Barème Macron : la saga continue !
Actualité
10 novembre 2022

Barème Macron : la saga continue !

C’est une véritable saga à laquelle nous assistons avec le barème Macron (plafonnement des indemnités allouées par le juge en cas de en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse).

Comme pour toute bonne série, avant d’attaquer une nouvelle saison un résumé des saisons précédentes s’impose.

2015 : « la tentative avortée ». Avec le projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, le législateur tente d’introduire le plafonnement. Mais la disposition fût invalidée par le Conseil Constitutionnel (5 août 2015, n°2015-715 DC), qui cependant ne « condamnait » pas le principe même du plafonnement.

2017 : « le retour ». Deuxième tentative avec l’une des ordonnances « Macron » de septembre 2017 (n°2017-1387). Contestée immédiatement par la CGT devant la formation des référés du Conseil d'État, au motif que le dispositif méconnaîtrait l'article 10 de la convention n°158 de l'OIT et l'article 24 de la Charte sociale européenne, la demande de la CGT fut rejetée par le Conseil d’Etat (7 décembre 2017, n°415243).)

2018-2019 : « Après l’hiver le printemps[1]».

Cette saison commence pourtant mal avec une nouvelle contestation au moment de la loi visant à ratifier les ordonnances de septembre 2017 (loi n°2018-217 du 29 mars 2018). Cette fois c’est devant le Conseil constitutionnel qu’elle est portée ; contestation rejetée au motif que le dispositif ne méconnaît pas le principe d'égalité devant la loi et ne viole aucune autre exigence constitutionnelle (21 mars 2018, n°2018-761 DC).

Cet espoir fut conforté par les deux avis de la Cour de cassation du 17 juillet 2019 (Avis n°15012 ; Avis n°15013) qui ont semblé valider le principe du barème : « Les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, ……, qui fixent un barème applicable à la détermination par le juge du montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, sont compatibles avec les stipulations de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail. ».

Certains ont même voulu voir dans un arrêt du 15 décembre 2021 (n°20-18.782) une reconnaissance de la validité du barème, ce qui manifestait , à notre sens un excès d’optimisme.

2020-2021 : « La résistance s’organise ». Ce sont devant les tribunaux que l’on vit fleurir les contestations avec quelques succès car les avis de la Cour de cassation ne sont que … des avis. Ainsi, tout en feignant de s’y conformer, certaines Cours d’appel, ont estimé que, bien que le barème soit conforme, il portait atteinte dans une situation donnée (in concreto) de façon disproportionnée à un droit issu d’une convention internationale par laquelle la France est tenue et l’ont écarté.

La Cour de cassation allait-elle se laisser séduire par l’argument et admettre que le juge du fond se livre à une appréciation au cas par cas ? Ou valider purement et simplement le barème ?

2022 : « Passons à autre chose ! »

Par deux décisions (n°21-14.490 et n°21-15.247) du 11 mai 2022, la Cour de cassation (rendus en formation plénière !) valide le barème considérant qu’il n’est pas contraire à l’article 10 de la convention n°158 de l’OIT et que le juge français ne peut écarter, même au cas par cas, l’application du barème au regard de cette convention internationale[2]. A la lecture de ces deux arrêts on pouvait légitimement penser que la saga prenait fin.

Mais cette 5ème saison n’est pas, contrairement à ce que l’on pouvait s’attendre, la dernière.

2022 : la révolte ?

Après avoir écarté le barème (décision qui fut cassée par la Cour de cassation dans l’un des arrêts du 11 mai 2022 précité) la Cour d’appel de Paris dans un arrêt du 5 octobre 2022 (RG 20/00703) montre qu’elle a compris et se ravise…à première vue.

En effet, elle semble le faire « à contre-cœur » en prenant en compte les éléments du dossier (appréciation in concreto) pour considérer qu'il résulte « des pièces et des explications fournies, … que l'indemnité [est] à même de réparer de manière adéquate le préjudice », mais qu’en eut-il été dans une autre situation ?

Quelques jours plus tard le 21 octobre 2022, la Cour d’appel de Douai refuse, plus frontalement, de s’incliner. Elle estime au contraire qu’« au vu de la situation concrète et particulière du salarié …le montant prévu par l’article L.1235-3 [le barème] du code du travail ne permet pas une indemnisation adéquate et appropriée au regard du préjudice subi… » (RG : 20/01124). A ce jour, il semblerait qu’aucun pourvoi en cassation n’ait été introduit. Si l’on peut comprendre la décision de l’employeur compte tenu du faible enjeu, on peut le regretter pour l’intérêt du droit.


[1] Bien sûr pour les opposants au barème ce fut plutôt « la victoire d’Hadès » (dieu des enfers).

[2] Elle ajoute que la loi française ne peut faire l’objet d’un contrôle de conformité à l’article 24 de la Charte sociale européenne, qui n’est pas d’effet direct