Dans un arrêt en date du 19 janvier 2022, la Cour de cassation retient que la seule constatation de l’atteinte au droit à l’image du salarié ouvre droit à réparation. Ainsi, des salariés ayant été photographiés et apparaissant, par exemple, sur le site internet de leur ancien employeur sont susceptibles de réclamer une indemnisation à ce titre. Peu importe l’absence de démonstration d’un quelconque préjudice !
Dans l’affaire soumise à la Cour de cassation, deux salariés dont le contrat avait été rompu avaient saisi la juridiction prud’homale. Ils réclamaient notamment à leur ancien employeur, des dommages-intérêts au titre de l’atteinte portée à leur droit à l’image.
Chacun de ces salariés avaient en effet été photographié avec l’ensemble de leur équipe pour apparaître sur le site internet de l’entreprise. Postérieurement à la rupture de leur contrat de travail, ils avaient informé leur ancien employeur de leur volonté de voir cette photographie supprimée. Toutefois, ce n’est qu’ultérieurement - après la communication des conclusions de première instance formulant une telle demande - que l’employeur avait retiré la photographie litigieuse.
La Cour d’appel avait néanmoins débouté les salariés de leur demande. Elle relevait que la photographie avait finalement été supprimée, conformément au souhait de ces derniers. En outre, les salariés ne démontraient « aucunement l’existence d’un préjudice personnel, direct et certain résultant du délai de suppression de la photographie en question ».
Mais la Cour de cassation ne partage pas cette analyse. Selon elle, il résulte de l’article 9 du code civil que le droit dont la personne dispose sur son image porte sur sa captation, sa conservation, sa reproduction et son utilisation, et que la seule constatation d'une atteinte ouvre droit à réparation (n°20-12420).
Autrement dit, le salarié est dispensé de démontrer l’existence d’un préjudice pour obtenir une indemnisation fondée sur l’atteinte portée à son droit à l’image.
En réalité, la solution ne surprend pas. La deuxième chambre civile de la Cour de cassation a retenu dans un arrêt du 30 juin 2004 (n°03-13416) que « le seul constat de l'atteinte au droit de chacun de s'opposer à la publication de son image, sans qu'il y ait lieu de s'expliquer davantage sur la nature du préjudice qui en est résulté, ouvre droit à réparation ». Dans un arrêt plus récent, en date du 2 juin 2021 (n°20-13753), la première chambre civile a décidé sur le fondement des articles 9 du code civil et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme que « le droit dont la personne dispose sur son image porte sur sa captation, sa conservation, sa reproduction et son utilisation et que la seule constatation d'une atteinte ouvre droit à réparation ». Ainsi, la solution dégagée par la chambre sociale s’inscrit dans le sillage de ces décisions.
Reste que si l’existence du préjudice est présumée, son étendue relève de l’appréciation des juges du fond. Ces derniers seront peut-être réticents à allouer une indemnisation conséquente au salarié qui n’apporte pas la preuve de son préjudice. Le salarié qui dispose d’éléments probants en sa faveur aura donc intérêt à démontrer l’existence et l’importance de son préjudice s’il entend réclamer des dommages-intérêts substantiels !
L’employeur veillera quant à lui à s’assurer que le consentement du salarié sur l’utilisation de son image a bien été recueilli et qu’il s’avère incontestable (en particulier après la rupture de son contrat de travail). A défaut, l’employeur prendra soin de supprimer l’ensemble des photographies du salarié concerné sur tous les supports existants (internet, intranet, affiches…).
Cette décision confirme que si l’employeur entend utiliser l’image de ses salariés, la rédaction d’un accord en ce sens est indispensable. Sa formulation appelle alors à la plus grande prudence (supports concernés, durée, objet de l’utilisation…).