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Production d’hydrogène : Un premier pas européen pour l’hydrogène bas-carbone… et la France

February 21, 2023

 

C’est fait ! (Première) victoire pour l’hydrogène bas-carbone et la France, peut-on lire dans la presse depuis quelques jours, grâce à la publication tant attendue des « deux actes délégués » sur l'hydrogène renouvelable.

 

Mais… de quoi parle-t-on ? 

 

Un « acte délégué » est un acte non législatif adopté par la Commission pour compléter ou modifier certains éléments non essentiels d'un acte législatif – comme par exemple une directive européenne.

On parle ici de deux actes délégués de la directive 2018/2001 relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables (la RED II).

Quel était l’enjeu ? 

 

La directive prévoit que la part de l’énergie renouvelable dans la consommation finale d'énergie dans le secteur des transports doit atteindre 14 % d’ici 2030 (art. 25), afin de réduire de 70 % les émissions de GES dans le secteur des transports.

Les carburants liquides et gazeux renouvelables, d'origine non biologique, jouent un rôle crucial pour atteindre cet objectif. Toutefois, pour faire en sorte que ces carburants contribuent réellement à la réduction des GES, la directive impose que l'électricité utilisée pour produire ces carburants soit, elle aussi, d'origine renouvelable. Or, cela peut être difficile de s’en assurer lorsque l’électricité est prélevée sur le réseau. 

La directive imposait donc à la Commission d’élaborer (par acte délégué) une méthodologie fiable permettant de garantir que l’électricité prélevée sur le réseau et utilisé pour produire les carburants est bien « renouvelable». Petite précision cependant : la directive prévoyait que ladite méthodologie devait veiller au respect de deux critères :

  • une corrélation géographique et temporelle entre l'unité de production d'électricité et la production du carburant ;
  • une contribution par le producteur d’hydrogène au déploiement des ENR ou au financement des ENR – c’est le critère d’additionnalité.

Et c’était là tout l’enjeu des débats : une définition trop stricte de ces critères pouvait entraîner un surcoût pour la production d’hydrogène renouvelable, au risque de porter un coup d’arrêt au développement du marché.
 

Qu’a-t-il été décidé ?

 

En quelques mots, le premier acte délégué (1086) fournit une méthode de calcul des émissions GES sur l'ensemble du cycle de vie des carburants renouvelables d'origine non biologique.

Le second acte délégué (1087) établit les règles pour la production de « carburants de transport liquides et gazeux renouvelables d'origine non biologique » (RFNBOs en anglais) terme qui englobe notamment l’hydrogène. Il définit les critères et détermine dans quels cas ceux-ci devront être respectés.  

S’agissant tout d’abord des critères :

→  pour la corrélation géographique : 3 options relativement souples sont prévues, selon que l’installation de production d’électricité renouvelable est située (ou était située au moment de sa mise en route), dans la même zone d'appel d'offres que l'électrolyseur, dans une zone interconnectée, ou dans une zone d'appel d'offres offshore ;

→  pour la corrélation temporelle : la Commission a là aussi retenu des critères flexibles. On sera sur une corrélation mensuelle (c-à-d que le carburant est produit au cours du même mois civil que l'électricité renouvelable) jusqu’au 31 décembre 2029, puis sur une corrélation horaire à compter du 1er janvier 2023 ;

→  pour l’additionnalité : cette condition est considérée respectée si le producteur de carburant 1) produit une quantité d'électricité renouvelable dans sa propre installation au moins équivalente à la quantité d'électricité revendiquée comme entièrement renouvelable, OU 2) il s’approvisionne auprès d’opérateurs économiques produisant de l'électricité renouvelable en quantités équivalentes d’énergies renouvelables via des PPAs. 

Mais, dans un cas comme dans l’autre, l’installation de production d'électricité renouvelable :

  • doit avoir été mise en service au plus tôt 36 mois avant l'installation produisant le carburant (délai relativement long afin de tenir compte des délais de procédure d’autorisation…) ;
  • ne doit pas avoir pas reçu d'aide d’Etat sous la forme d'aides au fonctionnement ou d'aides à l'investissement. Quelques exceptions sont prévues : les aides reçues par les installations avant leur repowering, au soutien financier au foncier ou au raccordement au réseau… bref à tout soutien qui ne constituent pas un soutien net.


