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Parole d'expert
02 février 2021

Mobilité internationale et Covid-19 – Impacts sur la résidence fiscale et le droit d’imposition de la rémunération

L’appréciation de la situation fiscale des collaborateurs en situation de mobilité internationale suppose nécessairement que soit traitée la question leur résidence fiscale pour en tirer alors les conséquences applicables en matière de droit et modalités d’imposition de leur rémunération.

Pour rappel les résidents fiscaux de France y sont soumis à une obligation fiscale illimitée : s’agissant de la rémunération, cela revient à devoir déclarer en France aussi bien la rémunération qui récompense une activité professionnelle exercée en France (rémunération de source française) ou à l’étranger (rémunération de source étrangère). Toutefois, s’agissant de la rémunération de source étrangère, celle-ci peut schématiquement être soit pleinement imposable à l’étranger ou soit pleinement imposable en France en fonction de la lecture de la fameuse « clause des missions temporaires » contenues dans les conventions fiscales internationales. S’agissant des non-résidents fiscaux de France, ils sont pour leur part soumis à une obligation fiscale limitée à leurs seuls revenus de source française ce qui, à l’égard de la rémunération, désigne celle perçue en récompense d’une activité professionnelle exercée en France. Toutefois, si par défaut toute rémunération de source française perçue par un non-résident fiscal de France est imposable en France en application du droit interne, il est parfaitement envisageable que celle-ci ne soit in fine pas imposable en France si une convention fiscale venait retirer à la France le droit d’imposer la rémunération de source française au profit de l’Etat de résidence fiscale.

Que ce soit s’agissant de l’analyse de la résidence fiscale ou de celle du droit et modalités d’imposition de la rémunération, pareilles analyses doivent bien entendu s’effectuer au cas par cas en fonction des faits et circonstances propres à chaque situation.

Or avec la pandémie actuelle du Covid-19 nous constatons qu’un nombre important de changements notables ont pu impacter les missions passées, en cours et à venir : il peut s’agir de rapatriements prématurés (provisoires ou définitifs, concernant tout ou partie de la famille), de restructuration de l’activité professionnelle (changements ou aménagements des fonctions, licenciements, activité partielle etc…), de nouvelles formes d’exercice de l’activité (télétravail, « virtual assignment » par exemple). La liste est ici loin d’exhaustive tant sont disparates les situations que l’on peut rencontrer en pratique… Dans ce contexte il convient d’être tout particulièrement vigilant car avec le ou les changement(s) de situations lié(s) en particulier au Covid-19, cela peut alors aussi modifier l’analyse de la résidence fiscale et/ou du droit et modalités d’imposition de la rémunération entre les Etats concernés (sans oublier les potentiels impacts en matière de régime de sécurité sociale applicable).

Il est vrai que les autorités françaises et étrangères ont pu adopter des mesures visant à tenir compte des effets du Covid-19, en particulier s’agissant du régime spécifique des travailleurs frontaliers (cf. notre autre rubrique dédiée à ce sujet). Les autorités fiscales françaises ont aussi pu donner des précisions s’agissant des séjours temporaires en France liés au confinement ou à des restrictions de circulation (« travel ban » décidées dans l’Etat de résidence), séjours temporaires qui ne devraient pas être de nature à caractériser une domiciliation fiscale en France. Toutefois, à noter qu’il s’agit ici de mesures visant une catégorie spécifique de contribuables (les frontaliers) ou encore certains cas liés à la force majeure (pour les cas de séjours « forcés » en France) : ces précisions sont donc loin de couvrir tous les cas envisageables, loin de là…

Dans ces conditions, il est intéressant de noter que l’OCDE a publié en avril 2020 des commentaires visant à fournir des « orientations » aux pays confrontés à ces nouvelles formes de mobilité internationale : en substance, les gouvernements sont invités à une « coordination exceptionnelle » en vue d’assurer une position cohérente et symétrique. Quand on sait que dans la pratique les collaborateurs (et leur employeur) sont supposés se conformer spontanément à la réglementation fiscale applicable, tout l’enjeu ici est de s’assurer que les cas de « mobilité pandémique » sont correctement appréhendés et ce en tenant compte à la fois des circonstances propres à chaque individu concerné (circonstances personnelles et professionnelles), de la législation interne de chaque pays concerné, de la convention fiscale internationale applicable mais aussi (et surtout) de la façon de l’interpréter de façon cohérente et symétrique.