Des richesses des réseaux de franchise pour surmonter la crise - Episode 3
Actualité
27 mai 2020

Des richesses des réseaux de franchise pour surmonter la crise - Episode 3

PARTIE 3 - ADAPTER ET SECURISER SES RELATIONS CONTRACTUELLES

Après la fin de la période d’urgence sanitaire, les têtes de réseau devront réfléchir à adapter et sécuriser les relations contractuelles avec leurs différents partenaires commerciaux et ce, afin de prendre en compte les conséquences de cette crise et, être à même de réagir plus efficacement lors de la prochaine crise. En ce sens, les têtes de réseaux devront agir à deux niveaux : d’une part, sécuriser leurs approvisionnements avec leurs fournisseurs et d’autre part, apporter les modifications contractuelles nécessaires au contrat de franchise et enfin, gérer les relations contractuelles individuelles avec certains de leurs franchisés.

1- Adapter sa chaîne d’approvisionnement et sécuriser ses relations fournisseurs

 Dans le cadre du premier niveau, il s’agira de réaliser un audit de ce qui a opérationnellement fonctionné ou non, et d’apporter les correctifs nécessaires permettant de structurer et de sécuriser les approvisionnements du réseau de franchise. Les difficultés, voire les ruptures d’approvisionnement et /ou la faillite de fournisseurs, exigeront de diversifier et/ou d’augmenter le nombre de fournisseurs référencés et/ou de relocaliser certaines productions. Elles pourront également entraîner la résiliation de certains contrats fournisseurs et dans cette hypothèse, il conviendra d’éviter toute rupture brutale des relations commerciales établies (article L.442-1 Code de commerce).

Il s’agit en réalité de repenser l’ensemble de la chaîne logistique afin d’être moins dépendants de l’extérieur même si cela peut avoir des conséquences en termes de coûts de production. Afin d’éviter les augmentations de prix qui pourraient impacter l’image de la marque, la tête de réseau pourra privilégier la communication de prix maximums plutôt que de prix conseillés à ses franchisés.

Par ailleurs, le franchiseur devra réfléchir à la mise en place d’une cellule de crise – si cela n’a pas été déjà fait – et à l’élaboration d’un plan de continuité d’activité. En la matière, il n’y a pas de solution unique. Chaque réseau devra adopter le process lui permettant de répondre, dans les plus brefs délais, à toute situation de crise identifiée

2- Adapter et sécuriser son contrat de franchise

Le contrat de franchise devra également évoluer afin de prévoir des règles claires et précises concernant la force majeure et/ou l’imprévision. En effet, les dispositifs légaux ne sont pas en tant que tels adaptés à la franchise et/ou présentent des risques juridiques pour celui qui l’invoque.

Ainsi, il pourrait être prévu une clause relative à la force majeure en précisant la procédure applicable, les évènements identifiés comme des cas de force majeure, la procédure d’information du cocontractant, le régime juridique applicable et l’effet de la force majeure ainsi que le sort du contrat de franchise.

De même, au lieu d’exclure l’imprévision, comme bon nombre de contrat de franchise le font, il pourrait être opportun de prévoir une clause d’imprévision précisant, notamment, les notions de changement de circonstances imprévisible et d’excessive onérosité, les modalités de la renégociation, son régime juridique et les conséquences de sa réussite ou de son échec.

Ces modifications contractuelles devraient être présentées et/ou validées par les représentants des franchisés afin que le réseau puisse réagir rapidement à toute situation de crise et se concentrer sur l’après-crise pour rebondir plus fort.

Par ailleurs, les réseaux de franchise devront, non seulement, assurer la protection de leur(s) marque(s) et autres signes distinctifs et savoir-faire, mais également réfléchir à la valorisation de ces actifs immatériels. En ce sens, la loi du 30 juillet 2018 (n°2018-670) relative au secret des affaires constitue un outil intéressant que les têtes de réseau pourraient s’approprier afin de valoriser ces actifs. Ces valorisations pourraient devenir indispensables, notamment lorsqu’elles s’inscriront dans la perspective d’opérations de fusions-acquisitions de réseaux qui pourraient avoir lieu dans les prochains mois.

