Bien que le congé menstruel soit en place depuis des décennies en Asie (Japon, Corée du Sud, Indonésie), il reste rare dans le monde mais commence à se répandre en Europe.
En effet, le 16 février 2023, les députés espagnols ont adopté la loi relative au « congé menstruel ». L’Espagne devient ainsi le premier pays européen à avoir légiféré sur le sujet. Depuis, l’idée a dépassé les frontières ibériques en germant dans l'esprit de plusieurs parlementaires français du camp socialiste et écologiste. Si les dispositifs imaginés varient légèrement sur la forme, les trois propositions de loi déposées au Parlement en 2023 sur le sujet témoignent de la réflexion en cours autour du congé menstruel. Pourtant, malgré la série de propositions de loi déposées sur le sujet, un rapport sénatorial de la délégation aux Droits des femmes, rendu en juin 2023, ne se prononçait pas en faveur d'une modification de droit du travail dans ce sens.
S'il peine à faire son chemin au niveau politique, le congé menstruel est proposé aux salariées dans plusieurs entreprises et collectivités en France.
Ainsi, la municipalité de Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis) a décidé d'accorder un congé spécial aux femmes pendant leur période menstruelle. Concrètement, les agentes de la ville qui souffrent de douleurs pendant leurs règles peuvent bénéficier d’une autorisation spéciale d’absence sans jour de carence pendant deux jours par mois, d’un accès au télétravail étendu et/ou d’un aménagement de leur poste ou de leurs horaires.
Depuis, d'autres collectivités lui ont emboîté le pas, ou prévoient de le faire, comme la métropole de Lyon qui teste un dispositif similaire depuis le 1er octobre 2023.
Depuis le mardi 2 janvier 2024, la municipalité de Villeneuve-Tolosane (Haute-Garonne), a accordé à ses agentes un droit au congé menstruel. Pour le Maire de la ville, il s’agit d’une démarche « en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes. »
En parallèle, plusieurs entreprises/associations ont instauré ce type de congé. Il en est ainsi de l’Association Aéronef (enregistrement sonore et édition musicale), des sociétés Métro France (achat distribution en gros de produits), Louis Design (créateur de mobilier) ou encore Goodays (éditeur de logiciels spécialisés en Excellence client).
En l’absence de dispositions textuelles encadrant ce dispositif, les municipalités et entreprises en ont librement défini les modalités de mise en œuvre : nombre de jours à accorder, salariés concernés, conditions requises pour en bénéficier …)
Sur les bénéficiaires du congé menstruel ?
Jusqu’à présent, le droit au congé menstruel est accordé aux salariés souffrants de menstruations douloureuses ou toutes autres pathologies chroniques et épisodiques (Aéronef), ou de menstruations douloureuses liées à une pathologie (Métro France).
Si la majorité des dispositifs en vigueur s’applique uniquement aux femmes, certains ouvrent le bénéfice du congé à « tous les salariés », ce qui permet d’intégrer l’ensemble des salariés pouvant souffrir de menstruations douloureuses.
La plupart des entreprises fixe une condition d’ancienneté pour bénéficier de ce droit et conditionne le bénéfice du congé à la production préalable d’un certificat médical.
Il conviendra de mettre en balance les règles de confidentialité et de gestion des données personnelles avec la mise en œuvre de ce droit.
Sur les modalités de mise en place du congé menstruel ?
Alors que certaines entreprises ont instauré le congé menstruel par accord collectif d’entreprise spécifique (Accord Aéronef, 01/09/2023), d’autres ont préféré l’inclure dans un accord sur la négociation annuelle obligatoire (Accord NAO, Métro France du 24/02/2023), ou encore l’instaurer par le biais d’une charte dédiée (Louis Design).
Pour certaines municipalités, il est prévu un mécanisme d'autorisation spéciale d'absence rémunérée, sans jour de carence.
Sur le nombre de jours de congés sont accordés ?
Certaines entreprises ont précisé le nombre de jours de congés menstruels accordé par mois (un jour par mois pour l’entreprise Louis, deux jours de congés par mois pour la société Métro). D’autres ont au contraire préféré fixer un nombre de jours par an, à l’instar de la société Aéronef (13 jours de congés supplémentaires par an, qui peuvent toutefois être pris dans la limite de 3 jours par mois).
Sur les modalités de pose des congés menstruels ?
Les différentes mesures mises en place par les entreprises à ce sujet présentent un caractère facultatif et précisent également :
- le caractère fractionnable ou non des jours de congés accordés et/ou la possibilité d’un éventuel report sur le mois suivant ;
- les modalités de pose du congé : journée ou demi-journée, délai de prévenance, modalités d’information du manager et/ou du service des ressources humaines.
Enfin, l’opportunité du télétravail, comme alternative au congé menstruel, est parfois également envisagée (Métro France ou encore Louis Design).
Pour les opposants au dispositif, les arguments invoqués sont suivants : rupture d’égalité entre les femmes et les hommes, risques d’abus. Toutefois sur ce dernier point, les entreprises ont choisi de miser sur la confiance à l’égard des salariés concernés.
A l’heure où l’égalité entre les femmes et les hommes et la qualité de vie au travail sont au cœur des préoccupations, l’instauration d’un droit à un congé menstruel en est une nouvelle illustration dont il faudra néanmoins rapidement appréhender les enjeux.

