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Brice Malivet Avocat
Guillaume Rabant Avocat Associé
Quentin Wemaëre Avocat Directeur Associé
Parole d'expert
14 mars 2025

Dividendes : Nouvelles règles, nouvelles stratégies !

Le droit des sociétés a connu une évolution notable concernant les distributions en dehors de l'assemblée générale annuelle d'approbation des comptes (AGOA). Cette pratique, pourtant largement répandue, voit ses contours redéfinis par une série de décisions récentes.

En septembre 2022, à la surprise des spécialistes du droit des sociétés, le Tribunal de commerce de Paris avait qualifié de « dividendes fictifs » les distributions réalisées en dehors de l'AGOA. 

Face à cette incertitude, la décision de la Cour d'appel de Paris du 30 janvier 2025 a été accueillie comme un soulagement. Elle validait la possibilité pour les sociétés de procéder à des distributions de réserves, primes ou report à nouveau indépendamment de l'AGOA. Cette décision a été perçue comme un retour à la flexibilité pour les praticiens du droit des affaires. 

Cependant, la Cour de cassation a, quelques jours après, introduit une nouvelle contrainte dans son arrêt du 6 février (Cass. Com. 12 février 2025 n°23-11.410). Elle précise que le report bénéficiaire d'un exercice est inclus dans le bénéfice distribuable de l’exercice suivant, et que seule l’AGOA est compétente pour décider de son affectation, ou de sa distribution éventuelle. 

Par conséquent, toute décision de distribution prise hors de ce cadre peut être annulée par toute personne ayant un intérêt privé. 

Si la Cour de cassation rejoint la position du Tribunal de commerce de Paris et prend le contrepied de la Cour d'appel de Paris sur la distribution du report à nouveau, rien ne semble interdire la distribution de sommes prélevées sur les réserves en dehors de l’assemblée générale annuelle.

La vigilance est donc de mise quant au respect du cadre légal lors de distribution de dividendes puisque les sanctions peuvent être lourdes de conséquences : la nullité de la décision d’assemblée, la restitution des dividendes versés, la responsabilité civile du dirigeant, la responsabilité pénale pour distribution de dividendes fictifs.

Au regard des dispositions fiscales, une distribution de dividendes faites en violation des dispositions légales devrait s’analyser comme suit :

  • Il s’agit d’une distribution de dividendes au sens de l’article 109 du CGI,
  • Qui reste taxable selon les règles de droit commun applicables aux actionnaires bénéficiaires.

Toutefois, en cas de nullité de la décision et du remboursement du dividendes, la doctrine administrative (BOI-RPPM-RCM-20-10-10 n° 240) prévoit, pour les personnes physiques un mécanisme de déduction sur le revenu de l’année au cours de laquelle le dividende est remboursé. Pour les personnes morales, soumises à l’impôt sur les sociétés, il sera nécessaire de procéder à une réclamation.

En revanche, les conséquences fiscales pourraient être onéreuses si la stratégie de la distribution du report à nouveau retenue avait eu pour objectif principal ou exclusif d’en faire bénéficier au nu-propriétaire alors que celui-ci revenait de droit à l’usufruitier.

Cette évolution invite donc les dirigeants et associés à une réflexion approfondie sur les orientations financières à prendre lors des prochaines assemblées annuelles.

auteurs
Brice Malivet Avocat
Guillaume Rabant Avocat Associé
Quentin Wemaëre Avocat Directeur Associé