Encadrement des relations commerciales entre entreprises : le point sur les projets d'évolution du cadre légal
La rentrée 2024-2025 est marquée par un contexte politique incertain et un contexte économique toujours mouvant.
Au « stop the clock » législatif provoqué par la dissolution de l’Assemblée nationale pourrait succéder une reprise des travaux parlementaires à l’automne et – en dépit d’une baisse des prix amorcée – la protection du pouvoir d’achat des consommateurs demeure au cœur des préoccupations de ces derniers.
Alors que la mise en œuvre des dispositions issues des lois dites « EGalim » soulève encore un grand nombre d’interrogations et que le projet de leur ajustement, quoique mis en pause, pourrait bien renaître, sous une forme ou une autre, à l’échelle française comme européenne, il est important d’identifier les tendances qui pourraient tôt ou tard se dégager.
A l’échelle française
L’arrêt brutal en début d’été des travaux parlementaires ne saurait augurer une mise aux oubliettes définitive d’une éventuelle loi dite « EGalim IV ». Les questions soulevées et non encore traitées par la loi demeurent tel qu’en témoignent les récents commentaires dans la presse d’acteurs du secteur de la distribution à propos notamment des mécanismes de renforcement d’une construction des prix en marche avant (ex. du calendrier des négociations 2025 – v. BFM, le 29 août 2024 ; Le Figaro, le 27 août 2024).
La mission gouvernementale qui avait été confiée aux anciens députés Anne-Laure Babault et Alexis Izard en février 2024 afin d’évaluer une potentielle modification du cadre législatif et réglementaire n’a pas pu aboutir à la publication du rapport en état d’achèvement au moment de la dissolution. Une note relayée, là encore, par voie de presse (v. La France agricole et La Tribune citant le média Contexte, 26 juin 2024) en aurait toutefois mentionné les principales propositions parmi lesquelles figureraient notamment l’instauration d’une date butoir amont et éventuellement la modification de la date butoir aval.
Quant aux nombreux projets de textes déposés à l’Assemblée nationale pour répondre notamment à la crise agricole et améliorer la transparence de la construction des prix des maillons de la chaîne d’approvisionnement agroalimentaire (v. notre Lettre d’information n ° 174 - Mars-Avril 2024), il est impossible de savoir à ce jour ce qui pourrait en rester pour – dans une certaine mesure – inspirer de futurs textes. On relèvera, à cet égard, la publication le 24 juin dernier par l’Autorité de la concurrence calédonienne d’une intéressante note économique sur la règlementation des prix et des marges en Nouvelle-Calédonie (art. L. 410-2 C. com.) aux termes de laquelle, elle relève notamment «l’efficacité limitée de l’intervention publique sur les prix comme outil de lutte contre la vie chère » et « les risques de biais méthodologiques liés à la règlementation des prix et des marges ». On relèvera également deux rapports du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux. Le premier (Quelles places de l’agriculture et de l’agroalimentaire français dans une offre alimentaire à bas prix ?) analyse la compétitivité des prix de l’agriculture et de l’agroalimentaire français et leur place sur ce segment de marché. Le second (Que retenir d'une analyse dans quelques pays européens (Allemagne, Belgique, Pays-Bas et Espagne) du rapport de force entre fournisseurs et distributeurs à dominante alimentaire d'un point de vue économique ?), dresse un état des lieux des relations économiques et règlementaires entre industriels et enseignes de la grande distribution dans le domaine alimentaire dans les pays voisins de la France dont l’économie est comparable (Allemagne, Belgique, Pays bas, Espagne) afin d’identifier des pratiques propices à des négociations commerciales apaisées dont la France pourrait s’inspirer.
