La Cour européenne des Droits de l’Homme s’est prononcée le 23 janvier 2018 (CEDH, Cour Cinquième Section Comité, 23 janv. 2018, n° 1828/18) sur une décision qui illustre la situation vécue par les familles et les équipes médicales lorsque la mort est au chevet d’un proche, contre lesquelles, le Droit reste bien impuissant… Dans cette décision, les parents d’une jeune fille âgée de 14 ans, et souffrant d’une myasthénie auto-immune sévère (maladie neuromusculaire), se sont battus pour que leur volonté qu’il ne soit pas mis un terme aux traitements, soit prise en compte. Ils sont allés jusqu’à la Cour européenne pour ce faire…
Le 22 juin 2017, l’enfant fut retrouvée inanimée après un arrêt cardio‑respiratoire. En dépit des soins prodigués, elle fut placée en service de réanimation sous ventilation mécanique et il fut procédé à une sédation analgésique. L’évolution neurologique très défavorable a conduit l’équipe médicale à provoquer une réunion de concertation pluridisciplinaire : tous se prononcèrent en faveur d’un arrêt de la ventilation mécanique, sa poursuite étant considérée comme une obstination déraisonnable.
Il ressort des faits présentés par la Cour européenne que les parents ont été informés de cette proposition et de la mise en œuvre de la procédure collégiale. Mais il n’y eut pas de consensus avec les parents sur cette décision de l’équipe d’interrompre les soins relevant d’un acharnement thérapeutique.
Les relations se sont dans les faits dégradées pour conduire les parents à saisir le tribunal administratif d’une requête en référé visant la suspension de l’exécution de la décision d’arrêt des traitements prise le 21 juillet 2017 et, à titre subsidiaire, la prescription d’une expertise médicale. Le TA estima que, malgré l’opposition des requérants, la poursuite des traitements caractérisait une obstination déraisonnable et que la décision du 21 juillet 2017 ne portait pas, en l’espèce, une atteinte grave et manifestement illégale au respect d’une liberté fondamentale. Cette position fut confirmée par le Conseil d’Etat. qui ajouta également que cette décision reste une décision médicale.
C’est donc devant la Cour européenne des Droits de l’Homme, (saisie sur le fondement de l’article 2 de la Convention européenne pour la protection des droits de l’homme et de la dignité de l’être humain à l’égard des applications de la biologie et de la médecine - la Convention d’Oviedo), que les parents se sont tournés : mais la Cour a rappelé que, dans ce domaine qui touche à la fin de la vie, il y a lieu d’accorder une marge d’appréciation aux États, quant à la possibilité de permettre l’arrêt d’un traitement maintenant artificiellement la vie et à ses modalités de mise en œuvre.
La Cour a ainsi retenu qu’en l’espèce, les dispositions encadrant la réglementation en France sont conformes aux exigences de l’article 2 de la Convention ajoutant à cette occasion que si la procédure en droit français est appelée « collégiale » et qu’elle comporte plusieurs phases de consultation (de l’équipe soignante, d’au moins un autre médecin, de la personne de confiance, de la famille ou des proches), la décision demeure médicale. Dès lors même si la volonté du patient doit être prise en compte et, lorsque la décision concerne un mineur, le médecin doit bien sur recueillir l’avis des titulaires de l’autorité parentale et tenter de parvenir à un accord avec eux, mais c’est au seul médecin en charge du patient que revient la décision motivée.