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L'institution d'un rescrit juridictionnel pour sécuriser les opérations immobilières

September 19, 2018
by Aude-Estelle Amblard

Dans le cadre de la loi pour un Etat au service d’une société de confiance (dite loi ESSOC) du 10 août 2018, le législateur s’est emparé de la problématique de l’insécurité juridique que peuvent subir les bénéficiaires d’autorisations administrative.

Le porteur d’un projet complexe court en effet le risque que celui-ci soit remis en cause au moment de sa mise en œuvre, au motif que l’autorisation administrative qui lui est délivrée est viciée par une irrégularité procédurale commise au cours du processus administratif d’élaboration, lequel peut être parfois très long.

Le législateur entend mettre en œuvre une mécanisme de rescrit juridictionnel permettant de sécuriser les opérations complexes en offrant la faculté de demander au juge administratif d’examiner la régularité de la procédure ayant conduit à l’édiction d’une autorisation afin d’empêcher toute contestation contentieuse ultérieure par voie d’exception : la demande en appréciation de régularité aura pour effet de purger de manière définitive toutes les irrégularités de la décision tenant à la forme de la décision, la procédure suivie pour son édiction ainsi qu’à la compétence de l’auteur de l’acte. Il ne s’agit donc bien à ce stade que d’apprécier la légalité externe des décisions qui lui sont soumises, et non d’aborder les éventuels vices de fond qui pourraient l’entacher.

Au terme de l’article 54 de la loi ESSOC, le bénéficiaire d’une autorisation administrative pourra saisir directement le juge administratif afin qu’il se prononce sa légalité externe. Cette demande devra être formée dans un délai de trois mois à compter de la notification ou de la publication de la décision en cause. Elle aura pour effet de suspendre l’examen des recours au fond dirigés contre la décision en cause et dans lesquels sont soulevés des moyens de légalité externe. Elle sera rendue publique dans des conditions permettant à toute personne intéressée d’intervenir à la procédure.

À titre d’illustration, cette demande en appréciation de régularité trouverait à s’appliquer dans le cadre d’une opération d’aménagement urbain engagée par une collectivité publique et donnant lieu à une procédure d’expropriation. La collectivité pourrait sécuriser l’acte déclaratif d’utilité publique en demande au juge administratif d’apprécier sa régularité. La DUP ne pourrait alors plus être contestée dans le cadre de recours dirigés contre des arrêtés de cessibilité.

Si le juge constate la légalité externe de la décision soumise à son appréciation, aucun moyen tiré de cette cause juridique ne pourra plus être invoqué, que ce soit par voie d’action ou d’exception, à l’encontre de cette décision. Cette « purge » permettra l’accélération des procédures au fond (nées ou à naître) puisque ne pourront être soulevés que des moyens de légalité interne.

Si le juge administratif constate l’illégalité de l’acte, il ne lui appartiendra pas de prononcer son annulation mais à l’autorité administrative de le retirer ou de l’abroger. Le Code des relations entre le public et l’administration sera complété afin de prévoir que, par dérogation à l’article L. 242-1, l’autorité administrative pourra retirer ou abroger la décision en cause, si elle estime qu’elle est illégale, à tout moment de la procédure de rescrit juridictionnel et jusqu’à l’expiration d’un délai de deux mois après que la décision du juge lui aura été notifiée.

Cette procédure de rescrit juridictionnel sera d’abord instituée à titre expérimental.

La loi renvoie ainsi à un décret le soin :

  • De déterminer les décisions qui pourront faire l’objet d’une telle procédure ; la loi précise que sont concernées uniquement les décisions prises sur le fondement du code de l’expropriation, du code de l’urbanisme, des articles L. 1331-25  à L.1331-29 du code de la santé publique ; relevons en outre que les décisions prises par décret sont exclues du champ de la mesure.
  • De fixer la liste des quatre tribunaux administratifs concernés par l’expérimentation.
  • De déterminer les conditions dans lesquelles les personnes intéressées sont informées des demandes tendant à apprécier la régularité d’une décision et de leurs conséquences éventuelles sur les recours ultérieurs.
  • De fixer les réponses apportées à ces demandes par le Tribunal.
  • D’encadrer le délai dans lequel doit statuer le Tribunal.

Espérons que ce décret d’application sera édicté rapidement afin que la procédure de rescrit juridictionnel puisse être testée et éprouvée. Nous saurons alors si l’objectif de sécurisation est satisfait. La réactivité et l’implication des juridictions sera en tout état de cause déterminante pour que la confiance souhaitée par le gouvernement s’exprime.

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