3- Gérer les relations de franchise post-crise

Au-delà de ces adaptations contractuelles, les franchiseurs devront gérer les relations individuelles avec certains de leurs franchisés. D’une part, ils devront poursuivre les actions précontentieuses ouvertes à l’encontre de certains franchisés préalablement à la crise (a). D’autre part, il conviendra de régler le sort des contrats de franchise qui devaient être renouvelés pendant la crise sanitaire (b). Enfin, il devra être apporté une réponse spécifique aux franchisés, rencontrant des difficultés financières importantes, malgré, le cas échéant, les adaptations contractuelles négociées au niveau du réseau et les aides de l’Etat (c).

  • a- Concernant les relations avec certains franchisés qui avaient été mis en demeure d’exécuter leurs obligations contractuelles avant le 12 mars 2020, le législateur a prévu un report du cours et des effets des astreintes ou clauses pénales et résolutoires d’une durée égale au temps écoulé entre, d’une part le 12 mars 2020 ou, si elle est plus tardive, la date à laquelle l’obligation est née et, d’autre part, la date à laquelle elle aurait dû être exécutée (Art. 4 ord. n°2020-306 du 25 mars 2020). Ainsi, lorsqu’un franchiseur a mis en demeure son franchisé d’exécuter ses obligations sous peine de sanction, le 11 mars 2020 dans un délai de 15 jours, l’astreinte, la clause pénale ou résolutoire ne reprendront leur cours ou leurs effets qu’à compter du 8 juillet 2020, puisque le délai laissé au franchisé pour s’exécuter, a expiré entre le 12 mars et le 23 juin 2020 inclus (« période juridiquement protégée ») (ordonnance 2020-560 du 13 mai 2020), et que le franchisé ne s’est pas exécuté à cette date.

    En outre, concernant les astreintes et les clauses pénales qui avaient commencé à courir avant le 12 mars 2020, leur cours est suspendu pendant la période juridiquement protégée. Elles prendront effet dès le lendemain. Ainsi, le franchiseur, qui avait mis en demeure le franchisé d’exécuter ses obligations en demandant l’application d’une clause pénale ou d’une astreinte, qui avait pris effet avant le 12 mars 2020, devra attendre le 24 juin 2020 avant que l’astreinte reprenne son cours ou la clause pénale ses effets. Il convient de préciser, qu’en toute hypothèse, lorsque les astreintes auront pris cours ou les clauses (pénales, résolutoires ou de déchéance) produits leur effet avant le 12 mars 2020, le juge pourra y mettre fin s’il est saisi.

    Le rapport au Président de l’ordonnance n°2020-427 du 15 avril 2020 indique enfin que : « Les parties au contrat restent libres d'écarter l'application de cet article par des clauses expresses notamment si elles décident de prendre en compte différemment l'impact de la crise sanitaire sur les conditions d'exécution du contrat. Elles peuvent également décider de renoncer à se prévaloir des dispositions de cet article ». Ainsi, franchiseur et franchisé restent libre d’aménager les délais prévus par l’ordonnance.

    Si les mesures gouvernementales ont ainsi pour effet d’assurer une certaine stabilité des relations contractuelles durant la période juridiquement protégée, elles peuvent néanmoins générer des risques importants en termes d’impact au niveau de l’image et de la notoriété de l’enseigne. Ces situations devront donc être gérées par les têtes de réseau dans les meilleurs délais, dès la fin des périodes de suspension ou de prorogation octroyées par l’ordonnance.
     

  • b - Par ailleurs, les contrats de franchise prévoyant une tacite reconduction, sauf dénonciation dans un délai précisé au contrat, devant avoir lieu pendant la période juridiquement protégée, pourront être dénoncés entre le 24 juin et le 23 août 2020 inclus afin d’éviter leur renouvellement tacite. Bien entendu, les parties peuvent également dénoncer leur contrat avant ces dates puisque, comme le précise la circulaire, il s’agit de permettre « à la partie qui n’aurait pas pu résilier un contrat ou s’opposer à son renouvellement dans le délai imparti en raison de l’épidémie de covid-19, de bénéficier d’un délai supplémentaire pour le faire ». Pour les contrats renouvelés, il conviendra de remettre un document d’information précontractuel, mis à jour, et tenant compte des effets de la crise sanitaire sur le réseau. Il conviendra également de mettre à jour le DIP pour les nouveaux candidats du réseau.
     
