avec la sécurisation légale de la profession.

Désormais, le recrutement doit s’organiser autour d’un triptyque sacré : Méthodologie – Traçabilité – Risque anticipé.

En effet, c’est surtout sur la méthodologie et la traçabilité que doivent aujourd’hui porter les efforts des professionnels du recrutement en annexant l’intégralité de la procédure à l’hypothèse permanente d’un risque de demande ultérieure de justificatifs.

Dans cette optique, les étapes d’un recrutement standard doivent être décryptées en détails et analysées selon leur objet, les outils, les risques spécifiques et la traçabilité préventive dans laquelle toute procédure de recrutement doit maintenant impérativement s’inscrire.

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