La commande publique, outil d’accélération de la transition écologique.
auteurs
Alain Lauriac Avocat Directeur Associé
Actualité
15 avril 2024

La commande publique, outil d’accélération de la transition écologique.

1. Les obligations intégrées dans le Code de la commande publique


Depuis le 22 août 2021, « la commande publique participe à l’atteinte des objectifs de développement durable, dans leur dimension économique, sociale et environnementale ». C’est la loi Climat et résilience 1 qui est venue imposer cette nouvelle obligation, faisant des acteurs publics, des acteurs du changement.
L’achat public représente près de 10 % du PIB, avec plus de 100 milliards d’euros annuels ; il constitue donc un véritable levier pour initier et encourager un vrai changement de paradigme, en termes de transition écologique et sociale.
Comme le précisait l’étude d’impact du projet de loi Climat et résilience : « La commande publique est un moteur de l’économie française et représente un levier important. Elle doit donc être au service d’une protection de l’environnement et d’une diminution de gaz à effet de serre. »
Dès 2014, le législateur européen avait indiqué que « les règles de passation des marchés publics [devaient] être révisées et modernisées pour accroître l’efficacité de la dépense publique ». Ainsi l’achat responsable, d’après la norme ISO 20400, se définit comme « l’achat dont les impacts environnementaux, sociaux et économiques sont les plus positifs possible sur toute la durée du cycle de vie. Un achat responsable englobe les aspects de responsabilité sociétale liés aux biens ou services et aux fournisseurs intervenant dans la chaîne d’approvisionnement ».
L’achat public a un impact sur toute la chaîne de valeur, côté aval et côté amont ; l’ensemble des acteurs publics est concerné : l’Etat, les régions, les départements, les communes et les structures intercommunales. Ces acteurs publics doivent notamment permettre l’amélioration de la responsabilité environnementale des entreprises en intégrant les enjeux énergétiques, la réduction et l’évitement des prélèvements des ressources naturelles, en prenant en compte les écolabels dans les stratégies d’achats, la réduction de déchets.
Les relations économiques d’acheteur à fournisseur entre acteurs publics et privés font l’objet d’un ensemble précis de règles issues du droit européen transcrites dans le droit national. Le droit communautaire est venu fixer les principes généraux, qui constituent le socle de la commande publique. Ces principes paraissent simples au départ, mais sont plus complexes dans leur mise en oeuvre, lorsque l’on veut préserver une offre locale ou une entreprise qui s’inscrit dans une relation contractuelle ancienne.
A l’image d’une compétition, ce n’est pas l’ancrage local ou historique qui va permettre à une entreprise d’être retenue, au titre des procédures de la commande publique. C’est d’une part la qualité de l’entreprise et des personnes qui la composent, et d’autre part la qualité de l’offre, sa conformité et son caractère innovant et respectueux des dispositions du cahier des charges.

C’est à ce titre que l’acteur public se doit d’amener l’entreprise à prendre en compte la dimension développement durable. Le calendrier impose que dès 2025, 100 % des marchés publics devront prendre en compte la dimension environnementale ; à partir de 2030, il sera obligatoire d’utiliser des matériaux biosourcés ou bas carbone dans moins de 25 % des rénovations lourdes et des constructions relevant de la commande publique.
Pour cela a été établi un plan national des achats durables (PNAD) 2022-2025, qui vient imposer des objectifs d’accompagnement des acteurs publics, afin d’accélérer le changement des pratiques en matière d’achat durable.
Dans un premier temps, l’acheteur public doit s’approprier les objectifs et actions imposées par le PNAD, puis dans un deuxième temps mobiliser et promouvoir ses prescriptions.
A ce titre, les décideurs locaux, ancrés dans un maillage territorial dense, se doivent d’irriguer l’ensemble des entreprises concernées, en mettant en oeuvre les ambitions du PNAD dans la mise en oeuvre d’une politique de décarbonation.
Afin de pouvoir réussir dans cette démarche, il est nécessaire de mettre en cohérence tous les leviers de l’action publique budgétaire, afin de s’assurer que tout aille dans le même sens, parce qu’il y a trop d’actions qui ne sont pas articulées entre elles et qui sont donc une source de confusion.

 


2. La formation pour accélérer la diffusion à tous les échelons de l’organisation territoriale


Compte tenu des difficultés engendrées par l’évolution et la complexité des réglementations, la diffusion de ces pratiques/principes nécessite la mise en œuvre d’actions de formation, visant à associer l’ensemble des acteurs de la commande publique : les donneurs d’ordre, les rédacteurs des appels d’offres, les personnes évaluant les réponses, ainsi que les personnes en charge du suivi de l’exécution du marché et de la vérification du respect des engagements liés à la transition écologique.
Ces actions de formation doivent amener l’acteur public à changer de paradigme, en sortant de la recherche du prix bas, pour aller vers un achat responsable, plus global et peut-être plus cher, mais surtout plus durable.
Pour atteindre ces objectifs, il est également nécessaire de placer la relation fournisseur dans un cadre labellisé (recommandations de la norme ISO 20400), qui va privilégier les relations fournisseurs et achats responsables.
L’objectif est de pouvoir faire émerger des offres plus vertueuses.

 


3. Les entreprises doivent évoluer pour s’inscrire dans ce changement de paradigme


Pour ne pas être exclues de la commande publique, ces entreprises devront respecter les obligations CSRD, en application des dispositions de l’article R. 3123-7-1 du Code de la commande publique ; d’une part en se conformant à l’ensemble des mesures visant à respecter cette évolution de la commande publique, en termes d’achats responsables, et d’autre part en termes de gouvernance, en respectant les prescription de l’ordonnance du 6 décembre 2023 relative à la publication et à a certification d’informations en matière de durabilité et aux obligations environnementales, sociales, et de gouvernement d’entreprise des sociétés commerciales (obligations CSRD).
Ces obligations s’appliqueront dès 2025 à de nombreuses entreprises. Toutes les
sociétés de forme commerciale sont concernées dans l’hypothèse où deux des trois seuils suivants sont dépassés sur deux exercices : 250 salariés, 40 millions d’euros de chiffre d’affaires, 20 millions d’euros de bilan.
Pour répondre et permettre la réalisation des travaux de rénovation énergétique dans des délais contraints, avec le décret du 3 octobre 2023, à titre expérimental pendant une période de cinq ans, les entreprises pourront répondre à des marchés globaux de performance énergétique avec tiers-financement, qui dérogent au principe de l’interdiction du paiement différé.
Les acteurs publics, en tant qu’acteurs du changement, ont ce devoir de vigilance et d’implication nécessaires à la transition écologique.