
La reprise d’une entreprise en difficulté, souvent qualifiée de "reprise à la barre", constitue une opportunité d’acquérir les actifs d’une société à un prix attractif, sans reprendre son passif, tout en contribuant à sa redynamisation.
Toutefois, cette opération, qui intervient dans le cadre d’une procédure collective, donc judiciaire, comporte des risques juridiques spécifiques qu'il convient de maîtriser.
En tant que repreneur, il est essentiel de bien comprendre les mécanismes juridiques de cette procédure et les enjeux associés pour être désigné comme le meilleur candidat par le Tribunal, et sécuriser l’acquisition.
De quoi parle t'on ?
La reprise d’une entreprise à la barre intervient dans le cadre d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire. Lorsqu'une entreprise est en difficulté, son dirigeant peut demander l’ouverture d’une procédure collective afin de protéger l’entreprise tout en tentant de résoudre ses problèmes financiers.
La procédure collective, qui a pour effet immédiat de geler le passif antérieur, débute par une période d’observation. Si l’entreprise n’a pas la capacité ou les moyens de présenter un plan d’apurement de son passif, un processus d’appel d’offres est mis en place en vue d’un plan de cession des actifs qui sera arrêté par le Tribunal.
Les candidats à la reprise doivent déposer une offre, qui est engageante, assortie de garanties, dans les délais imposés par l’Administrateur Judiciaire. L’offre la plus intéressante, tant sur le plan financier que sur celui de la préservation de l'emploi, est retenue par le tribunal.
Les avantages pour le repreneur
Une reprise à la barre offre des avantages très importants :
- Le prix facial est généralement peu élevé, surtout en l’absence d’autres candidats ;
- La reprise intervient sur la totalité du jugement, sous forme de cession de fonds de commerce, sans reprise de dettes ;
- Il n’y a pas d’obligation de reprendre le personnel mais le nombre de salariés peut faire la différence entre les candidats ;
- Il n’y a pas d’obligation non plus de reprendre tous les actifs ;
- Les licenciements et les coûts rattachés sont gérés par le cédant.
En résumé, l’idée est de reconfigurer l’entreprise pour avoir une structure de coût adaptée à l’entreprise reprise.
1. Transmettre certaines dettes
La transmission des principaux risques pour le repreneur est d’avoir à supporter un passif « masqué », qui découle de l’application de l’article L.642-12, alinéa 4 du Code du commerce. Selon cet article, « la charge des sûretés réelles spéciales, garantissant le remboursement d'un crédit consenti à l'entreprise pour lui permettre le financement d'un bien sur lequel portent ces sûretés est transmise au cessionnaire ».
Par conséquent, si l’actif en question est inclus dans le périmètre de la reprise, le candidat repreneur doit acquitter les échéances restantes dues à compter de la cession.
Il est donc important d’identifier s’il existe des prêts éligibles à cet article, et si tel est le cas, de tenir compte de ce passif pour structurer l’offre de reprise et / ou engager des discussions avec le candidat pour trouver un accord.
De même, du fait de la reprise des contrats de travail, certains passifs latents peuvent être transmis au repreneur.
2. Sécuriser les contrats en cours
La reprise est aussi l’occasion de déterminer les contrats de fournitures utiles à l’activité, et d’exclure les contrats coûteux ou devenus inutiles.
En revanche, aucun engagement ne peut être donné par le cédant pour les contrats clients. L’acquisition d’une société en difficulté implique une attention particulière à la situation contractuelle de l’entreprise.
En effet, certains contrats peuvent être fragilisés par la procédure collective. La reprise des contrats en cours, qu’il s’agisse de baux commerciaux ou de contrats fournisseurs, peut faire l’objet de renégociations.
Les repreneurs doivent anticiper l'impact de la reprise sur ces contrats et veiller à leur régularité juridique.
3. Comprendre les rôles de l’administrateur judiciaire et du Tribunal
L’administrateur judiciaire a la charge de mener le calendrier de préparation à la cession, de constituer la data-room et d’éclairer les candidats sur les éventuelles informations nécessaires.
Toutefois, les délais de mise en œuvre sont si brefs qu’il est difficile de lever toutes les incertitudes, de sorte que la rédaction d’une offre peut être soumise à certains aléas qu’il faut bien sûr essayer de limiter.
Le Tribunal entend les candidats et choisit la meilleure offre, selon 3 critères : l’offre doit assurer le plus durablement l’emploi attaché à l’ensemble cédé ; le paiement des créanciers ; et présenter les meilleures garanties d’exécution.
Concrètement, le prix n’est donc pas le critère primordial mais le Tribunal s’intéresse prioritairement au nombre d’emplois sauvegardés de façon pérenne ainsi qu’à la solidité opérationnelle et financière du projet.
L’audience est ensuite l’occasion de mettre en valeur les atouts du projet, et de répondre aux questions du Tribunal.



En conclusion
La reprise à la barre peut donc être une belle opportunité de croissance externe, à moindre coût et à risque limité, à condition de bien identifier les passifs « invisibles », et de sécuriser la transmission par la rédaction d’une offre précise et complète.
Yves-Marie Herrou, Clément Boujon, Stéphane Clergeau et Clément Menard, avocats en restructuring
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