Vers une chimie sans PFAS : fin des polluants éternels ?
auteurs
Hugo Biron Consultant/Expert
Parole d'expert

Vers une chimie sans PFAS : fin des polluants éternels ?

Depuis plusieurs décennies, les substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS) se sont imposées dans une multitude d’applications grâce à leurs propriétés uniques telles que la résistance à la chaleur, leur caractère hydrophobe et oléophobe, ou leur durabilité chimique. 

On les retrouve notamment dans les poêles antiadhésives, les emballages alimentaires, les textiles imperméables, les cosmétiques, les mousses anti-incendie ou encore les revêtements industriels. Mais ces avantages ont un revers majeur : la persistance extrême de ces molécules dans l’environnement et leur accumulation dans les organismes vivants, ce qui leur vaut le surnom de « polluants éternels ». Aujourd’hui, la recherche scientifique et l’innovation industrielle se mobilisent pour leur trouver des alternatives viables.

Des alternatives déjà disponibles mais encore imparfaites

Face à cette urgence, les alternatives aux PFAS se multiplient. Des bases de données comme celle récemment publiée par l’American Chemical Society recensent déjà plus de 500 alternatives potentielles couvrant un large éventail d’usages, des emballages aux revêtements industriels. Ces alternatives proviennent aussi bien de la chimie de synthèse que de ressources biosourcées, et certaines sont déjà testées en conditions réelles. Parmi les substituts fluorés de nouvelle génération, le HFPO-DA ou encore l’ADONA, sont étudiés comme remplaçants dans certaines applications industrielles. D’autres recherches privilégient des matériaux d’origine naturelle, tels que l’amidon, les protéines végétales ou la chitine, pour développer des revêtements alimentaires performants et biodégradables. Cependant, ces substituts n’atteignent pas encore le même niveau de performance, en particulier pour les applications les plus exigeantes comme les mousses anti-incendie.

Assurer une substitution responsable

La substitution des PFAS ne peut néanmoins pas se limiter à une logique de remplacement direct. Les experts insistent sur la nécessité d’éviter les « substitutions regrettables », lorsque les alternatives s’avèrent elles aussi problématiques pour la santé ou l’environnement. Ainsi, des cadres méthodologiques tels que la certification GreenScreen for Safer Chemicals ou les lignes directrices de l’OCDE offrent des repères pour évaluer la sécurité et la durabilité de ces substituts. En parallèle, des travaux académiques proposent des principes de conception moléculaire permettant de développer des matériaux performants sans les liaisons carbone-fluor particulièrement stables qui rendent les PFAS si persistants. Ces approches ouvrent alors la voie à une chimie véritablement « sans PFAS », pensée dès la conception pour minimiser les risques à long terme.

Des secteurs en pleine recomposition

Certaines industries sont déjà engagées dans la transition. En effet, dans le secteur de la mode et du textile, plusieurs marques comme Patagonia ou Fjällräven ont annoncé l’abandon progressif des traitements à base de PFAS, malgré les difficultés techniques et le surcoût lié aux alternatives. Ensuite, dans le domaine des mousses anti-incendie, plusieurs formulations fluorées neutres (F3) sont en cours de développement, avec des essais prometteurs soutenus par des organismes publics et militaires. L’objectif est d’atteindre d’ici quelques années des performances comparables aux mousses PFAS, tout en éliminant leur impact environnemental. Enfin, dans l’emballage alimentaire, la combinaison de polymères biosourcés et de traitements de surface alternatifs commence également à fournir des solutions compétitives. Ces initiatives témoignent donc d’une volonté croissante des industriels de s’affranchir de la dépendance aux PFAS.

Vers une nouvelle ère de la chimie des matériaux

Ainsi, la substitution des PFAS représente un défi scientifique et technologique considérable : comment concilier performance, sécurité et durabilité ? Si la route reste longue, les avancées récentes démontrent qu’un avenir sans PFAS est envisageable. Les innovations en chimie verte, la mise à disposition de bases de données ouvertes et la mobilisation de cadres réglementaires incitatifs constituent des leviers essentiels pour accélérer cette transition. À terme, l’objectif n’est pas seulement de remplacer les PFAS, mais de repenser nos modes de conception des matériaux pour construire une chimie plus sûre, circulaire et respectueuse de notre santé et de l’environnement. Une révolution qui pourrait marquer la fin des « polluants éternels ».