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Le Conseil d’Etat, juge du dopage

November 18, 2020
by Sophie Dion

Deux athlètes, deux décisions récentes du Conseil d’Etat, des procédures communes, des solutions divergentes justifiées par la personnalité des athlètes. Une lecture comparée de ces deux arrêts permet de mieux comprendre le rôle du Conseil d’Etat en matière de dopage.

Dans l’arrêt du Conseil d’Etat du 25 septembre 2020 (CE, 25 septembre 2020, n°438394) l’athlète est une sportive professionnelle connue. Elle s’appelle Clémence Calvin. Elle fait partie du groupe cible, c’est-à-dire des sportifs les plus surveillés et notamment ceux qui sont assujettis à l’obligation de transmettre sur le logiciel « ADAMS » (le système d’administration et de gestion antidopage) leur localisation. Elle est soumise le 27 mars 2019 à un contrôle anti-dopage. Elle se soustrait à ce contrôle en prétextant une urgence familiale. Au delà des questions de procédure, l’athlète demandait l’annulation de la décision de l’Agence Française de Lutte contre le Dopage (ci-après « l’AFLD ») qui avait prononcé une sanction de quatre ans. A titre subsidiaire, elle sollicitait la réduction de la sanction du fait de la suspension provisoire prise à son encontre. Le Conseil d’Etat rejette l’ensemble de ses prétentions et valide donc la sanction de l’AFLD.

Dans l’arrêt du 2 octobre 2020 (CE, 2 octobre 2020, n°430133), l’athlète est très peu connue. Elle s’appelle Charlotte Fromenteau. Elle ne fait pas partie du groupe cible. Mais à l’occasion des championnats de France de musculation, elle a subi un contrôle anti-dopage qui s’est révélé positif. Elle est sanctionnée par l’AFLD par une sanction principale de neuf mois et une sanction complémentaire d’interdiction d’exercer une fonction d’encadrement au sein d’une fédération ou d’un groupement affilié. Au-delà des questions de procédure, le Conseil d’Etat va annuler la décision de l’AFLD sur la peine complémentaire qui lui interdisait d’exercer une fonction d’encadrement en relevant que cette sanction est disproportionnée.

Ces deux décisions méritent un commentaire comparé. Elles illustrent le pouvoir d’appréciation et de modération du Conseil d’Etat sur le fondement du principe de proportionnalité. Dans le premier cas, l’athlète est une professionnelle, rompue aux arcanes, certes complexes, des règles anti-dopage. Mais alors même que son contrôle n’a pas eu lieu, le Conseil d’Etat valide la sanction de quatre ans en relevant la mauvaise foi de l’athlète. L’athlète est comme présumée coupable.

Dans la seconde espèce, la sportive est plus jeune, la présence du produit dopant est très mesurée. Elle ne bénéficie pas de suivi médical dans le cadre de sa pratique sportive. Son niveau d’éducation anti-dopage est faible. Elle ne connaissait pas la composition du produit dopant « le ginkor fort ». Alors même qu’ici le contrôle est positif, le Conseil d’Etat décide d’annuler la sanction complémentaire. L’athlète est comme présumée innocente.

A la lecture comparée de ces deux décisions, l’on comprend bien que le sportif professionnel se doit d’être exemplaire, alors que le sportif amateur peut bénéficier de l’indulgence du juge.

Ces deux décisions illustrent deux tendances fortes dans le droit du dopage. La première est la part prise par le Conseil d’Etat, qui est le juge normalement compétent en appel des décisions de l’AFLD. La seconde est l’hégémonie de l’Agence Mondiale Anti-dopage (ci-après « l’AMA ») qui impose à chaque fois que cela est nécessaire de modifier notre droit. C’est ici le cas avec l’ordonnance du 19 décembre 2018 qui supprime le pouvoir des fédérations pour la sanction des faits de dopage pour le confier de manière directe à l’AFLD. Ces deux décisions constituent par conséquent des applications directes de ces nouvelles dispositions voulues et décidées au niveau international par l’AMA. Nous savons bien que la marge du législateur français dans le droit du dopage est bien étroite. Mais chacun comprendra que seule une politique commune et concertée pour tous les Etats permettra de prévenir et d’endiguer le fait de dopage.

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