  • c - Les franchisés, qui connaîtront le plus de difficultés financières, devront faire l’objet d’une assistance spécifique de la tête de réseau. Le franchiseur pourra, tout d’abord, aider ses franchisés en adaptant temporairement les conditions financières du contrat et/ou recourir au crédit inter-entreprises. Ce dernier a été introduit par la loi Macron du 6 août 2015 (n°2015-990) à l’article L.511-6, 3 bis du Code monétaire et financier et constitue une dérogation au monopole bancaire. Si la situation financière du franchiseur le permet (cf article R.511-2-1-2 1° et 2° du CMS), ces crédits inter-entreprises pourraient être octroyés à certains de leurs franchisés. Cette possibilité s’offrira aux têtes de réseau respectant les conditions fixées aux articles R.511-2-1-1 et R.511-2-1-2 du Code monétaire et financier. Ainsi, elles devront, notamment, s’assurer que les comptes de leur dernier exercice clos ont fait l’objet d'une certification par un commissaire aux comptes et le prêt devra être consenti, à titre accessoire à leur activité principale, et pour une durée de moins de trois ans. En outre, le montant en principal de l’ensemble des prêts accordés par une même entreprise au cours d’un exercice comptable ne pourra être supérieur à un plafond égal au plus petit des deux montants suivants : a) 50 % de la trésorerie nette ou 10 % de ce montant calculé sur une base consolidée au niveau du groupe de sociétés auquel appartient l'entreprise prêteuse ; b) 10 millions d'euros, 50 millions d'euros ou 100 millions d'euros pour les prêts accordés respectivement par une petite ou moyenne entreprise, une entreprise de taille intermédiaire ou une grande entreprise, selon les définitions de l'article 3 du décret n° 2008-1354 du 18 décembre 2008 relatif aux critères permettant de déterminer la catégorie d'appartenance d'une entreprise pour les besoins de l'analyse statistique et économique. Ce même montant en principal ne pourra pas non plus être supérieur au plus grand des deux montants suivants : a) 5 % de l’un des plafonds définis ci-dessus ; b) 25 % de l’un des plafonds définis ci-dessus dans la limite de 10 000 €.

    Le franchiseur ou le franchisé pourra également solliciter l’intervention d’un médiateur afin de trouver une solution amiable aux difficultés financières rencontrées. La médiation est, en effet, un outil très intéressant, notamment parce qu’elle est confidentielle, peu coûteuse et permet de répondre, dans des délais rapides, à une situation qui, en l’espèce, peut s’avérer très urgente. En ce sens, les parties pourront utilement saisir la Chambre de Médiation Franchiseur-Franchisé (M2F) mise en place par la Fédération Française de la Franchise.
    Dans le cas d’un échec de la médiation, le franchisé pourra demander des délais de grâce au juge dans la limite de deux années ainsi que la suspension des mesures de recouvrement forcé (Article 1343-5 c. civ ; article. 1244-1 C. civ).
    La mise en place d’un mandat ad hoc, d’une procédure de conciliation ou bien encore de sauvegarde pourrait être envisagée. Ces procédures permettent au chef d’entreprise de rester maître de la situation puisque, c’est lui – et lui seul – qui en demande l’enclenchement. Leur objectif est notamment de négocier un accord avec les principaux créanciers de l’entreprise afin d'obtenir des rééchelonnements de dettes, voire des annulations.

    Enfin, les franchisés pourraient être à l’initiative d’élan de solidarité envers leurs pairs plus en difficultés. Le franchiseur peut les y inviter dans le cadre des instances de dialogue ou groupes de travail créés à cet effet ce qui permettra de renforcer l’esprit réseau. Il est probable que la solidarité, dont le franchiseur fera preuve, constituera un élément de cohésion pour l’ensemble du réseau et incitera les franchisés à encore davantage de solidarité entre eux. Relevons que, d’ores et déjà, certains réseaux ont mis en place un fonds commun visant à soutenir les franchisés les plus fragiles. En outre, certaines Fédérations, dont la Fédération française de la franchise, demandent au gouvernement de reporter les soldes sur une période allongée ce qui permettrait d’écouler les stocks des commerçants, accumulés ces derniers mois, en limitant la détérioration de leurs marges. En attendant la position de la DGCCRF sur le sujet, les réseaux de franchise peuvent mettre en place des actions promotionnelles et de destockage dans le respect de la règlementation en vigueur.