Le bâtiment comme tous les domaines d’activité est confronté à la nécessité de diminuer son empreinte carbone dans le but de préserver notre planète pour les générations futures. Le défi est d’autant plus grand que la construction et le bâtiment sont des activités historiquement émettrices de gaz à effets de serre et en quantité non-négligeable. En effet, en 2022 le secteur représentait 37% des émissions mondiales de CO2 liées à l’énergie et aux processus opérationnels, soit un peu moins de 10 Giga tonnes de CO2. Pour atteindre les objectifs fixés par l’accord de Paris des progrès restent à faire.
Le béton : problème et solution
Utilisé depuis l’antiquité comme matériau de construction, il est partout dans nos villes à tel point qu’il serait aujourd’hui la deuxième substance la plus consommée sur terre après l’eau. Le béton est un assemblage de ciment, d’eau et de granulats minéraux : sable et graviers de dimension variables selon les propriétés mécaniques recherchées.
Le béton possède une très bonne résistance en compression, mais sa résistance en traction étant faible, il est nécessaire d’utiliser un dispositif de renfort tel que des barres de fer qui vont pouvoir reprendre ces efforts et assurer la tenue du matériau pour la construction d’ouvrages complexes : ponts, tunnels et gratte-ciel entre autres. Mais sous l’effet du fluage, du CO2 atmosphérique, ou du chlore (environnements marins ou sels de dégivrage) le béton, craque, se fissure et s’abime pouvant aller jusqu’à la corrosion des armatures métalliques ce qui fragilise alors la construction. Ce phénomène est systématique et donc attendu. L’intégrité du béton étant garante de celle du bâtiment, il est vital de le faire durer le plus longtemps possible pour ainsi augmenter la dure de vie de nos constructions et donc limiter l’empreinte écologique. Des solutions ont récemment été développées pour prolonger la vie des bétons et donc celle des bâtis. D’autres sont encore à l’étude, promesses d’un avenir plus écologique. Les solutions consistent à développer des capacités de régénération pour faire disparaitre fissures et craquelures. On parle alors de béton auto-réparant ou auto-régénératif.
Pour cela, la technique repose sur l’exploitation de bactéries, de champignons ou de gel. Dans le cas des bactéries, l’idée est de produire du carbonate de calcium à l’aide de ces bactéries et d’un bouillon nutritif. Le carbonate de calcium va alors servir de liant et reboucher la fissure. En intégrant cet ensemble sous forme de capsule dès la fabrication du béton afin qu’il ne s’active que lors du contact avec l’air et donc de l’apparition d’une fissure, on obtient un béton auto-réparant.
Le projet de recherche SMARTINCS a lui étudié des solutions de cicatrisations à base de gels. Le système de cicatrisation nécessite un réseau de tube polymère fixé aux barres d’armatures en acier avant les opérations de coulage du béton. Les extrémités accessibles des tubes à l’extérieur du béton permettent l’injection de l’agent cicatrisant dans le réseau et de réparer les fissures. Les meilleurs agents cicatrisants restent encore à déterminer : résines, polyuréthanes et hydrofuges sont étudiés.
Vers de nouvelles armatures plus écologiques
Pour limiter la consommation d’acier et les problèmes de corrosion inhérente à ce matériau, des éléments de substitutions sont apparus récemment. Leurs propriétés mécaniques sont semblables ou supérieures à celles des aciers et le bilan écologique bien meilleur. La société Arkema a développé une résine nommée Elium® ayant des propriétés semblables à celle des « rebars », les armatures métalliques utilisées habituellement. En plus de ne pas être sensible à la corrosion, ce nouveau matériau composite se révèle également beaucoup plus léger avec une densité proche de 2 contre 7 pour l’acier. Il est ainsi plus facile à manipuler et à déplacer sur les chantiers tout en présentant un mode d’usage semblable à l’acier. Il suffit pour cela de le former à chaud (autours de 200 degrés) pour pouvoir le cintrer ou le souder.
Cette solution est déjà opérationnelle et vise une croissance jusqu’ à 10% des parts de marchés des renforts pour le béton. Son développement est limité par une sous-communication et un vide normatif encore à combler. Le Rensselaer Polytechnic Institute (USA) a lui étudié la conception de barres de chanvres pour remplacer les rebars métalliques.
S’il est aussi utilisé comme matériaux pour l’isolation, le chanvre mêlé à des thermoplastiques se prête très bien à la fabrication de barres qui ont des propriétés mécaniques semblables à celles en acier. Inerte à la corrosion ce qui leur donne une meilleure longévité que leurs équivalents métalliques, le chanvre a aussi un coût bien plus faible que l’acier et est responsable d’émissions de carbone bien moindre lors de sa production. Il s’agit d’une solution très prometteuse dont la fabrication doit encore être améliorée. En attendant bientôt les bétons auto-cicatrisant aux armatures de chanvre ?
Des pistes de substitution pour le béton et l’acier ?
La fabrication du ciment et de l’acier aura toujours un bilan carbone important (extraction de la matière première, consommation d’énergies fossiles et libération de CO2 lors du chauffage des matériaux pour la fabrication des produits intermédiaires). De nouvelles alternatives plus écologiques doivent donc être recherchées.
En ce sens, la société Wood Tube propose en Suède de façon très audacieuse des tubes de carton comme alternative à l’acier comme éléments structurels verticaux. Ce tube peut être utilisé dans les cloisons et pour d’autres éléments structurels non-apparents. Il présente de nombreux avantages comme de moins nombreuses émissions de CO2 que l’acier (environ 14 fois moins), une recyclabilité intégrale, une facilité de mise en œuvre ou encore une meilleure implantation dans l’économie locale.
D’autres produits de substitution au béton et à l’acier utilisable à des échelles industrielles restent encore à mettre au point pour diminuer fortement l’impact carbone de la construction.