Après la rentrée, commence la période des négociations commerciales annuelles.
Celles-ci doivent en effet être débutées parfois très en amont pour pouvoir aboutir à la conclusion de la convention unique récapitulant le résultat de ces discussions commerciales. Cette convention unique doit être conclue au plus tard le 1er mars, sous peine de s’exposer à une amende pouvant atteindre 375 000 € pour les personnes morales.
Cet accord est en effet la formalisation du résultat des négociations menées entre les parties, dans un soucis de transparence souhaitée par le législateur. Elle permettra le cas échéant d’identifier les éventuels abus auxquels ont pu aboutir les discussions menées entre les acteurs économiques concernés.
Premier instrument, et première étape de ces négociations : les conditions générales de vente. Elles formalisent l’offre du fournisseur et constituent selon le code de commerce « le socle de la négociation commerciale » (article L441-1 du Code de commerce).
Les négociations doivent donc en principe débuter par la communication des conditions générales par le vendeur à l’acheteur.
Selon le domaine d’activité auquel celles-ci s’appliquent, leur contenu et la date butoir de communication varient.
I. Champ d'application
« Toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services qui établit des conditions générales de vente est tenue de les communiquer à tout acheteur qui en fait la demande pour une activité professionnelle. Cette communication s'effectue par tout moyen constituant un support durable » (article L441-1 II du Code de commerce). A défaut, une personne morale qui ne communiquerait pas ses conditions générales de vente s’expose à une amende de 75 000 €.
Les fournisseurs soumis à l’obligation d’établir une convention récapitulative ont l’obligation de communiquer leurs conditions générales de vente à tout acheteur professionnel qui leur en fait la demande (article L441-3 du Code de commerce).
Cette communication doit même intervenir dans un délai précis pour certains produits.
II. Les délais de communication des conditions générales de vente
La communication des conditions générales de vente doit intervenir :
- dans un délai raisonnable avant le 1er mars pour les produits non-alimentaires et hors produits de grande consommation, ou soumis à un cycle particulier de commercialisation, ainsi que les conditions générales à destination ou établies par des grossistes,
- au plus tard le 1er décembre (trois mois avant la date butoir du 1er mars pour conclure la convention récapitulative) pour les produis alimentaires et les produits destinés à l'alimentation des animaux de compagnie, ainsi que pour les produits de grande consommation non alimentaires,
- 2 mois avant la commercialisation pour les produits alimentaires soumis à un cycle particulier de commercialisation.
III. Les conditions générales catégorielles
Il est possible d’établir des conditions générales de vente catégorielles, c’est-à-dire propres à une catégorie d’acheteur.
Précisons que si un opérateur ne peut en soit constituer une catégorie, il est en revanche possible qu’une catégorie ne comprenne qu’un seul opérateur.
Les critères pour définir ces catégories doivent être objectifs, par exemple le type de circuit de distribution (détaillants, grossistes).
IV. Le contenu des conditions générales de vente
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Principes généraux des conditions générales de vente
Concernant le contenu des conditions générales de vente, les dispositions générales applicables (article L441-1 du Code de commerce) prévoient simplement qu’elles comprennent « les conditions de règlement, ainsi que les éléments de détermination du prix tels que le barème des prix unitaires et les éventuelles réductions de prix ».
Il est bien entendu vivement conseillé de ne pas se limiter à ces seules considérations tarifaires et de paiement du prix mais bien d’encadrer l’ensemble des aspects de la future relation contractuelle avec l’acheteur, comme notamment les modalités de commande, les délais de livraison, les limitations de garantie, la clause de réserve de propriété, les pénalités logistiques , etc.
Les conditions générales de vente doivent en effet être construites comme un élément de protection des intérêts de l’entreprise. Elles pourront s’avérer utiles lorsque l’acheteur oppose ses conditions générales d’achat :
- les conditions de vente s’appliqueront en l’absence d'acceptation expresse de ces conditions générales d’achat par le vendeur dès lors que le contrat est exécuté par l’acheteur sans opposition de sa part,
- elles pourront aussi permettre de stigmatiser les conditions abusives obtenues par l’acheteur en cas d’acceptation expresse des conditions générales d’achat sous la pression de ce dernier.
A noter : Depuis le 1er janvier 2022, les producteurs soumis au principe de responsabilité élargie du producteur (REP) doivent s’enregistrer auprès de l'autorité administrative (ADEME) qui leur délivre un identifiant unique (art. L. 541-10-13 du Code de l’environnement). Cet identifiant doit être mentionné dans les CGV ou, si le producteur n'en dispose pas, dans tout autre document contractuel communiqué à l'acheteur » (art. R. 541-173 du Code de l’environnement).
