
Comment les entreprises peuvent se préparer à toute éventualité
Après les nombreux rebondissements de cette guerre tarifaire initiée par le Président Trump lors de son second mandat, avec des premières mesures touchant le Canada, le Mexique, la Chine, mais également certains biens spécifiques tels que l’acier, l’aluminium et les produits dérivés, le Canada et la Chine ont à leur tour adopté des mesures concernant les produits américains.
Après les annonces du "Jour de la Libération" ayant eu lieu le 2 avril, durant lequel le Président avait mis en place des droits de douane allant de 10 % minimum à 34 % pour les produits chinois, 20 % pour les produits européens ainsi que la généralisation de droits de douane dans le monde touchant près de 80 pays avec des taux spécifiques en fonction des juridictions, le président Trump a initié un véritable bras de fer avec la Chine, notamment avec l’augmentation des droits de douane de 34 % à 84 %, puis à 125 %, s’ajoutant aux 20 % annoncés, portant le montant à 145 %. Il a cependant manifesté sa volonté de négocier malgré tout.
L’Union européenne a adopté, le 9 avril, une série de contremesures visant à taxer, à partir du 15 avril 2025, les produits américains, notamment les textiles, le tabac, les bateaux de luxe, les rétroviseurs, les motos, le bois, l’acier, les produits de beauté et de maquillage, l’électroménager, le plastique, les saucisses, le maïs, le riz ou encore les volailles.
Le même jour, le président Trump a annoncé une pause de 90 jours sur les mesures tarifaires réciproques de 11 % à 50 %. Cette suspension concerne 57 juridictions. Par conséquent, le tarif réciproque de 10 % sur tous les biens entrant dans le commerce américain reste en vigueur.
Depuis le "Jour de la Libération", le président Trump et la Maison Blanche ont déclaré qu'ils étaient ouverts à la négociation des termes commerciaux et non commerciaux avec les pays cherchant à suspendre les nouveaux tarifs réciproques de 10 % supplémentaires. Le Président Trump semble préférer les arrangements bilatéraux avec ce qu'il appelle des conditions "sur mesure" pour chaque pays.
À la suite de cette dernière annonce, la Commission européenne a salué la décision prise le 9 avril 2025 par le président américain Trump de suspendre pendant 90 jours la plupart des droits de douane réciproques imposés aux partenaires commerciaux des États-Unis, notamment l'Union européenne (UE). En revanche, les taxes américaines de 25 % sur l’acier et sur l’aluminium précédemment annoncées par les autorités américaines restent en vigueur.
Puis, vendredi 11 avril 2025, la Chine a répliqué en décidant la mise en place de droits de douane de 125 % sur les produits américains. Ce week-end, le Président Trump a décidé d’exempter certains produits électroniques (smartphones, ordinateurs portables…). Les produits semi-conducteurs et produits similaires seraient exemptés de droits de douane, mais cela pourrait changer dans un mois ou deux.
En attendant le prochain épisode de la guerre tarifaire, les entreprises peuvent se préparer à prendre les mesures nécessaires. En effet, les entreprises disposent d’un levier de décision essentiel : maîtriser les données douanières.
- Présentation des données douanières essentielles
L’actualité douanière mentionne des taux de droits de douane applicables. Mais comment sont calculés les droits de douane ? Pour cela, il est impératif de comprendre et de maîtriser trois notions fondamentales : l'espèce tarifaire, l'origine douanière et la valeur en douane. Ces éléments sont cruciaux pour déterminer le montant des droits de douane applicables.
Tout d’abord, l'espèce tarifaire, également connue sous le nom de classification tarifaire, désigne la catégorisation des marchandises selon le Système Harmonisé de Désignation et de Codification des Marchandises (SH). Cette classification permet de déterminer les droits de douane applicables à chaque produit, les sanctions, les droits anti-dumping et d’établir les statistiques du commerce extérieur. Le Système Harmonisé couvre 95 % du marché mondial. Par conséquent, les entreprises doivent déterminer l’espèce tarifaire de chaque référence. La précision de cette classification est essentielle pour éviter les erreurs de taxation et pour faciliter le dédouanement des marchandises.
Quant à l'origine douanière, cette notion fait référence au pays ou à la région où une marchandise a été produite ou fabriquée. Cette notion est primordiale car elle influence les droits de douane, les restrictions commerciales et les sanctions applicables. L'origine est déterminée selon des règles spécifiques, souvent basées sur le degré de transformation des matières premières. Une déclaration correcte de l'origine douanière est indispensable pour bénéficier des tarifs préférentiels et des exemptions de droits de douane. Par conséquent, les entreprises doivent déterminer l’origine douanière (préférentielle et non préférentielle) de chaque couple référence, pays de départ et pays de livraison.
