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Choix du domicile : une liberté … sous surveillance ?

21 avril 2022
par
Stéphane Béal

Un salarié est susceptible d’être licencié si son domicile est trop éloigné de son lieu de travail.

C’est ce que retient la Cour d’appel de Versailles dans un arrêt en date du 10 mars 2022 (RG 20/02208). Elle admet qu’un salarié qui déménage à 442km du siège de l’entreprise et qui refuse de se rapprocher de son lieu de travail est susceptible d’être licencié, au regard de l’obligation essentielle de préservation de la santé et de la sécurité du salarié qui pèse sur l’employeur.

Autrement dit, l’obligation de sécurité prime sur le principe du libre choix du domicile ! Attention cependant, la Cour de cassation pourrait refuser de consacrer une telle analyse.

Dans cette affaire, un salarié avait déménagé en Bretagne à 442km du siège de l’entreprise. Considérant que ce nouveau domicile n’était pas compatible avec l’obligation de sécurité et les déplacements professionnels induits par l’activité du salarié, l’employeur lui avait demandé de régulariser sa situation et de fixer son domicile en région parisienne. Le salarié ayant refusé, l’employeur l’avait licencié en raison de la fixation de son domicile en un lieu trop éloigné de ses lieux d’activité professionnelle et en violation des stipulations de son contrat de travail (qui pourtant, ne comportait pas de clause de résidence).

Le salarié avait saisi le juge sur le fondement de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme dont découle le principe de libre choix du domicile. Il faisait notamment valoir qu’il n’avait jamais été en retard et qu’il assumait tous les frais induits par son installation en Bretagne. En outre, son employeur ne pouvait arguer du souci de préserver sa santé alors même qu’il lui imposait de nombreux déplacements en dehors de son secteur géographique contractuel. Enfin, il avançait qu’il ne passait que 17% de son temps au siège de l’entreprise.

La Cour d’appel refuse néanmoins de faire droit aux demandes du salarié.

Elle relève tout d’abord que le déménagement du salarié avait allongé son temps de trajet pour se rendre au siège social de l’entreprise ainsi qu’aux aéroports de Roissy et d’Orly. D’ailleurs, le salarié avait demandé son rattachement à une agence bretonne en invoquant la fatigue générée par les trajets. Ainsi, selon la Cour d’appel, cette distance excessive ne pouvait être acceptée par l’employeur, au regard de son obligation de sécurité. Elle rappelle en outre, que l’employeur est tenu de veiller au repos quotidien de son salarié et à l’équilibre entre sa vie familiale et professionnelle dans le cadre de la convention de forfait en jours à laquelle il était soumis. Elle conclut qu’ « aucune atteinte disproportionnée au libre choix du domicile personnel et familial au titre du droit au respect du domicile, protégé par l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, n’apparaît caractérisé compte tenu de l’obligation essentielle de préservation de la santé et de la sécurité du salarié ».

D’emblée, une telle solution suscite l’étonnement. La Cour de cassation n’a pas manqué de condamner à plusieurs reprises, des clauses de résidence qui imposaient au salarié de fixer son domicile à proximité du lieu de travail, en violation du principe de libre choix de son domicile (Cass. soc. 12 janv. 1999, n°96-40755Cass. soc. 28 févr. 2012, n°10-18308).

Toutefois, ici, c’est l’obligation de sécurité qui justifie l’atteinte portée au principe du libre choix du domicile. Or, une telle motivation n’avait pas été avancée précédemment.

Reste que la Cour d’appel de Versailles étend l’application de l’obligation de sécurité au-delà de la sphère professionnelle ! Dès lors, il est permis de s’interroger. L’obligation de sécurité a-t-elle réellement vocation à s’appliquer hors temps et lieu de travail ? De surcroît, dans ce cas, doit-on en déduire que l’employeur qui ne sanctionne pas le salarié qui réside loin de son lieu de travail manque à son obligation de sécurité ?

Il serait intéressant de connaître la position de la Cour de cassation sur le sujet. Dans cette attente, la prudence est de mise

Enfin, on notera que cette décision peut difficilement être transposée au salarié en télétravail. En effet, dans ce cas, la santé du salarié est susceptible d’être préservée puisqu’il est dispensé - au moins en partie - d’effectuer des trajets susceptibles de générer une fatigue importante. Tout dépendra en définitive des circonstances de la cause…

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