PARTIE 4 - FAIRE PREUVE D'AGILITE ET INNOVER
La crise pourrait avoir pour effet de recomposer le paysage économique français, sauf à ce que les réseaux de distribution fassent preuve d’agilité en s’adaptant aux nouvelles façons de consommer des consommateurs qui devraient, au moins pour un temps, limiter leurs achats en points de vente. Cela exigera une évolution de leur savoir-faire et une adaptation de leur concept. Afin de répondre aux mutations les plus profondes, les têtes de réseau devront réfléchir à faire évoluer leurs stratégies d’approvisionnement et/ou de développement.
1- Prendre en compte les nouveaux modes de consommation
Il est fort à penser que les entreprises dites de l’économie numérique, telles que les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft ) ou NATU (Netflix, Air BNB, Tesla, Uber), puissent se relever plus facilement de cette crise - bien que les acteurs du e-commerce ne soient pas non plus épargnés par la crise - puisque leur modèle économique repose essentiellement sur internet et les réseaux sociaux ce qui, à l’évidence, évite, ou tout du moins limite, les contacts entre les personnes. Certains de ces géants du web, mais également les entreprises de vente à distance et du e-commerce, pourraient dès lors accélérer leur présence physique en acquérant des points de vente leur permettant peu à peu de diversifier les contacts avec leurs clients.
A défaut de s’adapter à ces évolutions, les réseaux de franchise s’exposeraient alors à un double risques : être disruptés par ces acteurs du numérique qui leur prendraient des parts de marché et, plus grave, voir capter leur savoir-faire par ces acteurs. Ce double phénomène pourrait, bien entendu, engendrer des problématiques concurrentielles importantes auquel le droit de la concurrence devra apporter des réponses.
En ce sens, la crise sanitaire peut être l’occasion de réfléchir à une nouvelle approche concurrentielle concernant les réseaux de distribution. Il ne s’agit plus seulement d’assurer la concurrence entre réseaux physiques mais d’envisager les problématiques concurrentielles par écosystèmes, c’est-à-dire entre réseaux physiques et acteurs du e-commerce, tels que les plateformes. Pour ce faire, il est primordial que le règlement d’exemption sur les restrictions verticales, en cours de négociation au niveau de la Commission européenne, permettent aux franchiseurs de maîtriser leur réseau afin qu’ils puissent décider de la présence ou non des franchisés sur ces plateformes, de protéger leur savoir-faire et d’innover afin d’être en mesure de proposer une offre différenciante s’appuyant, notamment, sur les points de vente physique.
2- Faire évoluer son savoir-faire et adapter son concept
En pratique, les réseaux de distribution devront faire preuve d’innovation. Celle-ci sera l’une des clés pour s’adapter aux nouvelles façons de consommer des consommateurs. Et, en la matière, les réseaux de franchise ont leurs cartes à jouer en faisant évoluer leur savoir-faire, voire en adaptant leur concept et ce, afin de répondre aux mutations plus profondes engendrées par la crise.
Les réseaux de franchise doivent, d’ores et déjà, s’interroger sur le rôle qu’occuperont les points de vente après la période de confinement. La crise devrait avoir pour effet d’exacerber les nouvelles tendances qui étaient jusqu’alors balbutiantes et ainsi accélérer les mutations du commerce physique. Nul doute que les stratégies e-commerce mises en place par les réseaux de franchise devraient évoluer, la réservation en ligne favorisée, le drive se généraliser et le paiement sans contact devenir la norme.
Mais, ce sont des mutations plus profondes des concepts en franchise que la crise, liée au Covid-19, devrait engendrer. Certes, les réseaux ont mis en place des mesures barrières, très rapidement, au sein de leurs points de vente afin de limiter la propagation du virus mais d’autres adaptations attendent les réseaux de franchise. Il en va ainsi des innovations en termes de gamme de produits ou bien encore de la livraison à domicile des marchandises commandées sur internet qui devrait être, de plus en plus sollicitée, ce qui nécessitera la mise en place de nouveaux partenariats avec des acteurs de la livraison rapide ou bien encore avec des plateformes mettant en avant les produits et services des commerçants de différentes enseignes d’un centre-ville. De même, la digitalisation des points de vente devraient être accélérée afin de favoriser la venue des clients dans le point de vente. Il s’agira de proposer une nouvelle expérience clients tout en s’interrogeant sur le rôle de chaque enseigne dans la société de demain qui pourrait nécessiter une implication plus forte de chacune d’elles dans les problématiques sociales et environnementales.
3- Faire évoluer ses stratégies d’approvisionnement et/ou de développement
Enfin, cette crise pourrait amener les têtes de réseau à repenser leur stratégie d’approvisionnement et de développement. La crise a, en effet, révélé les failles de la mondialisation ce qui devrait conforter le développement de l’économie circulaire, de la location de biens plutôt que de leur appropriation mais également la mise en place de circuits courts d’approvisionnement permettant aux enseignes d’être moins dépendantes de fournisseurs étrangers et de répondre aux préoccupations environnementales de plus en plus prégnantes dans notre société.
Par ailleurs, des modèles de développement complémentaires à la franchise pourraient voir le jour. Ainsi, dans le secteur de la restauration, il est probable que les capacités d’accueil des restaurants ne soient plus en phase avec les demandes des clients dont les déplacements seront moins fréquents, ce qui conduira, inévitablement, à une baisse de leur chiffre d’affaires. S’il peut être envisagé, dans un premier temps, de demander une révision du loyer à la suite de changements des facteurs locaux de commercialité, la tête de réseau devra certainement réfléchir à faire évoluer son concept avec des restaurants dont les places assises seront moins nombreuses et trouver d’autres sources de rémunération pour l’enseigne et ses franchisés. Dès lors, d’autres modèles économiques devront être testés puis, le cas échéant, mis en œuvre dans les meilleurs délais. Ainsi, les dark kitchen, qui sont des locaux de cuisine sans enseigne permettant la préparation de produits directement livrés chez le client via un prestataire, pourraient étendre leur présence sur le territoire national. Il s’agira alors de trouver le bon équilibre permettant de concilier les intérêts des restaurants physiques, qui restent et demeurent un gage de visibilité, de notoriété de l’enseigne et assurent l’expérience clients, et l’opportunité de développement qu’offrent ces nouveaux modèles économiques.
Les challenges, que devront relever les réseaux de franchise, seront nombreux dans les prochains mois. L’innovation, au cœur du processus de destruction créatrice, si bien décrit par J.A. Schumpeter, tiendra une place centrale dans la capacité de résilience de bon nombre de réseaux de franchise. Ces derniers devront s’appuyer sur l’intelligence collective de leurs membres. Et il faut croire que la somme des actions individuelles de chacun de ces membres, guidés par son intérêt personnel, contribuera in fine à la richesse du réseau de franchise dans son entier. Nul doute que les franchiseurs et les franchisés sauront trouver les ressources nécessaires pour adapter leur modèle de distribution et de développement, innover et s’inscrire dans le nouvel ordre économique mondial, dont on ne perçoit aujourd’hui que les prémices.