S’agissant de l’origine « renouvelable » de l’électricité permettant de produire le carburant, deux cas sont possibles.


Soit, hypothèse la plus simple, l’électricité provient d’une installation directement connectée à l’installation de production – sous conditions (notamment l’installation en propre doit avoir été mise en service au maximum 36 mois avant l’installation de production).

Soit, hypothèse plus complexe, l’électricité est prélevée sur le réseau. Dès lors, comment peut-elle être considérée comme entièrement « renouvelable » ? Le texte prévoit 4 options :

1. soit le mix électrique du réseau est renouvelable à plus de 90 % (sous conditions) ;

2. soit – cheval de bataille de la France – le système électrique du réseau est déjà largement décarboné (contenu carbone inférieur à 18 gCO2eq/MJ soit environ 64.8 g CO2/kWh) ET l’électrolyseur est approvisionné en quantités équivalentes d’énergies renouvelables via des Power Purchase Agreements (PPAs) ET les conditions de corrélation temporelle et géographique sont respectées. En revanche, n’est pas imposé le respect de l’additionnalité. 

3. soit, pour schématiser, l’on se trouve dans une situation de « redispatching », avec une réduction de la production d’électricité renouvelable et l’électricité consommée pour produire le carburant a réduit le besoin de « redispatching » d’un montant équivalent ;

4. soit les critères d’additionnalité, de corrélation temporelle et de corrélation géographique sont respectés. 


Concrètement, qu’est-ce que cela implique pour la production d’hydrogène à partir d’électricité prélevée sur le réseau ?

Plusieurs choses :

→  dans les pays qui bénéficient d’un mix électrique fortement décarboné, comme la France et la Suède, un grand nombre d’installations d’électricité renouvelable existantes vont pouvoir fournir de l’électricité pour la production d’hydrogène – puisque peu importe que ces installations aient été mise en service plus de 36 mois avant la mise en service des électrolyseurs, ou qu’elles aient bénéficié d’aides d’Etat ;

→  jusqu’au 31 décembre 2029, il suffit que la production d’électricité renouvelable et la production d’hydrogène soient réalisées toutes deux dans le même mois, ce qui laisse une relative souplesse aux producteurs d’hydrogène ; 

→  enfin, note importante : ces exigences s'appliqueront tant aux producteurs nationaux qu'aux producteurs de pays tiers qui souhaitent exporter de l'hydrogène renouvelable vers l'UE pour le comptabiliser aux fins de la réalisation des objectifs de l'UE en matière d'énergies renouvelables. Un système de certification reposant sur des systèmes volontaires permettra aux producteurs, que ce soit dans l'UE ou dans des pays tiers, de démontrer de manière aisée et simple qu'ils respectent le cadre de l'UE et de commercialiser de l'hydrogène renouvelable au sein du marché unique.


En quoi est-ce positif pour le développement de l’hydrogène bas-carbone en Europe ? Que reste-t-il à obtenir ?


Comme plusieurs acteurs le soulignent, ces deux actes constituent un signal favorable adressé à la filière :

  • en retenant une définition large de ce qui peut être considéré comme de l’approvisionnement en électricité renouvelable ;
  • en prenant en compte le mix énergétique de certains pays déjà fortement décarboné, sans leur imposer de créer des installations de production d’électricité renouvelable supplémentaires ;
  • et en imposant le respect de ces règles à l’hydrogène importé.

Pour autant, ces actes délégués doivent désormais être examinés et acceptés par le Parlement européen et le Conseil (délai de 2 mois à 4 mois maximum) – étant précisé que ces deux organes n'ont pas la possibilité de modifier les propositions : c’est donc quitte ou double !

Par ailleurs, il convient de garder à l’esprit qu’il s’agit ici uniquement de reconnaître les spécificités du mix énergétique de chaque pays, et non de reconnaître officiellement l’hydrogène bas-carbone comme un équivalent à l’hydrogène renouvelable dans la transition énergétique européenne. 

Il faut désormais que l'hydrogène bas carbone soit pris en compte dans les prochains textes du paquet Fit for 55, et notamment dans l’atteinte des objectifs fixés par la future directive sur les énergies renouvelables (RED III).

Affaire à suivre donc !

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