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Grève des 7, 8 et 9 mars contre la réforme des retraites. L’exercice du droit de grève dans le secteur privé : l’essentiel en 10 questions-réponses.

08 mars 2023

Le droit de grève est reconnu par le préambule de la Constitution de 1946 et divers textes internationaux. Les textes du code du travail régissant l’exercice de ce droit fondamental dans le secteur privé sont néanmoins peu nombreux. Les conditions et les effets de la grève ont pour l’essentiel été définis par la jurisprudence. Ainsi, selon la Cour de cassation, la grève est une cessation collective et concertée du travail en vue d’appuyer des revendications professionnelles (Cass. soc. 18 juin 1996, n°92-44497).

La mobilisation contre la réforme des retraites des 7, 8 et 9 mars 2023 est l’occasion de revenir sur certaines questions soulevées par l’exercice du droit de grève.

  1. La grève peut-elle être valablement exercée par un seul salarié au sein de l’entreprise ?

Oui, exceptionnellement. La grève est un droit individuel exercé collectivement. Elle est caractérisée par une cessation collective du travail et ne peut en principe être exercée par une seule personne, sauf :

  • s’il s’agit de l’unique salarié de l’entreprise (Cass. soc. 13 novembre 1996, n°93-42247),
  • dans le cas où le salarié obéit à un mot d'ordre formulé au plan national (Cass. soc. 29 mars 1995, n°93-41863).

En ce qui concerne la mobilisation contre la réforme des retraites, le salarié qui exerce son droit de grève « obéit à un mot d'ordre formulé au plan national ». Peu importe en conséquence, qu’il soit le seul salarié de son entreprise à faire grève.

  1. Les salariés qui entendent exercer leur droit de grève doivent-il informer préalablement l’employeur ?

Non. L'exercice du droit de grève n'est soumis à aucun préavis dans le secteur privé. Il nécessite l'existence de revendications professionnelles dont l'employeur doit avoir connaissance au moment de l'arrêt de travail (Cass. soc. 19 nov. 1996, n°94-42631).

En l’occurrence, dans la mesure où il s’agit d’une grève nationale et interprofessionnelle, il est permis d’en déduire que les revendications collectives sont connues de l’employeur.

  1. L’employeur est-il dispensé de verser son salaire au salarié gréviste ? Une prime d’assiduité liée à une condition de présence peut-elle être réduite en cas d’exercice du droit de grève ?

Oui. Le salarié ne peut, en principe, prétendre au paiement de son salaire car le contrat est suspendu. Attention : la retenue opérée doit être strictement proportionnelle à la durée de l’arrêt de travail (Cass. soc. 8 juillet 1992, n°89-42563). Au-delà, la retenue constitue une sanction pécuniaire prohibée (Cass. soc. 16 mai 1989, n°85-45244).

La Cour de cassation a précisé qu’afin d’être proportionnel à l'interruption de travail, l'abattement du salaire pour fait de grève doit être calculé dans les entreprises privées sur l'horaire mensuel des salariés (Cass. soc. 27 janv. 2000, n°98-46211). La retenue par heure d’absence d’un salarié payé au mois doit être en principe égale au quotient du salaire mensuel par le nombre d’heures de travail dans l’entreprise pour le mois considéré (Cass. soc. 11 février 1982, n°80-40359).

Exemple : un salarié gagne 1800 euros bruts par mois. Il est absent 14 h au cours d’un mois où l’horaire effectif est de 161 h (7h x 23). La retenue est de 1800 x 14 /161 = 156,52 euros bruts.

Par ailleurs, en ce qui concerne la prime d’assiduité, l'employeur peut tenir compte des absences, même motivées par la grève dès lors que toutes les absences, hormis celles qui sont légalement assimilées à un temps de travail effectif, entraînent les mêmes conséquences sur son attribution (Cass. soc. 26 mars 2014, n°12-18125).

  1. Comment est opérée la retenue sur salaire d’un salarié en forfait-jours qui exerce son droit de grève pour une durée inférieure à une journée ou une demi-journée ?

