Corporate & family office agricole
auteurs
Damien Filosa Juriste
Parole d'expert
14 avril 2025

Corporate & family office agricole

Le régime nouveau « augmenté » d’exonération d’impôt de transmission à concurrence de 75% de la valeur des actifs fonciers est arrivé !

Sale temps pour les exportateurs européens et français : la guerre économique ouverte par les Etats-Unis de Donald Trump les éprouvera sans conteste. Au premier rang d’entre eux, figurent bien entendu les acteurs du monde de l’Entreprise agricole que le Pôle « Viti-Vinicole, Spiritueux et Oléicole » de Fidal accompagne.

Dans ce contexte difficile, une évolution fiscale favorable, entrée en vigueur le 15 février 2025 et applicable aux transmissions pour lesquelles un bail rural à long terme a été conclu depuis le 1er janvier 2025 (1), mérite d’être signalée, et soulignée

Cette disposition permet en définitive de rapprocher le traitement applicable en matière de transmission d’entreprises agricoles, de celui qui l’est à l’ensemble des autres entités économiques. Simple justice, en somme, mais la mesure n’en est pas moins massive

Le Pôle « Viti-Vinicole, Spiritueux et Oléicole » Fidal Méditerranée vous livre son analyse, après une brève contextualisation.

[1] Les acteurs du secteur viti-vinicole attendent une mesure du PLF 2026, destinée à étendre l’application du dispositif « augmenté » aux transmissions qui, réalisées à compter du 16 février 2025, porteraient sur des biens loués en vertu de baux antérieurs au 1er janvier 2025Pour l’heure, la règle demeure celle d’une limitation de l’application du régime « augmenté » aux seules hypothèses où le bail à long terme est postérieur au 1er janvier 2025 (art. 70 de la L. n°2025-127 du 14 février 2025). 

1. – Contextualisation

Lorsqu’une entreprise sociétaire « classique » est transmise à titre gratuit – soit de manière intrafamiliale, soit à des salariés de confiance, soit même, à concurrence de « titres-clés », à un Fonds de Pérennité –, le régime « Dutreil » prévu par l’article 787 B du CGI est systématiquement mobilisé, afin de réduire de 75%, l’assiette de l’impôt de transmission. 

La raison de ce recours quasi-systématique au régime « Dutreil » est enfantine : à son défaut, la charge fiscale serait telle, que 90% des bénéficiaires de la transmission n’auraient d’autre choix que de vendre, pour payer l’impôt de succession ou de donation. Le régime « Dutreil » permet donc d’éviter les cessions contraintes, favorisant par là-même la stabilité, et l’ancrage des entreprises. 

De ce point de vue salutaire, le régime « Dutreil » est en revanche mal adapté à l’entreprise agricole. 

Plus exactement, s’il reste pertinent à l’égard de la société d’exploitation, de commercialisation, et d’exportation, il doit néanmoins être combiné avec un autre dispositif

L’entreprise agricole, et plus particulièrement encore les exploitants des secteurs viticole et spiritueux, doivent en effet composer avec une caractéristique propre à leur activité, qui tient au fait qu’une partie très significative de la valeur est localisée dans l’actif foncier, c’est-à-dire, pour ce qui nous intéresse au premier chef ici, dans les vignobles. 

C’est pourquoi le législateur a instauré une exonération d’impôt de transmission à concurrence de 75 % de la valeur des biens ruraux jusqu’à 600 000 € par bénéficiaire, puis à concurrence de 50 % au-delà de cette limite, sous la double réserve que (i) les biens en cause soient loués par bail rural à long terme, et que (ii) l’héritier ou le donataire prenne l’engagement de les conserver pendant cinq ans au moins. 

Désormais, et ce depuis le 15 février 2025, le plafond de 600.000 € par bénéficiaire peut être porté à 20 millions d’euros par bénéficiaire, sous réserve (i) que le bail rural à long terme ait été conclu à après le 1er janvier 2025, et que (ii) le bénéficiaire prenne dans l’acte de donation ou la déclaration fiscale de succession, l’engagement de conserver celui-ci pendant une durée totale de 18 ans

La possibilité d’augmenter le palier de 600.000 €, pour le porter à 20.000.000 € s’ajoute au dispositif « de droit commun » : c’est l’avènement en somme d’une version « nouvelle, et augmentée » d’un régime préexistant. 

2. – Les conseils du Pôle Viti-Vinicole, Spiritueux et Oléicole de Fidal Avocats :

Trois observations nous paraissent mériter d’être formulées, concernant le recours au « régime nouveau, augmenté ». 

- D’abord, lorsque la configuration s’y prête, la conclusion de baux ruraux à long terme « millésimés 2025 et suivants » doit être incitée, afin de donner une chance à l’exploitant agricole de recourir au régime de faveur « augmenté ». A défaut, l’exonération de 75% d’assiette restera cantonnée à 600.000 € d’actifs par bénéficiaire. 

 « Couvrir » les actifs qui ne le seraient pas, de baux « éligibles » à l’article 70 de la Loi de finances pour 2025, n’oblige en effet nullement le dirigeant ou l’exploitant à décider d’ « activer » immédiatement les obligations propres au régime nouveau « augmenté », porté à 20 millions d’euros d’actifs moyennant l’engagement de conserver les biens pendant 18 ans, à l’occasion d’une transmission à titre gratuit.

- Ensuite, en cas d’activation du « régime augmenté », c’est-à-dire si une transmission est réalisée et placée sous le bénéfice du nouveau texte, en faveur d’un héritier, ou d’un donataire – personne physique ou morale apparentée ou non avec l’auteur de la transmission –, la situation juridique des biens (le vignoble, en notre exemple), devra être exactement appréhendée :

 

- L’obligation fiscale de conservation ne crée pas une inaliénabilité qui placerait les biens en-dehors du « commerce juridique » ;

- Toutefois, une éventuelle cession onéreuse effectuée avant le terme de l’engagement fiscal induit un rappel des droits, et rend exigibles des pénalités de retard

 

La cession ultérieure n’est donc pas impossible, mais le bénéficiaire du régime « de faveur » supposera qu’il s’assure préalablement que le prix à dégager est suffisamment intéressant pour absorber la surfiscalité rétrospective de l’opération de transmission…

- Enfin, le choix entre les différents outils offerts en matière de transmission de sociétés liées au secteur agricole suppose, comme ailleurs, de mettre en balance, l’efficacité de la solution finalement retenue, et les contraintes qu’elle induit.

L’exonération propre aux actifs fonciers ou aux titres de sociétés foncières agricoles reste subsidiaire, par rapport au régime « Dutreil », dont le bilan « contraintes/ avantage » est inégalé. La première étape consiste donc à vérifier si la structuration (existante ou à organiser) ne permet pas tout simplement de « loger » les actifs au sein d’une holding susceptible d’acquérir un caractère animateur. 

Si ce caractère n’est ni acquis ni susceptible de l’être à moyen terme, le régime dit de l’interposition peut être revendiqué, sous réserve toutefois que la valeur des participations que la holding détient dans la ou les sociétés foncières n’excède pas celle de la ou des filiales commerciales. 

Si tel est en revanche le cas, ou si, par ailleurs, aucune holding de regroupe les différentes participations, le régime « de droit commun » et « augmenté » propres aux actifs fonciers loués par baux ruraux à long terme s’avèrera incontournable….