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Secret des affaires : publication du décret d'application de la loi

18 décembre 2018
par Philippe Boutron,
Charles Suire

Les mesures d’application judiciaires de la loi n° 2018-670 du 30 juillet 2018 relative à la protection du secret des affaires ont été spécifiées par décret du 11 décembre 2018, publié au JORF du 13 décembre 2018.

Le texte précise d’une part les modalités pratiques des mesures provisoires pouvant être ordonnées par un juge. À ce titre, est introduit un article R. 152-1 au Code de commerce, très nettement inspiré du mécanisme existant pour les titres de propriété industrielle. Le détenteur d’un secret d’affaires protégeable peut solliciter par voie de requête ou en référé la cessation d’actes illicites, assortie, si le juge l’estime opportun, de la constitution d’une garantie dans l’hypothèse où son action en justice devrait ultérieurement faillir. De même que pour les titres de PI, le juge peut également autoriser le défendeur à poursuivre les actes reprochés moyennant la constitution d’une garantie. La pratique montre toutefois que cette dernière hypothèse ne fait l’objet que d’une application marginale.

À l’image des conditions de validité des mesures provisoires ordonnées sur le fondement d’un titre de PI (par exemple l’article R. 716-1 du CPI en matière de marque), la validité des mesures provisoires permises par le décret est subordonnée à l’introduction d’une action au fond par le détenteur dans un délai de vingt jours ouvrables ou de trente et un jours civils si ce dernier délai est plus long.

D’autre part, le texte précise les conditions de la collecte et l’administration de la preuve, en opérant un renvoi exprès à l’article 145 du Code de procédure civile pour en aménager l’exercice. Saisi d’une demande sur ce fondement, le juge pourra, en effet, ordonner d’office le placement sous séquestre provisoire des pièces collectées pour protéger le secret des affaires, en application de l’article R. 153-1 du Code de commerce. Il appartiendra toutefois à la partie saisie d’agir en modification ou rétractation de l’ordonnance rendue par le juge conformément à l’article 497 du Code de procédure civile, afin de se voir restituer ou d’écarter des débats des documents qu’il juge sensibles.

En l’absence d’introduction d’un mécanisme spécifique de collecte de preuve, comme le prévoit le CPI par la saisie-contrefaçon, la jurisprudence classique du recours en rétractation d’ « ordonnances 145 » demeure pleinement applicable. En effet, dès avant l’adoption de la loi relative à la protection du secret des affaires, il était déjà loisible à un saisi de faire valoir l’atteinte alléguée à ses secrets d’affaires pour tenter d’obtenir du juge qu’il limite ou annule tout ou partie des mesures de collecte de preuves. La nouveauté du décret réside donc dans la faculté dont dispose désormais le juge de placer d’office des documents sous séquestre provisoire.

En troisième lieu, le texte emporte création des articles R. 153-2 à R. 153-9, tous dédiés aux modalités de communication et production de preuves au cours de débats judiciaires. Répondant ainsi aux exigences de la Directive n° 2016-943, le pouvoir réglementaire a notamment prévu que des documents sensibles ne puissent être consultés que par les avocats représentants de chaque partie et, sur décision du juge, qu’aucune photocopie ou reproduction ne puisse être effectuée par eux. D’autre part, le détenteur d’une pièce sensible devra, sous délai imparti par le juge, fournir une version confidentielle de ladite pièce en plus d’une version non confidentielle ou son résumé, ainsi qu’un mémoire explicatif détaillant les raisons de son caractère secret.

Enfin, la publication du jugement est encadrée par l’article R. 153-10 du Code de commerce pour permettre sa diffusion à des tiers et au public, dans une version expurgée des éléments sensibles.

Les dernières dispositions prévues par ce décret constituent des ajustements de vocabulaire dans une variété de textes réglementaires et doivent attirer l’attention sur le fait que la protection du secret des affaires devient désormais une exigence autonome et généralisée à tout procès, indépendamment de la seule action basée sur la loi du 30 juillet 2018. En effet, tout détenteur légitime pourra invoquer ces mesures protectrices dans la conduite d’une procédure judiciaire, y compris devant le juge administratif, de sorte que cette batterie de règles nouvelles du Code de commerce devra être bien maîtrisée.

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