Les retenues pour fait de grève de moins d’une journée ou d’une demi-journée pour les cadres au forfait jours doivent être identiques à celles pratiquées pour toute autre absence d’une même durée (Cass. soc. 4 mars 2009, n°07-45291).

En l'absence de disposition conventionnelle,  « la retenue opérée résulte de la durée de l'absence et de la détermination, à partir du salaire mensuel ou annuel, d'un salaire horaire tenant compte du nombre de jours travaillés prévus par la convention de forfait et prenant pour base, soit la durée légale du travail si la durée du travail applicable dans l'entreprise aux cadres soumis à l'horaire collectif lui est inférieure, soit la durée du travail applicable à ces cadres si elle est supérieure à la durée légale » (Cass. soc. 13 nov. 2008, n°06-44608).

Exemple :

Le salarié dont le forfait est de 218 jours et la rémunération annuelle brute est de 48 000 euros fait grève pendant 2 heures.

Le nombre d’heures fictif annuel (rémunérées) du salarié est de : 151,67 x 12 mois = 1820,04 heures.

Le salaire horaire fictif est de 26,37 euros

La retenue est de 52,74 euros.

  1. Un employeur peut-il remplacer un salarié gréviste en ayant recours à un contrat à durée déterminée ou un intérimaire ?

Non. Il est interdit de conclure un contrat de travail à durée déterminée ou d’avoir recours à un intérimaire pour remplacer un salarié gréviste (L. 1242-6 CT, L. 1251-10 CT).

  1. Le salarié peut-il imposer à l’employeur la prise de JRTT ou de jours de congés payés, les jours de grève ?

Non. Le salarié ne saurait imposer la prise de jours de congés payés ou de jours de réduction du temps de travail (JRTT). Il doit respecter les conditions légales et conventionnelles prévues pour la prise des congés payés et des JRTT. Certes, un accord collectif peut prévoir que la prise de certains JRTT est laissée au libre choix du salarié. Toutefois, dans ce cas, un délai de prévenance doit généralement être respecté.

Dans tous les cas, la prise d’un jour de congés payés ou d’un jour de réduction du temps travail peut résulter d’un accord des parties.

  1. Les salariés grévistes peuvent-il être sanctionnés lorsqu’ils exercent leur droit de grève ?

Non. Le salarié ne peut en principe être sanctionné ou licencié pour avoir participé à une grève ou en raison de faits commis au cours de la grève, sauf faute lourde (L. 2511-1 CT et Cass. soc. 9 mai 2012, n°10-24307).

  1. L’employeur doit-il rémunérer le salarié non-gréviste qui n’a pu se rendre sur son lieu de travail et exécuter sa prestation de travail en raison des grèves ? Le salarié peut-il être sanctionné ?

Non. L’employeur n’est pas tenu de rémunérer le salarié non-gréviste qui n’a pas pu se rendre sur son lieu de travail et exécuter sa prestation de travail. Mais dans la mesure où l’absence du salarié apparaît justifiée, celui-ci ne saurait être sanctionnée.

  1. Le salarié non-gréviste peut-il imposer à l’employeur de télétravailler les jours de grève ?

A priori non. Le recours au télétravail résulte en principe d’un accord entre l’employeur et le salarié (L. 1222-9 CT). Cependant, il convient de vérifier ce que prévoit, le cas échéant, le contenu de la charte ou de l’accord collectif relatif au télétravail. Certaines chartes ou accords collectifs portant sur le télétravail ouvrent en effet la possibilité au salarié de recourir au télétravail occasionnel en cas, notamment, de grève des transports.

  1. Un salarié peut-il être sanctionné pour avoir inciter ses collègues à exercer leur droit grève ? 

Non. La Cour de cassation a étendu la protection des salariés grévistes, au salarié ayant tenté d’inciter ses collègues à exercer leur droit de grève. Autrement dit, en l’absence de faute lourde, le licenciement du salarié ayant incité son équipe à mener une action de grève est nul (Cass. soc. 23 nov. 2022, n°21-19722).

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