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Le temps de trajet d’un salarié itinérant peut être du temps de travail effectif !

December 14, 2022
by Stéphane Béal

Dans un arrêt en date du 23 novembre 2022 (n°20-21.924) la Cour de cassation considère que le temps de trajet domicile-premier client et dernier client-domicile, d’un salarié itinérant peut être du temps de travail effectif.

Cet arrêt doit retenir l’attention. Il constitue un revirement de jurisprudence et s’inscrit dans la suite logique de l’arrêt du 26 octobre 2022 (n°21-14.178) sur les astreintes.

Dans cette affaire, un salarié itinérant sollicite la résiliation judiciaire de son contrat et réclame à cette occasion le paiement d’heures supplémentaires liées à ses temps de trajet. Les juges du fond les lui accordent ce que conteste l’entreprise. Celle-ci s’appuie sur l’article L. 3121-4 du code du travail selon lequel, « le temps de déplacement professionnel pour se rendre du domicile aux lieux d’exécution du contrat de travail n’est pas du temps de travail effectif et n’ouvre droit qu’à une contrepartie financière ou en repos s’il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail ».

Cependant, dans son arrêt du 23 novembre 2022, la Cour de cassation modifie sa position antérieure (Cass. soc. 30 mai 2018, n°16-20.634) et retient que les articles L.3121-1 et L.3121-4 du code du travail doivent être interprétés à la lumière de la directive 2003/88/CE. Ainsi, lorsque les temps de déplacements accomplis par un salarié itinérant entre son domicile et les sites des premiers et derniers clients répondent à la définition du temps de travail effectif, ils ne relèvent pas du champ d’application de l’article L. 3121-4 du code du travail.

Cet arrêt, comme celui du 26 octobre 2022 (n°21-14.178) sur les astreintes, s’inscrit dans la droite ligne d’un arrêt du 9 mars 2021 de la CJUE (CJUE 9 mars 2021, C-344/19, D.J. c/Radiotelevizija Slovenija). Il en résulte que les notions de « temps de travail » et de « période de repos » constituent des notions de droit de l’Union qu’il convient de définir selon des caractéristiques objectives, en se référant au système et à la finalité de la directive 2003/88. Dès lors, « les États membres ne sauraient déterminer unilatéralement la portée des notions de « temps de travail » et de « période de repos », en subordonnant à quelque condition ou à quelque restriction que ce soit le droit, reconnu directement aux travailleurs par cette directive, à ce que les périodes de travail et, corrélativement, celles de repos soient dûment prises en compte ».

Message reçu cinq sur cinq par la Cour de cassation !

Ainsi, désormais l’appréciation des temps de trajets doit se faire en deux étapes :

Temps 1 : le temps de trajet répond-il à la définition du temps de travail effectif ? Autrement dit, le salarié est-il à la disposition de l'employeur et se conforme-t-il à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ?

Temps 2 : s’il est répondu négativement à la question ci-dessus, le temps de trajet est-il « normal » ?

Dans cette affaire, le salarié « devait en conduisant, pendant ses déplacements, grâce à son téléphone portable professionnel et son kit main libre intégré dans le véhicule mis à sa disposition par la société, être en mesure de fixer des rendez-vous, d’appeler et de répondre à ses divers interlocuteurs… ». Ainsi, la Cour de cassation en conclut que la cour d’appel a fait ressortir que pendant les temps de trajet ou de déplacement entre son domicile et les premiers et dernier client, le salarié devait se tenir à la disposition de l’employeur et se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles.

En conséquence, ces temps devaient être intégrés dans le temps de travail et rémunérés comme tel. La Cour de cassation confirme logiquement le rappel d’heures supplémentaires.

Cet arrêt aura certainement des conséquences importantes et nécessitera que les entreprises revoient leurs pratiques et les adaptent (révision des accords collectifs, précisions dans les contrats de travail…) si elles ne veulent pas se trouver en difficulté !

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