L’absence de cette mention peut être sanctionnée d'une amende administrative au plus égale à 30 000 € (art. L. 541-9-5 du Code de l’environnement).
Le contenu des conditions générales de vente de certains produits est par ailleurs beaucoup plus encadré par les textes.
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La spécificité des conditions générales de vente des produits alimentaires (article L441-14-1 du Code de commerce) (sauf pour les grossistes tels que définis par l’article L441-1-2 du code de commerce (cf. 3 ci-dessous) et certains produits alimentaires, catégories de produits alimentaires ou produits destinés à l’alimentation des animaux de compagnie, dont la liste est définie par le décret n°202 -1325 du 13 octobre 2022).
Le Code de commerce ne définit pas la notion de « produits alimentaires ». La directive (UE) du 17 avril 2019 définit les produits agricoles et alimentaires comme « les produits énumérés à l’annexe I du Traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne, ainsi que les produits ne figurant pas dans ladite annexe, mais qui sont transformés en vue d’être utilisés dans l’alimentation humaine en recourant à des produits énumérés dans ladite annexe ».
Pour ces produits, des règles spécifiques de délais de paiement existent.
Par ailleurs, la négociation commerciale entre un fournisseur et un acheteur ne doit pas porter sur la part du tarif du fournisseur correspondant au coût de la matière première agricole et/ou du produit transformé contenue dans le produit alimentaire. Cette part ne pourra ainsi faire l’objet d’aucun rabais, remise ou ristourne.
Pour pouvoir mettre en œuvre ce principe, les conditions générales de vente du fournisseur de tels produits doivent (au choix du fournisseur et sans que l’acheteur ne puisse interférer dans cette décision), présenter l’une des trois options tarifaires prévues par le Code de commerce :
Option 1 : La ventilation par matière première ou par produit transformé de manière individuelle
Pour chacune des matières premières agricoles et pour chacun des produits transformés composés de plus de 50 % de matières premières agricoles, qui interviennent dans la composition du produit final vendu, le fournisseur doit présenter de manière individuelle leur part dans la composition du produit :
- En pourcentage en volume : indiquant la proportion du volume qu'occupe chaque matière première ou chaque produit transformé dans la composition finale,
- En pourcentage du tarif du fournisseur : indiquant l'impact de chaque matière première ou de chaque produit transforme sur le tarif pratiqué par le fournisseur.
Option 2 : La présentation de manière agrégée
Au lieu de ventiler chaque composant individuellement, il est possible de présenter la part agrégée de matières premières agricoles ou de produits transformés. Il s’agit de cumuler l’ensemble des matières premières agricoles et des produits transformés (composés de plus de 50 % de matière première agricole) présents dans le produit final. Cette part agrégée doit également être exprimée sous deux formes :
- Un pourcentage en volume de la composition totale,
- Un pourcentage du tarif du fournisseur.
Option 3 : L'intervention d'un tiers indépendant
Sous réserve d'une évolution du tarif du produit final par rapport à l'année précédente, le fournisseur prévoit, à ses frais, l'intervention d'un tiers indépendant chargé d'attester la part de cette évolution qui résulte de celle du prix des matières premières agricoles ou des produits transformés dans le prix du produit final.
Dans le cadre de cette option, le tiers indépendant est aussi chargé d’attester au terme de la négociation que, conformément au II de l’article L. 443 8 du Code de commerce, celle-ci n’a pas porté sur la part de l’évolution du tarif du fournisseur qui résulte de celle du prix des matières premières agricoles ou des produits transformés.
À défaut d’attestation dans le mois qui suit la conclusion du contrat, les parties qui souhaitent poursuivre leur relation contractuelle modifient leur contrat dans un délai de deux mois à compter de la signature du contrat initial.
Attention, les guidelines de la DGCCRF précisent que cette option 3 ne peut jouer que lorsqu’il y a une évolution du tarif. A contrario, une évolution tarifaire nulle par rapport à l’année précédente exclut le recours à l’option n°3. De même, s’il s’agit d’une première négociation commerciale, le fournisseur ne peut pas non plus recourir à cette option n°3. En conséquence, dans ces deux cas, le fournisseur devrait opter pour les deux premières options.
Exemples
Les conditions générales de vente doivent également indiquer si un contrat de vente, conclu en application de l’article L.631-24 du Code rural et de la pêche maritime, portant sur les matières premières agricoles entrant dans la composition du produit alimentaire ou du produit destiné à l’alimentation des animaux de compagnie, est déjà conclu.
