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Cadeaux de Noël … ou dons manuels ?

19 décembre 2017
par
Sébastien Comparot

Puisque c’est l’époque, intéressons-nous au sort des cadeaux de Noël au regard du droit et de la fiscalité. Ces cadeaux, à condition de rentrer dans la définition des présents d’usage, sont soumis à un régime de faveur, tant sur le plan civil que sur le plan fiscal.

  1. Qu’est-ce qu’un présent d’usage ?

Le présent d’usage peut être défini comme un cadeau d’une valeur modique, offert lors d’un évènement particulier à l’occasion duquel il est d’usage de se faire des cadeaux. Deux conditions cumulatives doivent ainsi être remplies pour que l’on soit en présence d’un présent d’usage :

  • Première condition :  un usage social de faire un cadeau à l’occasion d’un évènement marquant de la vie (mariage, anniversaire, naissance d’un enfant, etc.) ou de certaines fêtes, comme Noël. En pratique, il est donc nécessaire que la remise effective du présent ait lieu à une date concomitante ou très proche de l’évènement.
    Ainsi, il a été jugé qu’un chèque remis plus de cinq mois après le mariage du donataire ne pouvait constituer un présent d’usage (CA Paris, 11 oct. 2017, n° 16/12073, pôle 3, ch. 1) tout comme plusieurs chèques remis à un mois d’intervalle environ de la date de Noël ou d’un anniversaire (CA Riom, 11 juill. 2017, n° 15/02911). A fortiori, une mère qui remet à son fils 16 chèques dans les 16 mois précédant son décès ne lui consent pas un présent d’usage faute pour ces remises de pouvoir être associées à un quelconque usage social de se faire mensuellement des cadeaux ! (TGI Strasbourg, 22 octobre 2009, n° 08-3878).
  • Deuxième condition :  la modicité du don au regard de la fortune du disposant. Ici, la principale difficulté tient au fait qu’il n’existe pas de règle légale de proportionnalité entre, d’une part, l’importance du présent et, d’autre part, l’état de fortune du disposant : tout est donc question d’appréciation au cas par cas…Il est important de relever que le caractère de présent d’usage s’apprécie au regard de la fortune du disposant à la date où le don est consenti (C. civ., art. 852 al. 2). Il a ainsi pu être jugé que la prise de valeur au jour du décès de la donatrice d’aquarelles remises à titre de présent d’usage importe peu : la modicité du présent d’usage s’apprécie au jour du don, non au décès du donateur ! 
    Si aucun pourcentage n’est fixé légalement pour déterminer la modicité d’un cadeau, il est admis en pratique que le régime du présent d’usage ne sera pas remis en cause si sa valeur n’excède pas environ 2 % du patrimoine du donateur. Mais, attention, ce critère ne résulte pas d’un texte de loi ! Les juges restent souverains pour apprécier la situation…
    Il a par exemple été jugé qu’une mère de famille qui donne 15 000 € à chacun de ses enfants pour Noël leur consent un présent d'usage, et non un don manuel taxable dès lors qu’à cette date elle disposait d'un patrimoine de 1 250 000 € (CA Paris, 11 avr. 2002 n° 01/3791, 1e ch. B). De même, la remise d’un chèque de Noël de 7 500 € à chacun de ses deux légataires universels par une personne dont le patrimoine s’élève à près de 900 000 € constitue un présent d'usage non imposable (CA Orléans, 11 oct. 2007 n° 06-3246, ch. com., éco. et fin.).

2. Quels sont les enjeux liés à la qualification de présent d’usage ?

La qualification de présent d’usage présente l’intérêt de situer le cadeau de Noël hors du droit et de la fiscalité : il ne sera ni rapportable à la succession du donateur, ni réductible, ni révocable pour ingratitude du donataire, ni taxable aux droits de donation. Il n’a donc pas à être déclaré à l’administration fiscale ou au notaire, ni au moment du don ni au moment de la déclaration de succession. Autrement dit, celui qui l’a reçu n’en devra aucun compte à ses cohéritiers, au moment du règlement de la succession du donateur.

En revanche, il suffit que la remise du bien ne corresponde pas à un usage déterminé ou que la valeur du cadeau ne puisse être considérée comme modique et la qualification de don manuel s’impose : le régime juridique et fiscal du don sera celui des donations. Un cohéritier pourra alors demander à ce que le don reçu par son frère ou sa sœur soit rapporté à la succession du donateur et vienne ainsi en déduction de sa part d’héritage ; le parent donateur pourra en demander la révocation si le donataire est jugé ingrat ; l’administration fiscale pourra réclamer le paiement de droits de donation…

3. Sur quoi peut porter un présent d’usage ?

Même si le présent d’usage porte généralement sur des sommes d’argent, rien ne s’oppose à ce que le donateur offre d’autres biens (bijoux, voitures, tableaux etc…) dès lors que leur valeur reste modique au regard de son patrimoine. Et le présent d’usage peut être réalisé au profit de toute personne, dès lors que l’usage social est vérifiable.

Il a ainsi été jugé que le cadeau fait par un père à sa fille le jour de son mariage d’un ensemble d’aquarelles d’une valeur de 70.000 F peut être qualifié de présent d’usage (Cass. 1re civ., 10 mai 1995, n° 93-15187) ; et si la remise de plusieurs tableaux par un père galeriste et marchand d’art à ses enfants n’a pas été qualifié de présent d’usage dans une affaire récente, c’est uniquement faute de preuve d’une remise à l’occasion d’un évènement correspondant à un usage social (CA Versailles, 3 mars 2017, n° 15/01071, 1re ch., sect. 1).

Attention toutefois ! Il ne semble pas judicieux de transférer des titres sociaux sous forme de présent d’usage. En effet, lors de la revente des titres par le donataire, l’administration risque de retenir un prix d’acquisition nul. Seul un don manuel dûment enregistré de titres a la vertu fiscale de « purger » les plus-values latentes.

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