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L’administration peut désormais être enjointe de délivrer une autorisation d’urbanisme

June 28, 2018
by Aude-Estelle Amblard

L’article 108 de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances, dite « loi Macron », a modifié l’article L. 424-3 du Code de l’urbanisme en précisant l’obligation de motivation pesant sur l’autorité statuant sur les demandes d’autorisations d’urbanisme.

Cet article précise en effet désormais que : « (…) Cette motivation doit indiquer l'intégralité des motifs justifiant la décision de rejet ou d'opposition, notamment l'ensemble des absences de conformité des travaux aux dispositions législatives et réglementaires mentionnées à l'article L. 421-6. Il en est de même lorsqu'elle est assortie de prescriptions, oppose un sursis à statuer ou comporte une dérogation ou une adaptation mineure aux règles d'urbanisme applicables. »

Les objectifs de cette mesure étaient clairs mais également ambitieux :

  • sécuriser les constructeurs en leur permettant, en cas de refus d’autorisation, de parfaire leur projet tout en en évitant de se voir opposer un nouveau refus lors du dépôt de la demande d’autorisation modificative, d’une part ;
  • lutter contre une pratique dilatoire de l’administration consistant à égrener les motifs de refus à chaque nouvelle demande d’autorisation, d’autre part.

Les motifs du refus d’une demande d’autorisation d’urbanisme étant désormais censés être exhaustivement visés au sein de l’arrêté, son annulation par le juge administratif devait « logiquement » et nécessairement conduire à l’édiction d’un arrêté autorisant le projet.

En effet, si l’on considère que l’autorité administrative a opposé au pétitionnaire l’ensemble des motifs justifiant le refus de son projet, ainsi que l’exige le nouvel article L.424-3 susvisé du Code de l’urbanisme, l’annulation de cette décision de refus doit conduire l’autorité administrative statuant de nouveau sur la demande d’autorisation conformément aux règles en vigueur à la date d’intervention de la décision annulée, pour autant que le pétitionnaire ait entendu confirmer sa demande dans les six mois suivant l’annulation juridictionnelle, à délivrer l’autorisation d’urbanisme.

Cette conséquence « logique » de l’obligation de motivation intégrale du refus d’autorisation d’urbanisme par l’autorité administrative a soulevé la question de l’ampleur du pouvoir d’injonction dévolu au juge administratif. Pour rappel en effet, l’article L. 911-1 du Code de justice administrative l’autorise «  lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (…) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé », à prescrire à l’administration le sens de son action, le cas échéant sous astreinte.

Une lecture combinée des articles L. 424-3 du Code de l’urbanisme et L. 911-1 du Code de justice administrative semblait ainsi autoriser le juge administratif à enjoindre à l’administration d’édicter un arrêté autorisant le projet préalablement refusé.

Les premières applications juridictionnelles de cette disposition du Code de l’urbanisme s’étaient toutefois révélées timides, le juge administratif étant peu enclin à brider le pouvoir d’instruction de l’administration. Le Tribunal administratif de MONTREUIL avait ainsi estimé que les dispositions de l’article L. 424-3 du Code de l’urbanisme n’imposaient qu’une obligation formelle aux auteurs de refus d’autorisation relevant de la légalité externe (TA Montreuil, 26 décembre 2016, n°1510000).

Le Conseil d’État a franchi le pas en précisant, au sein d’un avis rendu le 25 mai 2018, que « lorsque le juge annule un refus d’autorisation ou une opposition à une déclaration après avoir censuré l’ensemble des motifs que l’autorité compétente a énoncés dans sa décision conformément aux prescriptions de l’article L. 424-3 du code de l’urbanisme (…), il doit, s’il est saisi de conclusions à fin d’injonction, ordonner à l’autorité compétente de délivrer l’autorisation ou de prendre une décision de non-opposition ».

Le Conseil d’État offre néanmoins à l’autorité administrative une séance de rattrapage en lui préservant la possibilité de faire jouer la substitution de motifs en cours d’instance.

En tout état de cause, la Haute Juridiction dresse deux séries de prérequis à l’obligation de délivrance :

  • la première résulte du pétitionnaire lui-même qui doit avoir saisi le juge d’une demande d’injonction au visa de l’article L. 911-1 du Code de justice administrative ;
  • la seconde résulte des considérations de fait et de droit applicables. La demande pourra ainsi être refusée s’il résulte de l’instruction, soit que les règles d’urbanisme en vigueur à la date de la décision annulée interdisent d’accueillir le projet pour un motif que l’administration n’avait pas relevé, soit qu’en raison d’un changement de circonstance de faits l’autorisation ne peut être délivrée.

En définitive, l’obligation d’exhaustivité des motifs de refus déporte une partie du pouvoir d’instruction sur le juge administratif auquel il appartient de vérifier si l’obligation de motivation intégrale du refus d’autorisation d’urbanisme peut produire son plein effet.

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