Applicable depuis le 1er janvier 2024, la directive dite C.S.R.D. (directive UE 2022/2464) fixe de nouvelles normes et un cadre européen commun en matière de reporting extra financier.
Celle-ci a vocation à entrer en vigueur de manière progressive en fonction des seuils d’application.
Rappel des seuils actualisés applicables¹ :
1er janvier 2024 : Premier reporting en 2025 (pour l’année 2024)
Grandes entreprises (cotées sur un marché réglementé et établissements de crédit, notamment) déjà soumises à la directive sur la publication d’informations non financières.
1er janvier 2025 : Premier reporting en 2026 (pour l’année 2025)
Grandes entreprises remplissant deux des critères suivants : plus de 250 salariés, plus de 50 millions d’euros de chiffres d’affaires, plus de 25 millions de total de bilan
1er janvier 2026 : Premier reporting en 2027 (pour l’année 2026)
PME cotées en bourse (sauf micro-entreprises : entreprises de moins de 10 salariés dont le total du bilan ne dépasse pas 450.000 euros ou dont le montant net du chiffre d’affaires ne dépasse pas 900.000 euros)
Dans ce cadre, les European Sustainability Reporting Standards, plus connus sous l’acronyme « E.S.R.S. », spécifient les informations qu’une entreprise entrant dans le champ de la C.S.R.D. doit publier sur ses impacts, risques et opportunités (I.R.O.) importants, en ce qui concerne les questions de durabilité dans les domaines suivants : environnemental, social et de gouvernance (E.S.G.).
En raison des seuils sus rappelés, on a généralement tendance à penser que seules les ETI et PME de taille significative seront concernées par la CSRD dès 2026 et que les petites ETI et les PME ne franchissant pas les seuils au sens de l’article 3 de la directive 2013/34 du 26 juin 2013 sont, de prime abord, exclues de ces obligations.
Est-ce exact ?... Rien n’est moins sûr... vous allez comprendre pourquoi.
En quoi les PME peuvent-elles être indirectement concernées par « capillarité » par la C.S.R.D. ?
Une PME non directement concernée par les obligations liées à la C.S.R.D. et à l’exigence d’un rapport de durabilité, peut cependant légitimement craindre, notamment si elle est un fournisseur important (fournisseur de rang 1 ou 2) ou un fournisseur stratégique d’une société cotée ou d’une grande entreprise tenue à l’établissement d’un rapport de durabilité, de devoir elle-même, par capillarité, collecter, qualifier, vérifier et produire un certain nombre d’informations, que lui demandera de lui communiquer la société donneur d’ordres concernée par la C.S.R.D.
Est-ce cependant à dire qu’elles doivent produire le même niveau d’information ?
Non évidemment et ce notamment en vertu de la règle que l’on pourrait appeler règle des « deux P » : plafond et proportionnalité.
L’EFRAG, dans son guide de mise en œuvre de la chaine de valeur (qui demeure un simple guide sans valeur engageante) rappelle à cet égard l’existence d’une limite appelée « plafond L.S.M.E. » visant à limiter la charge de telles demandes pour les PME (rarement structurées à cette fin) et à intégrer de la proportionnalité dans les E.S.R.S. à leur égard. Ce plafond L.S.M.E. consisterait à prévoir qu’une grande entreprise astreinte à la C.S.R.D. ne puisse pas exiger des petites et moyennes entreprises incluses dans sa chaine de valeur, des informations qui obligeraient les entreprises déclarantes à demander aux dites PME, des informations qui iraient au-delà des informations exigées dans l’E.S.R.S. pour les PME cotées (Norme « L.S.M.E. », étant précisé que la norme correspondante est toujours en cours d’élaboration).
Cela s’inscrit dans le cadre du souhait exprimé par la Commission Européenne² de créer un environnement règlementaire favorable pour les PME, afin qu’elles puissent être productives, compétitives et résilientes.
Précisons également, en complément, qu’une grande entreprise concernée par la C.S.R.D. n’a pas l’obligation d’établir un rapport sur chacun des acteurs de sa chaine de valeur et que, par ailleurs, l’effort imposé aux acteurs de la chaine de valeur doit être proportionné. Des solutions existent lorsqu’une grande entreprise concernée par la C.S.R.D. n’a pas pu collecter les éléments nécessaires avec la fiabilité requise, pour autant qu’elle puisse justifier avoir déployé des efforts raisonnables.
Les PME et ETI qui seraient sollicitées avec trop de rigueur pourront rappeler, avec opportunité, l’existence du Plafond PME et du nécessaire Principe de Proportionnalité et de mesure à leur égard. On peut parler de règle des “2P” à invoquer.
Les PME et ETI, d’essence souvent familiale, sont généralement très pragmatiques et attendent rarement l’évolution de la loi pour agir avec responsabilité. L’attention portée aux fournisseurs, aux clients, au territoire et plus généralement aux parties prenantes est souvent déjà très fort (achat régional, production locale, attention au territoire, formation des jeunes, transmission du savoir). La démarche est le plus souvent motivée par une logique d’efficience.
Il est probable que dans les semaines ou mois à venir, nombre de PME et ETI intégrées à la chaine de valeur des grandes entreprises donneurs d’ordres seront contactées en vue de commencer à structurer un certain nombre de données les concernant. Il convient de s’y préparer.
Précisons enfin, que l’EFRAG travaille également à la production d’un standard (dit « ESRS volontaire ») pour les petites et moyennes entreprises non cotées en bourse. L’objectif est de donner un cadre structuré aux PME qui souhaiteraient s’inscrire volontairement dans une trajectoire de durabilité répondant à un cadre et permettant une structuration et une comparabilité de la donnée ainsi produite.
En conclusion, si les PME ne doivent pas avoir peur de la C.S.R.D. par capillarité du fait du « principe de proportionnalité » prévu par la directive, elles doivent cependant commencer à s’y préparer dès à présent, en anticipant, en lien avec le pivot de la chaine de valeur dont elles dépendent, la structuration et la qualification de la donnée pertinente, en mettant en œuvre, le cas échant, les outils de mesure nécessaires et le schéma de collecte et de remontée de cette donnée qualifiée. L’IA générative pourrait rapidement s’avérer être une aide précieuse dans ce cadre.
¹ Précisons à cet égard qu’un relèvement de ces seuils de 25 % est intervenu et a donné lieu à une transposition en droit français par un décret du 28 février 2014[1] publié au J.O le 29 février 2024 de la directive déléguée du 17 octobre 2023 (UE 2023/ 2775), afin que les micros, petites et moyennes entreprises ne soient pas soumises à de nombreuses dispositions de l’Union Européenne applicables aux grandes entreprises et qui concerne la publication d’information en matière de durabilité.
² Question / réponse communication sur le soutien aux PME du 12 septembre 2023