Le sujet pourrait rapidement revenir sur le devant de la scène politique. On relèvera spécialement à cet égard la toute récente rédaction d’une proposition de projet de loi « Entreprendre en agriculture » par la FNSEA (cf. Communiqué de presse FNSEA, 29 août 2024 et Présentation de la proposition de projet de loi) visant notamment à :
- renforcer et étendre la contractualisation en marche avant (art. 12) ;
- garantir le contrôle et la transparence des relations commerciales (art. 13) ;
- bâtir un socle européen favorable à l’application d’EGalim (art. 14).
A l’échelle européenne
Les initiatives européennes, quant à elles, ne devraient pas être ralenties.
Au premier plan de cette rentrée figure la proposition de règlement concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales.
Déposée en septembre 2023 par la Commission européenne dans but de remplacer l’actuelle directive 2011/7/UE, le projet de texte initial proposait notamment l’introduction d’une mesure stricte de réduction des délais de paiement à 30 jours. Inquiets de la pénalisation des entreprises pouvant en résulter, nos sénateurs et députés français, avaient appelé à davantage de flexibilité et à la prise en considération des spécificités sectorielles et territoriales (v. Lettre d'information D-C n° 175 - Mai-Juin 2024).
Lors de son adoption en première lecture au Parlement européen (v. Résolution législative du Parlement européen du 23 avril 2024 sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales (COM(2023)0533 – C9-0338/2023 – 2023/0323(COD)) des assouplissements ont été introduits.
On relèvera notamment que la proposition de règlement européen prévoit désormais s’agissant des transactions entre entreprises :
- un délai de paiement maximal de 30 jours à compter de la date de réception de la facture ou d’une demande de paiement équivalente par le débiteur à condition que le débiteur ait reçu les biens ou les services conformément à l’accord contractuel ;
- sans préjudice de la possibilité de prolonger le délai à 60 jours à condition de le prévoir expressément dans le contrat.
La possibilité d’une prolongation jusqu’à 120 jours s’agissant de certains biens à rotation lente ou saisonniers est également introduite. Le dispositif d’encadrement des intérêts de retard et de l’indemnité pour frais de recouvrement est également amendé dans le sens d’un renforcement des droits du créancier payé en retard (ex. proposition de porter à 150 euros par transaction supérieure à 15 000 euros le montant de l’indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement).
En arrière-plan, la construction d’un « EGalim » à l’échelle européenne pourrait également se dessiner. On se souvient en effet des trois paquets de mesures lancés le 15 mars 2024 par la Commission européenne (v. notre Lettre d’information n ° 174 - Mars-Avril 2024).
Outre le lancement d’un Observatoire des coûts de production des marges et des pratiques commerciales dans la chaîne d’approvisionnement, la Commission prévoit, en 2025, une évaluation approfondie de la directive sur les pratiques commerciales déloyales dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire (Dir. (UE) n°2019/633) (v. d’ores et déjà sur ce point le rapport de la Commission européenne du 23 avril 2024 sur la Mise en œuvre de l’interdiction des pratiques commerciales déloyales pour renforcer la position des agriculteurs et des opérateurs dans la chaîne d’approvisionnement agricole et alimentaire qui alimentera l’évaluation future).
La question de l’application transfrontière des règles d’encadrement des pratiques commerciales déloyales est également soulevée par la Commission (v. CP du 15 mars 2024). Le traitement de cette question cruciale, ainsi qu’en témoigne encore récemment la lourde sanction par la DGCCRF d’une centrale d’achat européenne établie en Belgique pour non-respect de la date butoir de formalisation des conventions (v. infra), pourrait avoir des répercussions importantes sur nos règles internes en matière d’encadrement des négociations commerciales et des pratiques déloyales entre entreprises.
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A défaut de prise sur le calendrier de possibles évolutions législatives, les entreprises concernées par les prochaines négociations commerciales seront donc particulièrement attentives à ce qu’elles sont en mesure de maîtriser dès à présent, à savoir la construction de leurs instruments clés de négociation (ex. CGV, conditions d’achat).
FIDAL vous accompagne dans la construction de vos stratégies de négociations commerciales pour l’année 2025.