Vendredi 2 mai dernier a été promulguée la loi n° 2025-391 du 30 avril 2025 dite « loi DDADUE 5 », qui était attendue notamment pour ses modifications apportées à la réglementation CSRD transposée en droit français par l'ordonnance n° 2023-1142 du 6 décembre 2023.
Les modifications apportées à la réglementation française en matière de CSRD à travers ce texte s’inscrivent dans le cadre plus global des évolutions apportées au dispositif de la CSRD au niveau européen à travers le « paquet Omnibus I » qui visait à simplifier, alléger et clarifier une réglementation jugée trop complexe par un grand nombre de sociétés concernées par ce dispositif sur le territoire européen.
Cette modification législative est l’occasion de faire un point sur les modifications intervenues à ce jour au niveau français et européen et sur les évolutions à venir :
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Report de 2 ans de l’obligation de publier le rapport de durabilité pour les sociétés non encore soumises à cette obligation à date, tant au niveau français qu’européen
Dans le cadre des mesures de simplification européennes annoncées et présentées le 26 février 2025 par la Commission européenne, le Parlement européen et le Conseil ont adopté la première directive dite « Stop the clock », entrée en vigueur le 17 avril 2025, qui reporte de deux années l’entrée en application des obligations de la directive (UE) 2022/2464 (CSRD) pour les grandes entreprises qui n’ont pas encore commencé à les mettre en œuvre, ainsi que pour les PME cotées (étant précisé que les États membres ont l’obligation de transposer cette directive dans leur législation nationale au plus tard le 31 décembre 2025).
Au niveau français, la loi DDADUE 5 permet donc à date d’aligner le droit interne sur le droit européen, sur le calendrier de mise en œuvre de la CSRD.
L’article 7 de la loi DDADUE vient modifier l’article 33 de l’ordonnance n°2023-1142 du 6 décembre 2023 afin de reporter de deux ans l’entrée en vigueur des dispositions législatives et réglementaires transposant en droit français les obligations issues de la Directive « CSRD » pour les entreprises dites des « vagues » 2 et 3.
Ainsi, en pratique :
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Vague 2 : Les grandes entreprises franchissant au moins deux des trois seuils susvisés (CA HT de plus de 50 millions d’euros, total de bilan de plus de 25 millions d’euros ou effectifs supérieurs à 250) et les sociétés consolidantes ou combinantes d'un grand groupe au sens des articles L. 230-1 et L. 230-2 du code de commerce seront tenues d’établir leur premier rapport de durabilité en 2028 sur les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2027 ;
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Vague 3 : les PME cotées (ainsi que les établissements de crédit de petite taille et non complexes) seront tenues d’établir leur premier rapport de durabilité en 2029 sur les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2028.
Il convient de noter que ce report calendaire ne concerne ni les sociétés de la vague 1 (grandes entreprises déjà assujetties à la NFRD[1] et tenues de publier leur premier rapport de durabilité à partir de 2025) ni celles de la vague 4 (entreprises ou groupes d’entreprises issues de pays hors de l’UE pour lesquelles le premier rapport de durabilité devra intervenir en 2029 et portera sur les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2028).
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Aménagement temporaire, au niveau français, du contenu du rapport : possibilité pour les entreprises soumises à l’obligation de publication du rapport de durabilité d’omettre certaines informations
En outre, l’article 7 de la loi DDADUE 5 permet aux entreprises tenues de publier les informations de durabilité afférentes aux trois premiers exercices ouverts à compter du 1er janvier 2024 (vague 1) :
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d’omettre certaines informations mentionnées à l’appendice C de l’ESRS 1 annexé au règlement délégué (UE) 2023/2772 et ;
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d’omettre, après avis dûment motivé du conseil, du directoire ou du gérant, certaines informations de nature à nuire gravement à la position commerciale de la société du rapport déposé au greffe du tribunal de commerce (Secret des affaires) à condition que celle-ci ne fasse pas obstacle à la compréhension juste et équilibrée de la situation de la société et des incidences de son activité et que ces informations soient transmises à l’Autorité des marchés financiers.
Comme rappelé dans l’étude d’impact du projet de loi DDADUE 5, l’entrée en vigueur de ladite loi doit permettre aux acteurs concernés une mise en œuvre simplifiée et optimisée de la réforme d’ampleur que représente la transposition de la directive CSRD.
