CSRD : de la suppression du reporting extra-financier à un aménagement - Point à date
auteurs
Julie Labedan Avocate Associée
Parole d'expert

CSRD : de la suppression du reporting extra-financier à un aménagement - Point à date

Le 20 janvier dernier, Stéphane Séjourné (Vice-président exécutif pour la prospérité et la stratégie industrielle de la Commission européenne) annonçait en direct sur les ondes de France Inter une "suppression du reporting extra-financier" dans le cadre de la CSRD, ce qui a été immédiatement perçu comme une remise en cause de la directive et la confirmation de sa disparition prochaine, dans le prolongement du rapport Draghi de septembre 2024 et du « moratoire » appelé de ses vœux par Michel Barnier en octobre 2024. 

Cependant, par suite des vives réactions suscitées par cette annonce, le cabinet de Stéphane Séjourné a précisé, dès le mardi 21 janvier, qu'il ne s'agissait pas d'un abandon des objectifs de la CSRD, mais plutôt d'un « ajustement » des obligations administratives pour simplifier le processus.

Dans un contexte de clivage profond sur les objectifs et l’ambition de la CSRD, l'annonce de Stéphane Séjourné a inquiété de nombreux acteurs de la communauté RSE (entreprises, chercheurs, consultants, médias, etc.), qui redoutent une diminution significative des exigences en matière de durabilité qui pourrait conduire à vider la directive de sa substance. 

Elle a, a contrario, encouragé les acteurs, économiques ou politiques, qui dénonçaient le poids de cette réglementation à poursuivre leurs revendications en faveur d’un choc de simplification de la CSRD. En ce sens, Sophie Primas, porte-parole du gouvernement français, a indiqué le mercredi 22 janvier que la CSRD représente dans sa forme actuelle «des coûts considérables» et «un enfer» pour les entreprises.

Rappelons que la simplification du dispositif était déjà appelée par divers acteurs sans pour autant que soit remis en cause le principe même et les vertus de la mise en place d’un cadre de reporting en matière de durabilité pour les entreprises. 

Ainsi, la Commission européenne, sous la présidence d'Ursula von der Leyen, avait déjà prévu un examen de la législation à travers une "directive omnibus" pour réduire la lourdeur administrative et les charges de reporting pour les entreprises résultant de 3 textes piliers de la RSE : le règlement taxonomie, la directive CSRD sur le reporting de durabilité et la directive « CS3D » sur le devoir de vigilance. Aucune suppression du reporting extra-financier n’avait pour autant été évoquée. Dans le même sens, l'ANC (Autorité des Normes Comptables) avait également appelé à des ajustements administratifs pour simplifier et renforcer l'efficacité du dispositif, tout en maintenant les ambitions de la CSRD.  Enfin, il est intéressant de relever que les principaux lobbies patronaux français et allemand, à savoir l'Afep et le Deutsches Aktieninstitut, avaient déjà appelé à une «simplification rapide» des textes législatifs et à «une révision de l'architecture du cadre européen en matière de finance durable» sans pour autant demander la suppression du texte. Ils invoquaient plus précisément un renforcement du secret d'affaires, en limitant la publication d'informations stratégiques exigée par la CSRD, et l’établissement de rapports de développement durable concentrés « sur l'essentiel ».

En outre, le 20 janvier 2025, dans une note confidentielle des autorités françaises (divulguée par certains médias et relayée sur les réseaux sociaux), la France énonçait de nombreuses et diverses propositions de simplifications portant notamment sur : la création d’une catégorie statistique dédiée aux ETI (de 250 à 1 500 employés, avec un chiffre d’affaires maximal de 1,5 milliard d’euros ou un total de bilan n’excédant pas 2 milliards d’euros), leur permettant de bénéficier d’allègements administratifs jusqu’ici réservés aux seules PME, un report sine die de la réglementation CS3D, un allègement drastique de la réglementation CSRD en sus d’un report à horizon deux ans ou encore une révision des ratios dans l’application du règlement Taxonomie, etc.

Dans une communication du 29 janvier 2025 intitulée « Une boussole de compétitivité pour l’UE » de la Communication au Parlement européen, au Conseil européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions, la Commission met en avant la nécessité d’adapter la réglementation européenne comme facteur de la compétitivité européenne.

Cette adaptation devrait intervenir à travers une « série de packages Omnibus de simplification » et la Commission a d’ores et déjà annoncé que le premier Omnibus portera, entre autres, « sur une simplification de grande envergure dans les domaines de l’information financière durable, de la diligence raisonnable en matière de durabilité et de la taxonomie » :

« Conformément aux objectifs du cadre financier durable visant à mobiliser les investissements dans la transition propre, la Commission veillera à une meilleure adéquation des exigences avec les besoins des investisseurs, à des délais proportionnés, à des indicateurs financiers qui ne découragent pas les investissements dans les petites entreprises en transition et à des obligations proportionnées à l’échelle des activités des différentes entreprises. Elle s’attaquera notamment à l’effet de ruissellement pour éviter que les petites entreprises tout au long des chaînes d’approvisionnement ne soient soumises dans la pratique à des demandes d’information excessives qui n’étaient pas prévues par les législateurs. »

Le projet de premier Omnibus évoqué supra devrait être présenté par la commission européenne le 26 février 2025. D’ici là, les entreprises demeureront malheureusement dans le flou quant à la nature et l’ampleur des évolutions qui seront proposées.  Soulignons également que le texte présenté le 26 février prochain sera un projet qui devra ensuite, selon sa nature (règlement ou directive), être soumis au vote des organes compétents et le cas échéant transposé dans les législations nationales.

En conclusion, il conviendra donc de suivre avec attention la communication du projet afin de connaître l’ampleur et la portée des évolutions envisagées ainsi que leur impact pratique pour les entreprises qui demeurent encore soumises à date, à la publication d’un rapport de durabilité en 2026 sur leurs comptes 2025 selon les modalités résultant de la transposition par la France de la Directive CSRD depuis décembre 2023.