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Penser à la donation-partage après coup…coûte plus cher !

24 avril 2018

C’est la mauvaise surprise qu’ont eue des parents donateurs dans une affaire jugée récemment par la Cour de cassation (Cass. Civ.1ère, 21 mars 2018, n°17-14195). Ils ont alors intenté une action en responsabilité pour défaut de conseil du notaire qui avait commencé par formaliser la donation faite à leurs deux enfants de la nue-propriété de parts sociales dans deux donations simples, avant de leur faire incorporer ces donations, quelques années plus tard, dans une donation-partage. En vain.

Une telle chronologie est loin d’être isolée. En effet, il n’est pas rare que le premier don manuel de somme d’argent que des parents font à  l’un de leurs enfants emprunte la forme d’une donation simple. Imaginons, par exemple, les nombreux cas de parents désireux de soutenir le projet entrepreneurial ou immobilier de l’un de leurs enfants.

A l’occasion d’une nouvelle donation qu’ils souhaitent consentir à un autre de leurs enfants ou parce qu’ils ont été alertés par un de leurs conseils sur les dangers encourus, au moment de leur succession, en présence d’une transmission anarchique et non réfléchie de leur patrimoine, les parents donateurs procèdent, par la suite, à une donation-partage à laquelle est  incorporé le don manuel préalablement consenti : l’enfant qui a déjà reçu le don manuel se voit alloti de ce don alors que les autres enfants reçoivent de nouvelles donations. Précisément, le don est incorporé  à la donation-partage pour une valeur correspondant au montant nominal donné ou, si la somme a été employée à l’acquisition d’un bien (appartement, titres de société…), pour la valeur dudit bien au jour de l’incorporation, mais sans prendre en compte les plus ou moins values dues à l’activité du gratifié depuis l’acquisition. Il est également possible, avec l’accord de tous, que le bien incorporé ne soit pas mis dans le lot de l’enfant qui avait reçu le don de somme d’argent mais réattribué à l’un des autres enfants.

Une telle « incorporation » a un coût : il s’élève, en principe, au montant du seul droit de partage de 2,5% assis sur la valeur de l’incorporation, c’est-à-dire la valeur au jour de la donation-partage, soit du bien donné, soit de la valeur du bien qui a été, le cas échéant, subrogé au bien initialement donné dans le patrimoine du donataire. Or, ce droit de partage n’est pas dû lorsque la donation a été immédiatement réalisée en la forme d’une donation-partage.

Toutefois, précisons ici que, ce régime de taxation de l’incorporation suppose que la donation incorporée ait déjà été taxée aux droits de donation. Or, il faut avoir à l’esprit que lorsqu’une donation est réalisée par voie de don manuel, les droits de donation ne sont pas nécessairement payés au moment où la donation est consentie,  le don manuel n’étant pas, en lui-même, un fait générateur de taxation, contrairement à la donation notariée.

Dans ces conditions, si le don manuel n’a pas été taxé aux droits de mutation à titre gratuit,  les droits de donation vont être exigibles à l’occasion de l’incorporation : cette dernière joue comme une révélation de don manuel et est donc, comme telle, un fait générateur de droits de donation. Deux difficultés se posent alors : la première concerne l’assiette des droits de donation dus en présence d’un don manuel de somme d’argent et la seconde concerne la question de savoir si cette taxation aux droits de donation est, ou non, exclusive d’une taxation au droit de partage.

Concernant la première difficulté, les avis semblent unanimes pour décider que le don manuel incorporé est taxé aux droits de mutation à titre gratuit sur sa valeur nominale, sans réévaluation et sans tenir compte des éventuels emplois.

Concernant la seconde, une réponse ministérielle de 2001 avait exclu le cumul des droits de donation ainsi calculés avec la perception du droit de partage. On ne peut toutefois pas garantir que cette solution est toujours d’actualité.

Deux enseignements principaux sont à retenir, à la lecture de la récente décision rendue par la Cour de cassation.

Premièrement, on comprend que l’accompagnement patrimonial du client donateur ou donataire suppose, pour être exclusif de toute responsabilité liée au surcoût engendré par une incorporation dans une donation-partage subséquente à une donation simple (les deux donations ayant été réalisées avec le même conseil), qu’aient été envisagés, au moment de la donation simple, les enjeux liés à la forme choisie pour la donation au regard des conséquences attachées au choix entre la donation simple et la donation-partage, en termes de liquidation et de partage de la succession du donateur. A cet égard, notons qu’une clause figurant dans l’acte de la donation simple – une telle clause pouvant également se trouver dans le pacte adjoint du don manuel - et rappelant les effets successoraux d’une donation simple a été l’un des critères retenus par les juges pour écarter toute responsabilité du notaire rédacteur des donations dans l’affaire jugée par la Cour de cassation.

Deuxièmement,  on retient que, dès la première transmission réalisée dans un cadre familial, les donateurs doivent s’interroger sur la pertinence de recourir directement ou non à la donation-partage, afin  d’éviter le surcoût lié à la réalisation de la donation-partage « après coup ». Et, dans cette réflexion, ils doivent avoir à l’esprit que la qualification de donation-partage, avec tous les effets qui lui sont attachés, peut être obtenue alors même que les lots des enfants seraient inégaux.

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