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Suppression de certaines sanctions pénales attachées à la mission de certification des informations en matière de durabilité
Enfin, l’article 8 II de la loi DDADUE 5 supprime :
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la sanction pénale (de deux ans de prison et 30.000 euros d’amende) (art. 8 II 4° et 5° modifiant l’article L. 821-6 du code de commerce) à la charge du dirigeant :
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qui n’aurait pas provoqué la désignation d'un commissaire aux comptes inscrit sur la liste mentionnée au II de l'article L. 821-13 ou d'un organisme tiers indépendant inscrit sur la liste mentionnée à l'article L. 822-3,
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qui n’aurait pas convoqué le commissaire aux comptes désigné pour exercer la mission de certification des informations en matière de durabilité à toute assemblée générale de ladite entité,
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le délit d’entrave (sanctionné d'un emprisonnement de cinq ans et d'une amende de 75 000 euros) applicable au dirigeant d'une personne morale ou de toute personne ou entité au service d'une personne ou entité ayant un organisme tiers indépendant ou un commissaire aux comptes désigné pour exercer la mission de certification des informations en matière de durabilité, qui ferait obstacle aux vérifications ou contrôles des auditeurs des informations en matière de durabilité ou de leurs experts, ou leur refuserait la communication sur place de toutes les pièces utiles à l'exercice de leur mission et, notamment, de tous contrats, livres, documents comptables et registres de procès-verbaux (Art. L. 822-40 C. com. abrogé par art. 8, II., 20° et Art. L. 821-6 C. com. modifié par art. 8, II., 4° et 5°).
Il convient toutefois de relever que le délit d’entrave est maintenu à l’égard du commissaire aux comptes pour sa mission de certification des comptes (Art. L. 821-6 C. com. modifié par art. 8, II., 4° et 5°).
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Aménagements en cours de discussion au niveau européen quant au champ d’application de l’obligation de publication et au contenu du rapport de durabilité
D’autres évolutions demeurent toujours en cours de discussion au niveau européen et devraient être débattues devant le Parlement et le Conseil au cours de l’année 2025 (la Commission ayant sollicité des travaux accélérés sur ces sujets), dans le cadre du projet de directive « Content » second volet du paquet Omnibus, étant précisé qu’en cas d’adoption au niveau européen, ces évolutions devront ensuite faire l’objet d’une transposition dans les droits nationaux des pays de l’UE :
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Modification des conditions de seuils : les seuils conditionnant l’application obligatoire de la CSRD seraient revus dans la perspective de limiter le nombre d’entreprises soumises. En particulier, comme proposé dès février dernier par la Commission, les exigences de reporting ne s'appliqueraient plus qu'aux grandes entreprises cumulant le respect de deux conditions :
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Un effectif de plus de 1 000 salariés[2] ;
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et soit un chiffre d'affaires supérieur à 50 millions d'euros, soit un total de bilan supérieur à 25 millions d'euros.
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Définition d'un cadre volontaire de reporting : pour les entreprises qui n’entreront pas dans le champ d’application légale de la CSRD (en particulier les entreprises de moins de 1000 salariés), il est prévu que la Commission adopte par acte délégué une norme de reporting volontaire, basée sur les normes dites « VSME » développées par l'EFRAG et présentées par cette dernière à la Commission européenne fin 2024 (à l’issue de consultations publiques et de tests conduits sur 2024).
Notons qu’à ce jour, nombres d’entreprises, qui bénéficient du report de 2 ans, mais qui avaient anticipé et investi le sujet du reporting de durabilité, s’intéressent de près à ces normes VSME, et envisagent d’établir sur cette base un rapport volontaire sur leurs informations en matière de durabilité.
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Limitation des informations devant être reportées dans le cadre de la chaîne de valeur : seules les informations du cadre de reporting volontaire (i.e cadre «VSME ») pourront être demandées par les entreprises concernées par la CSRD et souhaitant obtenir des informations de leurs entreprises de leur chaîne de valeur n’entrant pas dans le périmètre de la CSRD.
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Simplification des normes ESRS : la Commission veut réviser les normes européennes de reporting, les ESRS, afin d’une part de réduire significativement le nombre de points de données requis d’autre part de clarifier les exigences de reporting. Ce dernier volet devrait intervenir postérieurement à l’adoption par le Parlement et le Conseil des modifications susvisées. L’EFRAG, en charge de l’établissement du standard de normes E.S.R.S, devra remettre à la Commission Européenne, au plus tard le 31 octobre 2025, un projet révisé du premier standard de normes. Les normes révisées devront permettre d’exprimer des déclarations de durabilité pertinentes et utiles à la prise de décision, en privilégiant le quantitatif sur le narratif et en veillant à réduire substantiellement l’effort de reporting et le nombre de points de données obligatoires.
[1] Ie. grandes entreprises ou les sociétés consolidantes ou combinantes d'un grand groupe, au sens des articles L. 230-1 et L. 230-2 du code de commerce, dont le nombre moyen de salariés employés au cours de l'exercice est supérieur à 500 et dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé ou qui sont des établissements de crédit au sens de l'article L. 511-1 du code monétaire et financier.
[2] Ce seuil reste susceptible de modification à la hausse ou à la baisse dans le cadre du projet de Directive Content
Lien vers la Loi DDADUE 5 : LOI n° 2025-391 du 30 avril 2025 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes
Lien vers l’étude d’impact du projet de loi DDADUE : Etude


