Nous vous avions informé en septembre dernier de la création par la loi ESSOC d’un mécanisme de rescrit juridictionnel.
Par ce biais, le législateur entend sécuriser les opérations complexes en offrant au juge administratif, saisi d’une demande en ce sens, le pouvoir d’examiner la régularité de la procédure ayant conduit à l’édiction d’une autorisation en dehors de tout contentieux. Cette demande en appréciation de régularité aura pour effet de purger toutes les irrégularités tenant à la forme de la décision.
Le décret d’application auquel revoyait la loi ESSOC est paru le 4 décembre 2018.
On y apprend que seront essentiellement concernées les procédures d’acquisition forcées d’immeubles, et notamment les expropriations.
Le régime procédural de la demande en appréciation de régularité est également précisé :
- La demande devra être formulée par un mémoire distinct, limité à cette demande et accompagné de la décision administrative nonréglementaire concernée ;
Bien que cela ne soit pas précisé, nous pensons que ce mémoire devra être accompagné des pièces nécessaires à l’examen de la régularité de la procédure d’élaboration de la décision administrative.
Le décret ne précise pas plus si l’auteur de la demande doit lister l’ensemble des moyens qu’il entend soumettre au juge ou si celui-ci exercera son contrôle de façon autonome et donc exhaustive. Cette dernière hypothèse devrait s’appliquer selon nous, sauf à priver le recours en appréciation de régularité de son utilité.
- L’autorité administrative auteur de la décision devra opérer une publicité de cette demande, dans les mêmes conditions que celles applicables à la décision en cause, et dans le délai d’un mois à compter du dépôt de la demande, sous peine d'inopposabilité aux tiers de la décision du juge.
- Les tiers souhaitant intervenir à la procédure devront le faire dans un délai de deux mois suivant la date à laquelle la publicité susvisée est intervenue ;
- Le tribunal administratif doit statuer dans un délai de six mois suivant le dépôt de la demande ;
- La décision rendue par le Tribunal administratif peut faire l’objet d’un pourvoi en cassation.
Les Tribunaux désignés pour expérimenter cette procédure sont ceux de Bordeaux, Montpellier, Montreuil, Nancy.
Une incertitude demeure quant à l’office du juge s’agissant de déterminer quels moyens ressortissent à la légalité externe, et partant l’étendue de son contrôle. La jurisprudence traditionnelle considère que constituent des moyens de légalité externe l’ensemble des griefs concernant le processus d’élaboration de la décision administrative, ce qui inclut notamment le déroulé de l’enquête publique mais aussi, et par exemple :
- la suffisance de l’étude d’impact ;
- le contenu du dossier de DUP ;
Espérons que les porteurs de projets géographiquement concernés s’emparent de cette nouvelle procédure, dans l’attente de son extension à l’ensemble du territoire. Seule la mise en œuvre de cette demande en appréciation de régularité permettra en effet de déterminer l’étendue du contrôle opéré par le juge administratif et l’effectivité de cette procédure de « rescrit juridictionnel ».