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Nouvelle directive européenne sur les droits des actionnaires : pas de bouleversement majeur pour les sociétés françaises cotées

27 avril 2017

La nouvelle directive européenne sur les droits des actionnaires, qui était en discussion depuis 2014, a été adoptée par le Parlement européen le 14 mars 2017 puis par le Conseil des ministres de l’Union Européenne le 3 avril 2017. Les Etats membres devront la transposer dans leurs législations nationales respectives d’ici 2019.

Ce texte vise essentiellement à permettre une plus grande interactivité entre les sociétés cotées et leurs actionnaires et à donner à ces derniers plus de pouvoirs en matière de rémunérations des dirigeants et de gestion des conflits d’intérêts. A cette fin, il donne tout d’abord le droit à toute société cotée d’identifier ses actionnaires (1). Il vise ensuite à favoriser l’exercice effectif du droit de vote des actionnaires aux assemblées (2). Il impose également une plus grande transparence, d’une part aux investisseurs institutionnels et aux gestionnaires d’actifs qui sont souvent des actionnaires importants, et d’autre part aux agences de conseil en vote, qui peuvent avoir dans certaines sociétés une influence significative sur le vote aux assemblées (3). Enfin, il instaure à l’échelle européenne un système de « say on pay » et de contrôle des conventions dites « réglementées » (4).

En pratique, pour les sociétés françaises cotées sur Euronext, la directive n’apporte pas de bouleversement majeur, mais simplement quelques ajustements, dans la mesure où le législateur français a devancé les instances européennes sur la plupart des sujets abordés.

1 - Permettre aux sociétés cotées d’identifier leurs actionnaires

La directive a pour ambition de favoriser la communication des sociétés cotées avec leurs actionnaires. Pour cela, elle affirme le droit pour toute société cotée de connaître ses actionnaires. En pratique, toute société cotée pourra exiger des intermédiaires financiers qui offrent des services de tenue de compte et de gestion de titres qu’ils lui communiquent les informations permettant d’établir l’identité de ses actionnaires (noms, coordonnées ou numéro de registre, nombre et catégories d’actions détenues, date depuis laquelle les actions sont détenues). S’il existe une chaîne d’intermédiaires, la société pourra s’adresser à n’importe quel maillon de cette chaîne. La Commission Européenne devrait adopter des actes d’exécution afin de préciser les modalités pratiques de mise en œuvre de ces nouvelles dispositions dont la mise en œuvre pourrait s’avérer délicate, surtout vis-à-vis des intermédiaires financiers ayant leur siège en dehors de l’Union Européenne. Il faut également noter que les Etats auront la faculté de prévoir que ce droit d’identification soit limité aux actionnaires détenant un certain pourcentage d’actions ou de droits de vote, ce pourcentage ne pouvant excéder 0,5%. Si cette option était retenue pour les sociétés françaises, cela limiterait bien sûr son intérêt puisque celles-ci ont déjà la faculté d’insérer dans leurs statuts des déclarations de franchissement de seuils à partir de 0,5% du capital ou des droits de vote.

2 - Favoriser l’exercice du droit de vote aux assemblées

La directive vise aussi à impliquer davantage les actionnaires dans le suivi des sociétés dans lesquelles ils investissent, et en premier lieu à faire en sorte que les actionnaires soient plus nombreux à exercer leur droit de vote en assemblée. En effet, pour le législateur européen, l’engagement des actionnaires dans la gouvernance sur le long terme est un des leviers pouvant contribuer à améliorer les performances tant financières que non financières des entreprises.

Aussi, la directive impose-t-elle aux intermédiaires financiers de prendre les mesures nécessaires pour que les actionnaires exercent eux-mêmes leur droit de vote, ou leur donnent mandat d’exercer ce droit de vote en leur nom et pour leur compte.

3 - Imposer une plus grande transparence aux investisseurs institutionnels, gestionnaires d’actifs et agences de conseil en vote

Les investisseurs institutionnels et gestionnaires d’actifs* sont souvent des actionnaires significatifs et s’avèrent, selon le législateur européen, trop centrés sur les rendements à court terme. La directive incite donc ces acteurs, d’une part, à publier une « politique d’engagement » expliquant comment ils suivent la stratégie, les performances financières et non financières, le risque, la structure du capital, l’impact social et environnemental et la gouvernance d’entreprise et, d’autre part, à être transparents sur la manière dont ils exercent leur droit de vote en assemblée. L’objectif recherché à travers cette transparence est d’inciter les acteurs concernés à agir dans l’intérêt à long terme des sociétés.