Enfin, la valeur en douane représente le montant sur lequel les droits de douane sont calculés. Elle inclut principalement, selon la méthode transactionnelle (d’autres méthodes sont applicables dans un ordre déterminé), le prix de la marchandise ainsi que les coûts associés tels que le transport, l'assurance et les frais de manutention jusqu'à l'entrée dans le territoire douanier. Une évaluation précise de la valeur en douane, prenant en considération les incorporels, les prix de transfert et autres coûts associés, est cruciale pour sécuriser les informations déclarées.
La maîtrise des données, notamment l'espèce tarifaire, l'origine douanière et la valeur en douane, est indispensable pour toute entreprise engagée dans le commerce international afin de sécuriser les opérations douanières et d’optimiser les coûts.
- La douane, une donnée comme les autres ?
La quantité et la qualité de données d’origine réglementaire générées par les entreprises qui gèrent des flux douaniers, connait une croissance exponentielle dans l’Union européenne. Celle-ci résulte de multiplication des réglementations qui obligent les opérateurs économiques à communiquer des informations de plus en plus diverses et détaillées aux autorités. Par exemple, le Mécanisme d'Ajustement Carbone aux Frontières (CBAM) impose une tarification du carbone sur les produits importés, nécessitant des données détaillées sur les émissions de carbone générées sur le lieu de production du produit. Le règlement contre la déforestation exige des preuves que les produits n'ont pas contribué à la déforestation, impliquant une traçabilité précise des matières premières. De plus, le règlement sur le travail forcé interdit la mise sur le marché de produits issus du travail forcé, nécessitant des données sur les conditions de travail tout au long de la chaîne de production. D'autres réglementations, comme celles sur les minéraux de conflit (étain, tantale, tungstène et or) et les batteries, ajoutent des exigences supplémentaires du même ordre.
La modification du code des douanes de l'UE, en cours d'examen, prend acte de ce changement. Il prévoit en conséquence des mesures concernant les données. La plus emblématique est la création d’un Hub européen des données douanières (EU Customs Data Hub) pour centraliser, sous la supervision d’une autorité européenne, toutes les données déclaratives. Les données douanières qui alimenteront ce Hub seront collectées à partir des déclarations soumises par les entreprises. Ces données seront ensuite validées pour vérifier leur exactitude et leur conformité aux réglementations en vigueur. Cela permettra de créer une source unique et fiable d'informations douanières, facilitant ainsi l'accès et l'utilisation des données à toutes les parties prenantes autorisées que sont les autorités douanières nationales et, sous certaines conditions, les entreprises privées. En simplifiant l'accès aux données et en réduisant la complexité des procédures douanières, le Customs Data Hub permettra avant tout de diminuer les coûts administratifs pour les entreprises. Mais il pourrait aussi leur faciliter l’accès à une source d’information de valeur dans la gestion de leur flux. Ceci est facilité par l’existence d’un cadre européen sur la gouvernance des données.
La gestion des données détenues par les organismes publics est encadrée dans l’Union par le Data Governance Act (DGA), entré en vigueur en 2022. Ce règlement offre des opportunités pour optimiser la valeur des données collectées par les autorités publiques, dont font partie les douanes, au profit des acteurs économiques européens. Le DGA encourage les entités publiques à partager leurs données avec des acteurs privés. Il prévoit pour cela plusieurs mécanismes qui facilitent le partage, tout en garantissant la sécurité et la confidentialité des données lorsque nécessaire. Le DGA crée par exemple la fonction de fournisseur de services d'intermédiation de données. Ces organismes agissent comme des tiers de confiance garantissant la sécurité, la confidentialité et l'intégrité des données partagées. Le DGA établit aussi des règles pour la réutilisation de certaines catégories de données protégées détenues par des organismes du secteur public. Cela inclut des données à caractère personnelles et des données commerciales confidentielles qui peuvent être partagées sous certaines conditions. Ce cadre facilite ainsi l'accès à des informations précieuses pour les entreprises que sont les données douanières, économiques, environnementales etc. Les entreprises peuvent ainsi utiliser ces données de manière fiable pour améliorer leurs opérations.
Les règlementations européennes génèrent la production de nouvelles données douanières qu’il convient de valoriser. En ce sens, le Customs Data Hub offre une source unique et fiable pour les entreprises en centralisant et en qualifiant ces données. En parallèle le DGA permet aux autorités douanières de partager ces données avec des acteurs privés, facilitant ainsi l'accès à des informations précieuses. Cette synergie réglementaire doit permettre aux entreprises européennes de de développer de nouvelles stratégies douanières basées sur des données précises et à jour sur les marchés, les flux logistiques ou les enjeux sociaux et environnementaux des chaines de valeurs. En permettant aux entreprises d'accéder à ces données de haute qualité, ces règles ont le potentiel de renforcer l'innovation et la compétitivité. Il revient désormais aux entreprises de s’en saisir !

