
En matière de droit de la concurrence, l’actualité est notamment marquée par le document-cadre de l’Autorité de la Concurrence du 24 mai 2022 sur les programmes de conformité en droit de la concurrence. Est-ce que vous pouvez nous rappeler le contexte de ce document et ses grandes lignes ?
FP : Ce document remplace celui de 2012 (sur les programmes de conformité aux règles de concurrence). Avec ce nouveau document-cadre, l’Autorité s’autorise à moduler la sanction des entreprises en fonction de l’existence et de la valeur de leur programme de conformité. Cette «guideline» incite les entreprises à construire leur démarche de conformité, au moyen d’un outil de « risk management » cité par l’ADLC : la « cartographie des risques ». Grâce à cet outil, l’entreprise construit son programme de conformité en fonction des risques qui lui sont propres. La nouveauté, c’est que l’ADLC leur demande, pour la première fois, de gérer le droit de la concurrence par les risques. L’autorité ne leur impose néanmoins pas de méthode de cartographie. Elles sont donc libres de choisir celle qui leur convient sur la base des normes existantes, notamment la norme ISO 31000..
Ce document introduit une nouvelle approche de la gestion de la concurrence par les risques. Qu’en est-il et qu’est-ce que cela implique pour les entreprises ?
PG : Le document-cadre invite les entreprises à adopter une nouvelle approche de gestion du droit de la concurrence par les risques. Avant le document cadre de 2022, elles devaient se conformer aux règles de concurrence en adoptant des dispositifs préventifs et curatifs. Aujourd’hui, l’ADLC demande aux entreprises d’intervenir plus en amont en établissement une cartographie des risques qui leur permettra d’adopter un programme de conformité parfaitement sur-mesure et adapté. L’avantage pour les entreprises est d’allouer efficacement leurs ressources à des risques qui ont été objectivement identifiés.
Comment accompagnez-vous vos clients dans la mise en place de cette démarche ? Quels sont les résultats et les objectifs attendus ?
FP : Nous proposons une démarche atypique à nos clients (directions juridiques, des risques, Compliances officers, CEO ou Directions générales). Elle est issue de la combinaison de notre spécialité en droit de la concurrence et de notre expertise méthodologique en matière de cartographie des risques. Notre approche s’appuie sur 3 grandes étapes :
- L’analyse du risque brut d’exposition de l’entreprise aux infractions aux règles de concurrence, par l’analyse de ses activités, de ses pratiques, de sa gouvernance, de ses parties prenantes. Cette première étape s’appuie notamment sur une analyse documentaire et sur des entretiens. Elle conduit à une notation des risques bruts fondée d’une part sur la vraisemblance de leur réalisation et, d’autre part, sur leur impact financier, réputationnel,… ;
- L’analyse de la robustesse des dispositifs de gestion des risques d’exposition aux infractions aux règles de concurrence existants au sein de l’entreprise (procédures et formations spécifiques mises en place par l’entreprise, effectivité de ces procédures). Cette seconde étape s’appuie également sur une analyse documentaire et des entretiens. Plus ces dispositifs sont robustes et efficaces, plus les risques nets seront faibles.
- Cette cartographie des risques, présentée sous forme d’une matrice de chaleur, outil graphique et visuel, permet de déterminer les zones à risques qui nécessitent l’adoption d’un plan d’actions (mesures de conformité et de et un suivi).
- Cette cartographie des risques et ce plan d’actions sont validés avec la Direction Générale de l’entreprise.
L’objectif est ainsi de proposer un programme de conformité sur mesure en fonction des risques identifiés pour prévenir et empêcher leur réalisation. Il s’agit donc d’une approche anticipative plutôt que curative.
PG : Nous avons développé cet outil original et spécifique à Fidal en conformité à la norme ISO 31000. Cet outil offre ainsi aux Directions Générales et juridiques un moyen de pilotage des risques en droit de la concurrence, dispositif d’aide à la décision et à l’allocation efficace des ressources internes.
Quelle est la pertinence de se lancer dans cette démarche et quelle est la valeur ajoutée de l’accompagnement d’un cabinet comme le vôtre sur cet enjeu ?
PG : La mise en place de cet outil est simple et rapide et permet de disposer d’un programme de conformité adapté et sur-mesure, en ne mobilisant que les ressources nécessaires.. Le process de cartographie des risques que nous proposons permet également aux équipes internes de prendre conscience des risques en droit de la concurrence et de participer à la diffusion de la culture du droit de la concurrence.
FP : Les dirigeants d’entreprises doivent mettre en balance le coût de l’investis-sement de conformité impliquant les actions décrites dans le document-cadre et celui induit par une infraction (sanction financière, impact réputationnel, dommages & intérêts aux victimes). Ce coût de la non-conformité est l’argument de dissuasion majeur de l’ADLC. En s’autorisant désormais, avec le document-cadre de 2022, à moduler ses sanctions en fonction de l’existence et de la qualité du programme de conformité dont disposent les entreprises, elle boucle la boucle entre ses rôles de censeur et de régulateur. L’investissement dans la conformité doit s’avérer rentable. Il permet, par la méthode de cartographie, d’identifier les risques et de les traiter avec des mesures de conformité efficaces et de disposer d’un outil interopérable avec ceux que possède déjà l’entreprise en matière de santé sécurité, en matière d’anti-corruption, en matière de blanchiment….
Quels sont les conseils ou les pistes de réflexion que vous pourriez partager avec nos lecteurs à ce sujet.
PG : Dans une période d’inflation et de hausse générale des couts internes, la cartographie des risques d’exposition aux infractions en droit de la concurrence permet non seulement d’identifier les risques réels nets de l’entreprise, mais surtout d’allouer de façon optimale les ressources existantes pour adopter un programme de conformité efficace, sans augmentation de celles-ci.
FP : Dans notre démarche, nous recherchons non pas l’existence d’une infraction mais bien celle d’un risque qui peut engendrer de lourdes sanctions. Notons que l’ADLC est en perpétuelle innovation. Il n’existe pas de liste exhaustive d’infractions aux règles de concurrence. On constate aujourd’hui que les services d’instruction de l’ADLC élargissent la définition des paramètres de concurrence, de sorte que si les acteurs économiques venaient à coordonner leurs compor- tements sur ces paramètres, ils s’exposeraient potentiellement à des poursuites de leur part.. Grâce à notre double compétence (spécialisation en droit de la concurrence et approche méthodologique de la conformité par la cartographie des risques), nous pouvons suivre ces évolutions et aider les entreprises à maîtriser ces risques. Ainsi, nous encourageons les entreprises à mettre en place ce processus dynamique de nature à leur permettre une conformité sur le long terme.

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