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CSRD : Le nouveau visage des “incorporels”

30 novembre 2023

Une communication importante a été faite autour de la directive UE 2022/2464 du 14 décembre 2022 modifiant le règlement UE n°537/2014 et les directives 2004/109/CE, 2006/43/CE et 2013/34/UE, en ce qui concerne la publication d’informations extra financières à la charge des entreprises, dite directive « C.S.R.D » (Corporate Sustainability Reporting Directive) et sur les apports de cette directive en matière sociale, environnementale et plus largement en matière de « durabilité », mais un volet sous-jacent, pourtant essentiel, semble être passé plus inaperçu.

Dans les « considérants » de la Directive qui, en expliquent la genèse et les sources, figure au point 32, la mention suivante :

« …. Il est largement admis que trop peu d’informations relatives aux actifs incorporels et à d’autres facteurs incorporels, y compris les ressources incorporelles générées en interne, sont publiées, ce qui empêche une évaluation correcte de l’évolution des affaires, des résultats et de la situation de l’entreprise et le suivi des investissements. Afin de permettre aux investisseurs de mieux comprendre l’écart croissant entre la valeur comptable de nombreuses entreprises et leur valeur de marché, qui est observé dans de nombreux secteurs de l’économie, il convient d’exiger de toutes les grandes entreprises et de toutes les entreprises, à l’exception des micro entreprises, dont les valeurs mobilières sont admises à la négociation sur un marché réglementé de l’Union, qu’elles publient des informations appropriées sur les ressources incorporelles… »

Par ailleurs, l’article I de la directive CSRD modifie la directive 2013/34/UE, comme suit :

À l’article 19, paragraphe 1, l’alinéa suivant est ajouté: « Les grandes entreprises et les petites et moyennes entreprises, à l’exception des microentreprises, qui sont des entités d’intérêt public telles qu’elles sont définies à l’article 2, point 1), a), publient des informations sur leurs ressources incorporelles essentielles et expliquent la manière dont le modèle commercial de l’entreprise dépend fondamentalement de ces ressources et en quoi ces ressources constituent une création de valeur pour l’entreprise. »

C’est un nouvel horizon qui s’ouvre sur la notion « d’incorporels », qui correspond, schématiquement, à un élément, propriété de l’entreprise, sans substance physique, par opposition aux éléments corporels, mais qui contribue à la création de valeur.

Le législateur européen veut finalement que la passerelle entre « la valeur » et « le prix » entre « la performance économique » et « le développement durable », d’une entreprise, puisse être objectivée et mieux expliquée et documentée.
 
La comptabilité raisonnant en stocks (bilan) et flux (compte de résultat) et de manière historique, elle ne traduit pas comptablement des actifs incorporels, impalpables et créés au fil du temps, que l’on peut qualifier de « goodwill » autrement dit, « la différence entre la valeur des revenus de l’entreprise et ceux de ses actifs identifiables [1] …».

Or, l’avantage concurrentiel d’une entreprise repose très souvent sur ces incorporels : des connaissances, un savoir, un savoir-faire, une façon bien particulière d’organiser le travail, une chaine de valeurs de qualité bien identifiée, la fiabilité du système d’information, une sécurisation du sourcing, une image, une notoriété, une data de qualité, une fidélité de la clientèle, des équipes…. Les illustrations peuvent être nombreuses et variées.

Pour reprendre une expression empruntée à des spécialistes de l’immatériel et des incorporels[2], ayant très bien développé et documenté le sujet, un incorporel constitue un actif « gazeux » impalpable comptablement, mais bien réel économiquement, à côté des actifs bilantiels « solides » (éléments corporels) et « liquides » (actifs circulants).

La Directive invite en conséquence à se ré interroger au sein des entreprises sur ces éléments physiquement impalpables qui permettent/contribuent à, la création de valeur.

Tout le travail consiste à reconnaitre dans les actifs de l’entreprise, ceux porteurs d’une valeur immatérielle, à bien les identifier, à les caractériser et à les suivre de manière fine dans le temps ; leurs effets sur la création de valeur, pouvant être immédiats ou différés, directs ou indirects.

Une  période  passionnante  s’ouvre  autour  de  ce  sujet  des «incorporels», qui vont connaitre une nouvelle jeunesse, certainement également un nouveau visage et un regain certain d’intérêt. Il sera également intéressant de voir, à l’aune des demandes que l’on voit poindre en matière de d’évolution de la comptabilité sur les sujets environnementaux, si le sujet des « incorporels » donnera lui aussi lieu à une évolution de la réglementation comptable à l’effet d’en assurer une meilleure traduction comptable et économique.

L’entreprise sera de plus en plus amenée à convaincre sur la réalité et la valeur de ses incorporels, ce qui supposera de les identifier précisément, de les quantifier et d’en suivre finement l’évolution, en termes de qualité et de valeur dans le temps.

Il est vraisemblable qu’à brève échéance au sein des « boards », comme cela a été fait pour les sujets de transition numérique, de RSE et plus récemment d’IA, nous verrons poindre dans l’analyse de « l’extra financier », des tableaux de bords de l’immatériel. Un challenge de plus à relever, qui conduira à revisiter finement l’organisation et à découvrir ou redécouvrir des richesses cachées. Bref, de la cartographie et de la mesure en perspective pour les boards, avant une phase de « pilotage de l’immatériel », proprement dite.

[1] C. Pierrat/ B. Martory in « La gestion de l’immatériel ». ed.Nathan. P46
[2] A. Fustec . B.Marois in « Valoriser le capital immatériel de l’entreprise » Editions d’organisation.

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