Reclassement interne : l’imprécision de l’employeur peut coûter cher
auteurs
Alix Combes Avocate Associée
Leila Guelimi Avocate
Actualité
06 mars 2025

Reclassement interne : l’imprécision de l’employeur peut coûter cher

Par un arrêt du 8 janvier 2025 (n°22-24.724), la Cour de cassation a précisé que l’absence de mention dans la liste des offres de reclassement des critères de départage entre salariés en cas de candidatures multiples pour un même poste, prive le licenciement de cause réelle et sérieuse. 

Une position stricte de la Cour de cassation qui s’inscrit dans le prolongement de l’arrêt du 23 octobre 2024 (n°23-19.629). Dans cet arrêt en effet, la Cour de cassation avait déjà considéré qu’à défaut de l’une des mentions prévues par l’article D.1233-2-1 du Code du travail dans la proposition de reclassement, l'offre est imprécise, ce qui caractérise un manquement de l'employeur à son obligation de reclassement et prive le licenciement de cause réelle et sérieuse. 

En l’occurrence, l’offre ne précisait pas l'adresse de l'entreprise, ni son activité ni la classification du poste. 

La Haute juridiction ne s’était, en revanche, pas encore prononcée sur les conséquences découlant de l’absence de l’une des mentions visées par le Code du travail dans la liste de diffusion des postes de reclassement. 

C’est chose faite désormais.

Pour rappel, l’ordonnance n° 2017-1718 du 20 septembre 2017, a en apparence assoupli la procédure de reclassement interne en permettant aux employeurs de proposer :

  • Soit des offres de reclassement de manière personnalisée à chaque salarié concerné par un éventuel licenciement pour motif économique ;
  • Soit une liste des postes disponibles au reclassement (L.1233-4 du code du travail) à l’ensemble des salariés concernés par un éventuel licenciement pour motif économique. 

Toutefois, cet assouplissement des modalités de diffusion n’exonère pas l’employeur de l’obligation de de renseigner, dans les offres de reclassement, l’ensemble des mentions prévues par l’article D.1233-2-1 du code du travail. 

Or en cas de diffusion d’une liste des postes de reclassement interne disponibles à l’ensemble des salariés concernés, l’article D.1233-2-1 III impose notamment à l’employeur de préciser les critères de départage arrêtés pour identifier le salarié retenu en cas de candidatures multiples pour un même poste. 

Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 8 janvier 2025, l’employeur avait bien diffusé une liste des offres de reclassement comportant les principales mentions prévues par le Code du travail mais avait omis de mentionner les critères de départage entre salariés. 

Après avoir adhéré aux contrats de sécurisation professionnelle qui leur avaient été proposés, les salariés concernés par un licenciement pour motif économique ont saisi la juridiction prud'homale pour faire dire la rupture du contrat de travail sans cause réelle et sérieuse et obtenir la condamnation de leur ancien employeur à leur payer diverses sommes à titre de dommages-intérêts, d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents. 

Le Conseil de prud'hommes qui a constaté l'absence de candidature des salariés aux postes proposés en reclassement, les a déboutés de l’ensemble de leurs demandes. 

La Cour d’appel a infirmé le jugement. Elle a relevé que la liste des offres de reclassement diffusée ne mentionnait pas les critères de départage des candidatures multiples et ne renvoyait pas non plus au plan de sauvegarde de l'emploi qui les déterminait précisément de sorte que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse. 

Pour l’employeur, cette omission n’était pas déterminante dans le choix du salarié de candidater à l’un des postes de reclassement figurant sur la liste, et ne constituait donc qu’une irrégularité de forme. 

L’avocat général, dans son avis diffusé sur le site de la Cour de cassation, s’alignait avec l’interprétation de l’employeur. Il soulignait que cette mention permettait seulement d’éviter les contentieux futurs en cas de candidatures multiples sur un même poste. Dès lors, son omission n’affectait pas l’obligation de reclassement qui pèse sur l’employeur et ce, d’autant que ces critères figuraient dans le plan de sauvegarde de l’emploi et qu’aucun salarié n’avait candidaté aux postes proposés en reclassement.

Les salariés considéraient au contraire que l’absence de mention des critères de départage, caractérisait un manquement de l’employeur à son obligation de reclassement qui privait le licenciement de cause réelle et sérieuse. 

Contre l’avis de son avocat général, la Cour de cassation a tranché en faveur des salariés en considérant que le défaut de mention des critères de départage entre salariés, rend l’offre de reclassement imprécise, en ce qu’elle ne donne pas les éléments d’information de nature à permettre aux salariés de disposer des outils de réflexion déterminant leur décision. L’employeur manque alors à son obligation de reclassement et le licenciement est privé de cause réelle et sérieuse (Cass. soc. 8 janvier 2025, n°22-24.724). 

La Cour de cassation motive sa décision par la double finalité poursuivie par cette mention : 

  • D’une part, elle vise à s’assurer du respect par l’employeur de son obligation d’information permettant au salarié de décider de candidater ou non, en toute connaissance de cause.
  • D’autre part, elle permet de contrôler les raisons « objectives » et non arbitraires qui conduisent à écarter un salarié. 

Cette position stricte de la Cour de cassation souligne une fois de plus la rigueur dont l’employeur doit faire preuve dans la mise en œuvre de son obligation de reclassement tant sur le fond que sur la forme. L’imprécision de l’offre de reclassement peut en effet exposer l’employeur à un risque prud’homal élevé.

 Les employeurs doivent donc redoubler de vigilance sur ce point. 

Dans le contexte économique actuel, marqué par une augmentation des procédures de licenciements économiques, la rigueur et la vigilance sont essentielles. Nous sommes là pour vous accompagner sur ces sujets.