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Pas de changement de contrôle, pas de gun jumping

July 23, 2018

La violation du droit des concentrations peut coûter cher aux entreprises. En effet, lors d’une opération de concentration deux obligations pèsent sur les parties : une obligation de notification, et, une obligation de ne pas mettre en œuvre l’opération jusqu’à l’autorisation donnée par les autorités de concurrence.

La pratique du « gun jumping » qui correspond à la violation de ces obligations conduit aussi bien l’Autorité de la concurrence[1] que la Commission européenne[2] à sanctionner lourdement les entreprises.

Dès lors, la question se pose de savoir à partir de quand une entreprise se trouve en situation de « gun jumping ».

Si le défaut de notification ne soulève pas de commentaires particuliers, tel n’est pas le cas de la réalisation de l’opération de concentration entre le moment où l’opération est notifiée et celui où elle est autorisée, ce qu’interdit l’article 7, paragraphe 1 du règlement n°139/2004 dit « règlement sur les concentrations ».

A cet égard, d’importantes précisions ont été données par l’arrêt rendu par la Cour de justice de l’Union européenne (« CJUE »), le 31 mai 2018 (affaire C-633/16).

Dans cette affaire, deux cabinets d’audit avaient conclu un accord de concentration le 18 novembre 2013. Le même jour, conformément aux stipulations de cet accord de concentration, l’un d’entre eux avait dénoncé à compter de septembre 2014, un accord de coopération qu’il avait conclu avec un réseau international de cabinets d’audit indépendants.

Alors même que l’opération de concentration avait été autorisée en mai 2014, le Conseil de la concurrence danois avait par la suite considéré que les parties, en décidant de dénoncer l’accord de coopération avant d’obtenir ladite autorisation, avaient méconnu l’obligation de ne pas mettre en œuvre l’opération prévue par la législation danoise. Pour fonder sa décision, le Conseil de la concurrence danois avait considéré que cette obligation s’appliquait aux comportements : (i) propres à la concentration, (ii) irréversibles et (iii) susceptibles de produire des effets sur le marché.

C’est dans ce contexte que la Cour de justice était amenée à répondre à la question de savoir si la dénonciation de l’accord de coopération pouvait être considérée comme entraînant la réalisation d’une opération de concentration.

Revenant à la définition d’une opération de concentration, à savoir une opération contribuant à changer durablement le contrôle exercé sur l’entreprise cible, la Cour choisit de privilégier une approche « négative » de l’obligation de ne pas mettre en œuvre l’opération.

Ainsi, la Cour de justice juge que la dénonciation d’un accord de coopération qui n’entraîne pas un changement de contrôle ne peut être considérée comme conduisant à la réalisation d’une concentration, peu importe le fait de savoir si cette dénonciation a produit des effets sur le marché.

Autrement dit, faute de pouvoir caractériser un changement de contrôle suite à la dénonciation de l’accord de coopération en question, les parties n’ont pas violé l’obligation de ne pas mettre en œuvre l’opération et a fortiori n’ont pas commis de « gun jumping ».

En clarifiant les conditions permettant d’identifier les situations de gun jumping, la CJUE entend concilier deux objectifs : celui d’éviter que certains comportements échappent à l’obligation de ne pas mettre en œuvre l’opération et ainsi préserver le pouvoir de contrôle des autorités de concurrence, d’une part, et celui d’assurer la sécurité juridique des entreprises, d’autre part.

Après la condamnation par l’Autorité de la concurrence et la Commission européenne d’une société multinationale du secteur des télécommunications, c’est au tour d’une autre société multinationale spécialisée dans les produits optiques d’être concernée par une situation de « gun jumping ». Affaire à suivre…

[1] Décision n° 16-D-24 du 8 novembre 2016
[2] Communiqué de presse, Concentrations: la Commission inflige une amende de 125 millions d'euros à une société multinationale de câblodistribution et de télécommunications pour violation des règles de l'UE et prise de contrôle d’un opérateur de télécommunications et de multimédia avant d'avoir obtenu l'autorisation de procéder à la concentration, 24 avril 2018

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