L’entreprise face au contrôle fiscal : une histoire ancienne qui ne s’arrête pas mais dont les contours se modernisent
auteurs
Philippe Marchand Avocat Directeur Associé
Parole d'expert
16 juin 2025

L’entreprise face au contrôle fiscal : une histoire ancienne qui ne s’arrête pas mais dont les contours se modernisent

Loin d’être une simple formalité ou une menace aléatoire, le contrôle fiscal s’inscrit dans une logique de justice et d’efficacité, portée par un arsenal juridique et technologique en constante modernisation. 

À la croisée des principes constitutionnels, des obligations déclaratives et de l’intelligence artificielle, ce contrôle devient un rendez-vous stratégique pour les entreprises, à anticiper et à encadrer avec méthode.

Le contrôle fiscal de votre entreprise : une situation qui doit de moins en moins au hasard

Pour affiner le ciblage des fraudes, la DGFiP a développé de 2013 à 2022 le projet CFVR « ciblage de la fraude et valorisation des requêtes », visant à croiser des données multiples via des modèles statistiques. 

En 2023, 56 % des contrôles fiscaux ont été ciblés par l’intelligence artificielle. Un service dédié pilote cette programmation, qui a permis de prononcer 15,2 milliards d’euros de droits et pénalités, dont 10,6 milliards recouvrés. Dans le cadre de la lutte contre la fraude fiscale, la DGFiP renforce ses moyens humains, adapte l’organisation des services, modernise ses outils de contrôle et intensifie sa coopération avec d’autres administrations. 

Ainsi donc, le contrôle fiscal d’une entreprise n’est ni systématique ni arbitraire. Les entreprises relevant de la Direction des vérifications nationales et internationales (DVNI) sont contrôlées en moyenne tous les 7 ans, et les très grandes entreprises environ tous les 4 ans, en raison de la complexité de leurs opérations et des enjeux financiers. 

Pour les PME, la décision de contrôle dépend des informations disponibles ou recueillies par l’administration, et les contrôles y sont moins fréquents.

Comment mon entreprise peut-elle être « sélectionnée » pour être contrôlée ?

La programmation du contrôle fiscal des entreprises repose de plus en plus sur une mobilisation efficace des informations de toute nature dont dispose la DGFiP. Le contrôle sur place débute par une analyse approfondie du dossier fiscal de l’entreprise, fondée sur les déclarations transmises et les données disponibles. 

La DGFiP mobilise pour cela l’ensemble des informations à sa disposition, appuyée par des outils numériques de recoupement et d’analyse. En amont d’un contrôle fiscal, l’administration sollicite souvent des demandes de renseignements écrites auprès des entreprises concernées ou des informations auprès de tiers. Dans bien des cas, les explications fournies suffisent à lever les doutes ; sinon, une vérification sur place peut être engagée. 

Par ailleurs, certains signaux peuvent alerter l’administration : écarts entre les déclarations et les données détenues, incohérences internes, anomalies sectorielles ou absence de déclaration. Le data mining, en exploitant les données fiscales via des méthodes statistiques, permet très clairement d’automatiser et d’optimiser la sélection des dossiers à contrôler.

Le contrôle fiscal : une procédure encadrée et le plus souvent assortie de garanties en faveur de l’entreprise contrôlée

S’il existe différentes typologies de procédures de contrôle fiscal, la procédure de rectification contradictoire, la plus courante, garantit les droits du contribuable : information préalable, possibilité de réponse, recours hiérarchiques ou devant des commissions. 

Son non-respect peut invalider tout ou partie du contrôle. Le droit de reprise de l’administration est en principe limité à 3 ans, mais peut être réduit à 1 an ou étendu à 10 ans en cas d’activité occulte. Si aucun redressement n’est retenu à l’issue du contrôle, l’entreprise en est avisée. 

En cas de redressement, celui-ci doit être motivé et chiffré (droits, intérêts, pénalités). Dans ce dernier cas, si le désaccord persiste, l’affaire peut, ultérieurement, être portée devant le juge de l’impôt compétent.

Les erreurs à ne pas commettre avant et pendant un contrôle fiscal

AVANT

Négliger votre documentation

Cela peut éveiller la suspicion de l’administration et entraîner des investigations supplémentaires. 

Il est donc essentiel de conserver des documents clairs, complets et bien organisés pour répondre efficacement aux demandes préalables à tout contrôle.

Ne pas se préoccuper des délais

Cela peut vous faire perdre des opportunités de recours ou de prescription. 

Être réactif et anticiper les demandes est essentiel, car une mauvaise communication avec l’administration peut déclencher un contrôle.

Sous-estimer les risques

Identifier ses points faibles permet d’anticiper d’éventuels redressements. 

Un audit fiscal régulier aide à mieux se préparer à toute demande ou contrôle.

PENDANT

Répondre trop vite au vérificateur

Même les questions les plus simples sont rarement anodines. 

Il est donc essentiel de centraliser les demandes, consulter un avocat pour formuler des réponses réfléchies, et conserver une trace écrite de tous les échanges.

Ne pas désigner un interlocuteur unique

Cela peut conduire à communiquer des réponses contradictoires, sans maitrise des informations communiquées. 

Pour éviter toute confusion, il est recommandé de nommer un ou deux référents chargés des échanges avec le service vérificateur.

Rester spectateur d’un contrôle fiscal informatisé

Il est essentiel de faire relire les réponses techniques par un avocat fiscaliste, participer à l’élaboration du cahier des charges, vérifier la faisabilité des traitements demandés et, si possible, en assurer l’exécution en interne pour garder la maîtrise des données, pour rester en somme acteur du contrôle.

Un contrôle fiscal peut survenir à tout moment. 

Pour y faire face sereinement, il est essentiel de l’anticiper. Sa gestion, souvent complexe et source de stress, nécessite une préparation rigoureuse.