La directive vise aussi les agences de conseil en vote, qui peuvent exercer une influence significative sur le comportement des investisseurs à travers les recommandations de vote qu’elles émettent. Il leur est ainsi demandé de publier la méthodologie et les sources d’information qu’elles utilisent pour élaborer leurs recommandations de vote, ainsi que leur politique de prévention et de gestion des conflits d’intérêts réels ou potentiels.

Les mesures exposées ci-dessus visant les investisseurs, gestionnaires d’actifs et agences de conseil en vote ne sont pas obligatoires mais ceux qui ne les appliqueraient pas devraient justifier de leur décision en donnant une explication claire et motivée (selon le principe « comply or explain »).

4 - Renforcer le contrôle des actionnaires sur les rémunérations des dirigeants et les transactions avec des parties liées

La directive vise à harmoniser les droits des actionnaires des différents pays européens en matière de rémunération des dirigeants. Elle prévoit un système de « say on pay » qui s’articule autour de deux votes des actionnaires : un vote ex ante au moins tous les quatre ans sur la politique de rémunération (qui peut être impératif ou simplement consultatif, à l’option des Etats membres) et un vote ex post consultatif, tous les ans, sur les rémunérations versées aux dirigeants au titre de l’exercice précédent.

Avec la loi Sapin II du 9 décembre 2016, le législateur français a déjà mis en place un dispositif de vote ex ante et ex post sur les rémunérations des dirigeants, plus contraignant encore que celui de la directive, puisqu’il s’exerce tous les ans et de manière impérative. La directive n’apportera donc pas de changement de ce point de vue.

Les émetteurs français devront néanmoins être encore plus transparents, en indiquant notamment au marché, pour chaque exercice, comment la rémunération des dirigeants contribue aux performances à long terme de la société  et en présentant une comparaison de l’évolution annuelle de la rémunération des salariés et de celle des dirigeants.

La Directive prévoit également une obligation d’approbation préalable des conventions « importantes » passées entre la société et ses dirigeants ou actionnaires (dits « parties liées** »), qui ne devrait pas, elle non plus, conduire à remettre en cause le système français d’approbation des conventions dites « réglementées ».

Elle ajoute toutefois, ce qui est nouveau pour les émetteurs français, l’obligation d’annoncer publiquement, au plus tard au jour de leur conclusion, les transactions importantes avec les parties liées. Les Etats membres pourront également imposer la production d’un rapport établissant que la transaction est équitable et raisonnable du point de vue de l’entreprise et des actionnaires qui ne sont pas des parties liées. Ce rapport serait établi soit par un tiers indépendant, soit par l’organe de surveillance de l’entreprise, soit par le comité d’audit ou tout comité composé de membres indépendants.

La réglementation française en matière d’information du public impose d’ores et déjà aux émetteurs de divulguer les transactions significatives. En outre, certains grands émetteurs français ont également déjà recours à des rapports d’experts pour conforter la décision d’approbation préalable par le conseil d’administration ou de surveillance de telles conventions. La directive ne devrait donc pas représenter un bouleversement des pratiques.

En conclusion, sans imposer de contrainte supplémentaire significative aux émetteurs français, la directive devrait favoriser des interactions plus fortes entre les sociétés cotées et leurs actionnaires, grâce à une meilleure connaissance par les émetteurs de leur actionnariat, un taux de participation accru des actionnaires aux assemblées et un meilleur suivi par les investisseurs institutionnels et gestionnaires d’actifs de la stratégie à long terme, financière et non financière, des sociétés cotées.

* Un investisseur institutionnel est une entreprise qui exerce des activités d’assurance-vie ou un institution de retraite professionnelle ; un gestionnaire d’actifs est une entreprise d’investissement qui fournit des services de gestion de portefeuille à des investisseurs institutionnels.
** La Directive fait un renvoi aux parties liées au sens des normes comptables internationales.

 

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