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auteurs
Amira Kamli Consultante/Experte
Parole d'expert
24 octobre 2024

Mirai : Un modèle révolutionnaire de dépistage du cancer du sein

Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et la National Breast Cancer Coalition, près de 670 000 femmes dans le monde sont décédées du cancer du sein en 2023, faisant de cette maladie l'une des principales causes de décès chez les femmes à l'échelle mondiale. 

Ces organisations prédisent qu'environ 2,3 millions de nouveaux cas de cancer du sein seront diagnostiqués chaque année. Face à cette réalité préoccupante, une équipe de chercheurs du Massachusetts Institute of Technology (MIT), a développé Mirai le modèle d'intelligence artificielle (IA) pour le dépistage précoce du cancer du sein. Comment fonctionne ce modèle et en quoi est-il différent ? Quels sont ses résultats cliniques et quels sont les freins à son intégration dans les pratiques cliniques ?

Comment fonctionne ce modèle et en quoi est-il différent ?

Mirai est un modèle d’IA qui utilise le deep learning pour analyser les mammographies et prédire le risque de cancer du sein sur une période allant jusqu'à cinq ans. Le modèle s’appuie sur des méthodes avancées de traitement d'images afin d’extraire des caractéristiques importantes des mammographies, telles que des structures complexes invisibles à l'œil humain. 

Le modèle est conçu sur une architecture en plusieurs étapes, incluant un encodeur d'images qui traite les différentes vues des mammographies pour extraire des caractéristiques complexes et un agrégateur d'images qui combine ces informations pour créer une vue globale et exploiter toutes les données visuelles disponibles. 

La nouveauté du modèle réside dans l’utilisation d'une couche additive de risque (additive-hazard layer) pour prédire le risque de cancer du sein année par année, sur une période de cinq ans. Cette couche combine l'analyse des images mammographiques avec les facteurs de risque disponibles, offrant ainsi une évaluation détaillée et personnalisée du risque sur le long terme. Le modèle a été entraîné sur un large ensemble de données comprenant 210 819 mammographies provenant de 56 786 patientes du Massachusetts General Hospital (MGH). 

A la différence des méthodes traditionnelles qui nécessitent des données cliniques supplémentaires, telles que l'âge, les facteurs hormonaux ou les antécédents médicaux, Mirai est capable de prédire ces informations directement à partir des images mammographiques. De plus, Mirai se distingue par sa capacité à s'adapter à différentes machines de mammographie et par l’utilisation des techniques d'apprentissage adversarial qui permettent de garantir des performances constantes.

Des résultats convaincants

Une évaluation a été menée sur un ensemble de 7 020 patientes provenant de deux hôpitaux internationaux, le Karolinska Institute en Suède et le Chang Gung Memorial Hospital à Taïwan. Cette étude a démontré la robustesse de Mirai dans des environnements cliniques variés. 

Le modèle Mirai a été évalué par rapport au Breast Cancer Surveillance Consortium (BCSC), le modèle de prédiction du cancer du sein le plus avancé. Le BCSC prédit 21 % des cancers chez les patientes, tandis que Mirai atteint un taux de prédiction de 28 %. 

De plus, Mirai permet de personnaliser les dépistages : les patientes à faible risque peuvent espacer leurs examens, tandis que celles à haut risque bénéficient de contrôles plus fréquents. Grâce à cette personnalisation, on estime une réduction de 18 cancers avancés pour 1 000 cancers dépistés lors de dépistages triennaux, améliorant ainsi la détection précoce et la gestion des risques dans des environnements complexes.

Limites du modèle

Bien que performant, Mirai présente certaines limites. L’un des principaux inconvénients de ce modèle de deep learning est son manque de transparence. Les algorithmes de Mirai fonctionnent comme une "boîte noire", ce qui rend difficile pour les médecins de comprendre précisément certaines de ses conclusions. 

Cette opacité pose des défis pour l'intégration clinique, car les professionnels de santé doivent souvent justifier les décisions diagnostiques et thérapeutiques et le manque de maîtrise dans l’analyse complique ce processus. Malgré ses limites, Mirai ouvre la voie à une médecine plus avancée et personnalisée. Les recherches pour améliorer l’explicabilité du modèle se poursuivent, dans l'espoir de faciliter son intégration clinique. Avec ces avancées, pourra-t-il devenir un pilier essentiel du dépistage du cancer du sein ?