Les conditions générales de vente de produits agricoles ou de produits alimentaires comportant plusieurs produits agricoles doivent aussi :
- faire référence, lorsqu’ils existent, aux indicateurs énumérés aux articles L. 631-24, III., al. 9, L. 631-24-1 et L. 631-24-3 du Code rural et de la pêche maritime « ou, le cas échéant, tous autres indicateurs disponibles dont ceux établis par l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires »
et
- expliciter « les conditions dans lesquelles il en est tenu compte pour la détermination des prix ».
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Conditions générales à destination ou provenant de grossistes
Les grossistes sont définis par l’article L441-1-2 du Code de commerce comme :
« toute personne physique ou morale qui, à des fins professionnelles, achète des produits à un ou à plusieurs fournisseurs et les revend, à titre principal, à d’autres commerçants, grossistes ou détaillants, à des transformateurs ou à tout autre professionnel qui s’approvisionne pour les besoins de son activité. Sont assimilés à des grossistes les centrales d’achat ou de référencement de grossistes.
Sont exclus de la notion de grossiste les entreprises ou les groupes de personnes physiques ou morales exploitant, directement ou indirectement, un ou plusieurs magasins de commerce de détail ou intervenant dans le secteur de la distribution comme centrale d’achat ou de référencement pour des entreprises de commerce de détail ».
Le régime applicable aux conditions générales des grossistes est donc le régime général de l’article L441-1 du Code de commerce.
Les grossistes ainsi définis sont exclus des dispositions de l’article L441-1-1 du Code de commerce : les conditions générales de vente n’ont donc pas à présenter un prix avec une ventilation de la part du prix des matières premières agricoles composant le produit.
V. Les observations relatives aux conditions générales de vente reçues
L’article L441-4 du Code de commerce précise que :
« Le distributeur dispose d'un délai raisonnable à compter de la réception des conditions générales de vente pour motiver explicitement et de manière détaillée par écrit son refus de ces dernières ou son acceptation ou, le cas échéant, les dispositions des conditions générales de vente qu'il souhaite soumettre à la négociation ».
Il est vivement conseillé de répondre de manière écrite et argumentée aux contestations de l’acheteur afin qu’un éventuel silence ne puisse être interprété comme une acception. Ces écrits établiront par ailleurs un éventuel abus à la lumière des conditions qui auront été fixées dans la convention unique.
Les conditions générales de vente communiquées par le fournisseur pourront également servir de base à ce dernier pour motiver ses réserves concernant les projets de conventions transmis par ses clients.
Rappelons qu’en application de l’article 1 104 du Code civil, les négociations doivent menées de bonne foi entre les parties.
Plus spécifiquement, l’article L.442-1 I 5° du Code de commerce sanctionne quant à lui le fait de ne pas avoir mené de bonne foi les négociations commerciales conformément à l'article L. 441-4, ayant eu pour conséquence de ne pas aboutir à la conclusion d'un contrat dans le respect de la date butoir prévue à l'article L. 441-3. Cette disposition s’applique donc aux seules relations entre fournisseur et distributeur portant sur des produits de grande consommation visés à l’article L441-4 du Code de commerce.
VI. La finalisation des négociations
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La convention écrite
Si les négociations aboutissent favorablement, vendeur et acheteur devront conclure une convention récapitulant les conditions particulières de vente convenues entre eux. Le contenu de cette convention sera lui aussi encadré par les dispositions du code de commerce, et variera en fonction du type de produits objets de la convention et de la qualité des parties à l’accord (cette convention fera l’objet d’un prochain article).
Si en revanche aucune convention n’a pu être conclue au 1er mars, ou dans les deux mois du début de de la commercialisation pour les produits, la loi Egalim 3 a mis en place un dispositif expérimental pour trois ans laissant la possibilité au fournisseur de choisir entre
- mettre fin à la relation en cours avec le distributeur sans que ce dernier puisse invoquer la rupture brutale des relations commerciales établies,
- demander l’application d’un préavis conforme aux dispositions de l’article L442-1 du Code de commerce.
Les parties peuvent aussi saisir la médiation des relations commerciales agricoles ou des entreprises pour conclure, avant le 1er avril un accord fixant les conditions d’un préavis.
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La convention logistique
Depuis 2023, les obligations réciproques en matière de logistique doivent quant à elles faire l’objet d’une convention dédiée dont la conclusion n’est pas soumise à la date butoir du 1er mars 2025. De même l’arrivée à échéance de cette convention logistique ne saurait constituer un motif de résiliation de la convention récapitulative des négociations.
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Si les conditions générales de vente ne sont que la première étape du processus des négociations commerciales, qui ont vocation à s’achever par la conclusion de conventions entre vendeur et acheteur, ce document n’en constitue pas moins un élément important des pourparlers commerciaux qu’il convient de ne pas négliger.
Toute l’équipe est à votre disposition pour mettre à jour vos CGV.


